Une décennie marquée par la progression de l’activité des femmes
Au cours de la dernière décennie, le Luxembourg a enregistré une évolution notable de son taux d’activité, largement attribuable à la participation croissante des femmes sur le marché du travail. En effet, le taux d’activité des résidents au Luxembourg est passé de 69,9% en 2013 à 74,1% en 2023[1].
Il s’agit là d’un des faits mis en avant dans l’Avis Annuel 2024[2] présenté par IDEA le 21 mars dernier.
Le taux d’activité d’un pays représente le pourcentage de la population active (en emploi et au chômage) par rapport à la population en âge de travailler. Plusieurs facteurs peuvent expliquer son évolution, tels que l’évolution démographique, la dynamique du marché du travail, la durée des études, les politiques d’activation pour l’emploi, la fiscalité ou encore les politiques sociales.
Selon les données du recensement de la population (STATEC)[3] , la population en âge de travailler au 1er janvier (de 15 à 64 ans) au Grand-Duché a augmenté de 23,5% entre 2013 et 2023, passant ainsi de 370.749 au 1er janvier 2013 à 457.774 personnes au 1er janvier 2023, dont 51,2% d’hommes, mettant en exergue une légère surreprésentation de ceux-ci. La population active a quant à elle progressé de 33,5% sur la période, avec une progression du taux d’activité de 4,2 points de %. Toutefois, cette progression du taux d’activité est en grande partie due à la hausse de l’activité des femmes, qui a progressé de 7,5 points de pourcentage tandis que celui des hommes est plus lente (+1,2 point). En comparaison européenne, en 2023, le Luxembourg se classe 18e en termes de taux d’activité des femmes (70,7%) parmi les 27 pays de l’UE, se situant après la France et avant l’Espagne. Pour le taux d’activité des hommes (77,5%), le Luxembourg occupe la 21e position, après la Slovénie et avant la Grèce[4] .
Emploi salarié résident et participation des femmes dans les secteurs d’activité
L’augmentation de l’activité féminine peut s’observer dans l’évolution de l’emploi salarié résident au sein des différents secteurs d’activité.
Au total, sur 10 ans, selon les données de l’IGSS, l’emploi salarié résident a augmenté de 60.200 postes, dont 30.780 occupés par des hommes (51,1%) et 29.420 par des femmes (48,9%). Cela correspond à une augmentation moyenne annuelle de 3.078 postes pour les hommes et de 2.942 postes pour les femmes. En 2013, on dénombrait 91.000 femmes salariées résidentes, soit 44,3% de l’effectif total, et 120.420 en 2023, soit 45,3% [5].
Cinq secteurs se distinguent par une hausse du nombre d’emplois occupés par des femmes supérieure à celle du nombre d’emplois occupés par des hommes : l’administration publique (+7.570 contre +5.250), la santé et social (+4.570 contre +2.270), les services administratifs et de soutien (+2.590 contre +1.830), l’enseignement (+860 contre +750) et l’immobilier (+370 contre +310).
Parmi les 5 secteurs cités ci-dessus, l’administration publique et les activités immobilières ont vu la part des femmes augmenter en 10 ans. Le premier secteur a enregistré une augmentation de 12.820 emplois au cours des dix dernières années, avec 59% de ces nouveaux postes occupés par des femmes, ce qui a fait progresser leur proportion de 2,8 points, passant de 48% en 2013 à 51% en 2023. En chiffres absolus, il s’agit également du secteur qui a vu la plus forte augmentation d’emploi en 10 ans. Dans un registre similaire, le secteur des activités immobilières a connu une hausse de 680 emplois, dont 54% occupés par des femmes, ce qui a entrainé une augmentation de leur part d’1,4 point.
En revanche, bien que les femmes soient encore fortement représentées dans les domaines de la santé et du social, des services administratifs et de soutien, et de l’enseignement, la proportion de femmes travaillant dans ces secteurs a diminué. Le secteur de la santé et de l’action sociale a connu une augmentation significative du nombre d’emplois, avec une création de 6.840 postes au cours des dix dernières années. Parmi ces nouveaux emplois, 67% sont occupés par des femmes, ce qui montre une forte présence féminine dans ce domaine. Cependant, depuis 2013, la proportion de femmes travaillant dans ce secteur a diminué de 2,1 points.
Le secteur de l’enseignement présente un tableau similaire, avec une augmentation de 1.610 postes, dont 53% sont occupés par des femmes. Bien que la proportion de femmes y reste élevée, elle a légèrement diminué de 1,2 point, passant ainsi de 56,3 % en 2013 à 55,2 % en 2023.
En parallèle, les services administratifs et de soutien ont connu une augmentation de 4.420 emplois en 10 ans, mais seulement 14% de ces postes sont occupés par des femmes. Leur part dans ce secteur reste stable, autour des 60 %.
Trois secteurs traditionnellement dominés par les hommes ont vu une augmentation significative de la part des femmes : le secteur de la finance et des assurances, l’industrie et la construction. Le premier a généré 7.700 emplois en dix ans, avec une hausse de 1,6 point dans la proportion de femmes, qui représentent désormais 49,7% de ces postes, soit une parité des genres dans ce secteur. Dans l’industrie, bien que l’emploi salarié résident ait diminué de 2.190 postes, le nombre d’emplois occupés par des femmes a baissé dans une moindre mesure que ceux occupés par des hommes (180 contre 2.010). En conséquence, la part des femmes dans ce secteur a augmenté de 3,2 points, passant de 21,9% en 2013 à 25,1% en 2023. Enfin, le secteur de la construction a également vu la proportion de femmes augmenter d’1,4 point en 10 ans, atteignant 10,5% en 2023 contre 9,1% en 2013.
