Logement abordable : un champ d’action dans les projets moyens
Les données de l’Observatoire de l’Habitat à la loupe de la Fondation pour l’Accès au Logement : « Il y a de la place pour les projets modestes, dont on a aussi besoin ».
En rendant public un « Tableau récapitulatif des plus importants propriétaires de foncier constructible pour l’habitat en 2020/2021 », le ministère du Logement a sans doute réalisé une première dans le pays : mettre clairement un nom sur les grands propriétaires de « places à bâtir » au Luxembourg.
(disponible ici - pdf)
Il s’agit d’une note complémentaire à la note 29 de l’Observatoire de l’habitat fournissant un certain nombre de données éclairantes sur la concentration de la détention foncière disponible pour l’habitat.
Interprétation sans mauvaise foi
« Il faut éviter la surinterprétation de cette divulgation de cette liste de propriétaires, somme toute peu étonnante », pense Gilles Hempel, directeur de la Fondation pour l’Accès au Logement (structure mère de l’Agence immobilière sociale et ABITATIO). « Ces données sont un fait. Leur interprétation doit se faire sans mauvaise foi ».
D’abord, la liste des acteurs-propriétaires en question, c’est une annexe à la note de l’Observatoire de l’Habitat, diffusée fin 2021, « et qui était déjà riche en enseignements chiffrés, à défaut d’être riche en bonnes surprises », souligne M.Hempel. Un des constats-clés, c’était le gros potentiel foncier « théoriquement » disponible pour la construction d’habitations, de quoi loger environ 300.000 habitants en plus !
Beaucoup de propriétaires détiennent moins de 5ha
Le rapport confirmait aussi une sérieuse concentration des biens. « 0,5% de la population détient la moitié du foncier constructible. Près de 85% des terrains potentiellement accessibles pour la construction d’habitations sont détenus par des particuliers ou/et des sociétés privées ».
Gilles Hempel note aussi que « trois quarts des propriétaires détiennent moins de 5ha » et que « les acteurs publics ont la main sur 13,5% des terrains utiles pour le logement ».
A contrario, il fait remarquer que la Note 29 montre aussi que « l’État dispose de plus de foncier dans les zones autres que celles destinées à l’habitat ».
Question d’opportunités et d’objectifs
En fait, « tout est question de terrain, d’opportunités, de vision du territoire ou de but lucratif ou sociétal. Il est évident que la politique actuelle du gouvernement donne de nouveaux outils et marque un réel infléchissement en faveur du logement en général, du logement abordable en particulier. »
Et c’est bien ce que dit le gouvernement quand il inscrit « le droit au logement » dans les priorités constitutionnelles et quand il travaille sur des incitants pour favoriser l’accès au logement d’un côté, sur des mesures fiscales pour décourager la spéculation sur les terrains constructibles ou les logements laissés vides, de l’autre.
La note complémentaire de l’Observatoire identifie les propriétaires possédant plus de 5 ha de foncier constructible pour l’habitat. 49 propriétaires cumulent 939 hectares, soit 25,2% du total du potentiel foncier constructible pour l’habitat identifié en 2020/2021. On y retrouve évidemment des acteurs aux reins solides dans l’immobilier et la promotion, des opérateurs de développement territorial, des industriels, quelques particuliers en nom propre, des organisations à vocation plus caritative… ou encore bien sûr l’État, les communes, ainsi que les grands acteurs publics de l’habitat.
Élargir la main publique
« Un enjeu important, c’est d’élargir la main publique. Il faut avoir du foncier pour développer des projets de logements abordables et beaucoup de privés ne veulent pas vendre. L’État a lancé d’ambitieux programmes, notamment avec le Fonds du Logement et des communes. C’est très intéressant et cela sert la cause du logement ». On retrouve d’ailleurs ces communes dans la liste des propriétaires importants, la Ville de Luxembourg, Niederanven, Sanem, Wiltz, Differdange, Rumelange, Pétange, Dudelange, Esch-sur-Alzette...
Tout récemment, le ministre Henri Kox a rencontré différents acteurs du logement abordable, ASBL, fondations, offices sociaux ou congrégations, pour discuter des aides destinées aux promoteurs sociaux et aux bailleurs sociaux, appuyées sur les nouveaux textes de loi. Il a fait de même avec le Syvicol, le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises...
Rassembler pour projeter
Pour Gilles Hempel, c’est une voie intéressante car des acteurs sans but lucratif peuvent apporter leur pierre à l’édifice d’un marché abordable pour toute une partie de la population, présente ou future. « En tant que Fondation, nous ne nous inscrivons pas dans une logique de projets ambitieux. Nous ne sommes d’ailleurs pas là pour agrandir notre patrimoine, mais pour créer du logement abordable et suivre les bénéficiaires. »
Aux côtés de gros projets public-privé ou/et des grands chantiers entamés sous la houlette des ministères, la FAL identifie un potentiel, notamment dans les communes plus petites, qui sont moins outillées.
« Il y a des besoins partout, et il y a de la place pour des projets plus modestes. On parle de petits lotissements, de parcelles moyennes à rassembler, de capacités d’une douzaine de logements, voire entre 15 et 20 logements. C’est cette réalité-là que nous vivons. Et c’est là que nous pouvons essayer de mettre notre apport avec ABITATIO, notre promoteur immobilier à vocation sociale ».
Alain Ducat
Photo : Shutterstock