Un secteur demandeur mais dans l'attente d'un cadre légal favorable

Un secteur demandeur mais dans l’attente d’un cadre légal favorable

L’asbl LuxReal est une plateforme de rencontre et de travail pour les acteurs du secteur immobilier luxembourgeois. Son président Vincent Bechet, également managing director d’Inowai, livre ses réflexions sur l’urban farming.

Le secteur immobilier luxembourgeois de demain a-t-il besoin de l’urban farming ?

La tendance est clairement posée au niveau mondial mais bien entendu, la question se pose différemment quand on parle d’une ville de plus de 20 millions d’habitants comme certaines mégapoles asiatiques, ou d’une ville de moins d’1 million, comme Luxembourg. On pourrait se dire que c’est une question de luxe, mais agir sur ce domaine-là maintenant est une position à très long terme. On vient de dépasser les 600 000 habitants, on court vers les 700 000 à l’horizon 2045-2050. La volonté est de préserver une partie des espaces verts du pays, ce qui est une bonne chose, qui signifie également qu’on va concentrer les populations entre Luxembourg-ville et Esch-Belval. C’est une sorte de grand tissu urbain qui est en train de se développer à travers ces deux villes.

L’urban farming répond à la foi à l’enjeu de l’agroalimentaire de demain pour nourrir tout le monde - qui n’est sans doute pas l’enjeu principal ici au Luxembourg – et à une tendance d’économie circulaire, de développement durable, de changement de nos habitudes. L’UF permet en effet de produire des fruits et légumes sains, sans recours à des pesticides et de les distribuer en circuit court du toit à la boutique en pied d’immeuble. Ce qui peut d’ailleurs répondre, en tout cas partiellement, aux problèmes de mobilité, puisqu’un certain tonnage ne devra plus être transporté vers le centre-ville. Un projet de ce type a vu le jour avec la ferme urbaine aquaponique BIGH à Anderlecht (voir « Aux quatre coins du monde », p 38) et il est impressionnant de voir la quantité de fruits et légumes qu’on peut y cultiver annuellement.

Si ces enjeux ne suffisent pas à encourager les investisseurs, on a encore un argument commercial et social : les nouvelles générations, qui débarquent chaque mois au Luxembourg et qui viennent de plus en plus loin, sont demandeuses de logements plus trendy, incluant une toiture végétalisée où il est possible de se détendre. Ces nouveaux arrivants de 25-35 ans sont à la recherche de lien social et les jardins suspendus fournissent un lieu de rencontre pour une population qui est de plus en plus célibataire.

Toutefois, aujourd’hui, si on analyse les projets en développement au Luxembourg, il y en a très peu qui incluent une quelconque forme d’agriculture urbaine ou de végétalisation.

Quels pourraient être les freins aux projets d’urban farming en toiture dans les développements immobiliers ?

À l’étranger, on constate que la végétalisation en toiture prend généralement des formes professionnelles, parce qu’on ne peut pas décider de cultiver sur un toit sans procéder à des études de stabilité, d’étanchéité, d’accès, de transport des matériaux, etc. Ce sont des schémas qui doivent trouver une raison économique. Il faut également avoir l’accord du propriétaire, voire du syndicat de copropriété dans de nombreux cas, puisque de telles installations engendrent aussi des coûts d’entretien. Il y a tout un cadre juridique qui devra encadrer ces structures.

Au Luxembourg, il faudra également que l’État apporte un peu de souplesse au niveau des PAP pour que les volumes sous serres n’entrent pas dans les calculs de volume construit. Sinon, on perdrait toute la surface habitable du dernier étage qui est la plus prisée.

Comment le secteur immobilier doit-il se préparer à l’arrivée de l’urban farming ?

Je suis très positif en ce qui concerne l’arrivée de l’agriculture urbaine donc j’y vois principalement un argument commercial. Toutefois on ne pourra véritablement s’y préparer que lorsqu’on connaîtra le cadre légal et fiscal.

D’un point de vue technique, on devra se pencher sur les problèmes d’étanchéité des toitures. Au niveau du facility management, il y a toutes les questions d’accès, de sécurité et de transport. Sur l’existant, ce sera plus compliqué car il est très rare que les cages d’ascenseurs donnent accès au toit, par exemple. Nous devrons étudier tout cela au cas par cas.

C’est en tout cas entièrement dans l’esprit innovateur luxembourgeois et je suis convaincu que si la législation est favorable, l’urban farming se développera très bien au Luxembourg.

Marie-Astrid Heyde
Interview De Vincent Bechet, Président de Luxreal, Real Estate Association Of Luxembourg
NEOMAG#22
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
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Publié le jeudi 20 juin 2019
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