En outre, deux secteurs méritent une attention particulière. Le premier est celui des activités scientifiques et techniques, le deuxième plus grand contributeur à l’augmentation de l’emploi salarié résident en 10 ans, avec une création de 12.140 emplois. Depuis 2013, la proportion de femmes dans ce secteur s’est maintenue à environ 45%. Le second secteur est celui de l’information et des télécommunications (IT), qui a enregistré 2.800 emplois créés, avec 68% des nouveaux postes occupés par des hommes et 32% par des femmes. La part des femmes dans ce secteur demeure stable, autour de 30%, depuis 2013.
L’analyse révèle une tendance générale à la féminisation à travers les différents secteurs d’activité, bien que cette évolution soit marquée par une hétérogénéité considérable concernant l’évolution de la part des femmes. Tous les secteurs ne connaissent pas le même rythme de féminisation. Des secteurs tels que les soins de santé et l’éducation sont fortement féminisés, alors que des secteurs comme l’ingénierie ou la construction demeurent largement masculins. Il est aussi possible de se demander si la féminisation de l’emploi serait due à une croissance plus forte dans les secteurs les plus féminisés ou à la seule hausse de la part des femmes dans certains secteurs spécifiques. Ainsi, les résultats indiquent que 91% des nouveaux emplois occupés par des femmes résultent d’un effet cumulatif qui combine à la fois la croissance des secteurs et l’évolution de la proportion féminine dans ces secteurs. Les 9% restants sont dus exclusivement à l’accroissement de la proportion de femmes dans certains secteurs spécifiques, principalement dans l’administration publique, la finance, l’industrie et la construction. Cela indique que ces deux derniers secteurs, bien qu’ils aient historiquement été dominés par les hommes, présentent une tendance à la hausse de la proportion de femmes.
En outre, le récent recensement de la population du STATEC[6] sur l’activité économique des résidents, met en exergue l’augmentation significative de la participation des femmes au marché du travail, à travers les résultats d’une enquête menée en 2021. L’analyse montre que les écarts entre les genres sont moins flagrants par profession que par secteur et que « les professions les plus féminisées sont les professions intermédiaires, les personnels des services directs aux particuliers, commerçants, vendeurs et enfin les professions élémentaires. »
L’analyse de la croissance de l’activité féminine doit également tenir compte de la proportion plus élevée des emplois à temps partiel parmi les femmes. En effet, d’après la récente enquête du STATEC, 35,8% des femmes déclarent travailler à temps partiel, contre seulement 7,6% des hommes.
Qu’en est-il des femmes au chômage ?
Les données de l’ADEM[7] montrent qu’en 10 ans, le nombre de femmes demandeuses d’emploi a augmenté de 3,5%, tandis que le nombre d’hommes au chômage a diminué de 13,4%. En 2013, les femmes représentaient en moyenne 46% des chômeurs résidents disponibles. En 2023, cette part est passée à 50,2%. Il faut néanmoins mettre cette hausse en parallèle avec celle de la population de femmes actives concernées, étant de 40,2%[8] sur 10 ans. Dès lors, le taux de chômage des femmes âgées de 20 à 64 ans est passé de 6,2% en 2013 à 4,6% en 2023. En ce qui concerne le taux de chômage global des résidents disponibles, il est passé en moyenne de 6,8% à 5,2% sur la même période, ce qui suit une tendance similaire avec le taux de chômage des femmes.
Et des femmes inactives ? Malgré la forte baisse de 7,5 points en 10 ans du taux d’inactivité des femmes âgées de 15 à 64 ans (contre -1,15 point pour les hommes), les femmes connaissent toujours un taux d’inactivité supérieur à celui des hommes. En 2023, il s’élève en moyenne à 29,3% contre 22,5% pour les hommes[9] .
Parmi les femmes qui ne cherchent pas d’emploi, deux sous-catégories peuvent être identifiées : les femmes inactives qui aimeraient travailler (elles sont inactives en raison de contraintes familiales, des études ou encore des problèmes de santé) et celles qui ne veulent pas travailler (déjà en retraite ou pour des raisons personnelles).
Selon Eurostat[10] , parmi les femmes inactives, la proportion de celles qui aimeraient travailler est passée en 10 ans de 17,2% à 25% (+7,6 points de %) pour la catégorie d’âge des 15 à 24 ans ; celles âgées de 25 à 49 ans ont vu leur proportion se réduire de 47,6% en 2013 à 41,9% en 2023 (-5,8 points %) ; cela pourrait s‘expliquer par des responsabilités familiales croissantes ou des défis liés à la conciliation travail-vie personnelle. La proportion de celles, inactives, de 50 à 64 ans qui aimeraient travailler, est quant à elle passée de 18,1% en 2013 à 7,8% en 2023 (-10,3 points de %). Cette tendance pourrait être associée à des retraites ou à une diminution de leur confiance en la possibilité de réinsertion professionnelle à cet âge, or dans ce cas, repenser la formation professionnelle pour les seniors[11] serait une piste à explorer. Au total, pour les 15 à 64 ans, la proportion de femmes inactives qui aimeraient travailler a diminué en passant de 25,8% en 2013 à 20,6% en 2023 (-5,3 points %).
En comparaison européenne, le taux d’inactivité des femmes de 15 à 64 ans au Luxembourg se situe en 18e position dans l’UE, entre la France (17e) et l’Espagne (19e), au même rang qu’en 2013[12] .
Cette réalité met en évidence un potentiel de main-d’œuvre féminine qui pourrait s’avérer sous-exploité et qui – s’il était mobilisé – pourrait contribuer encore de manière significative à l’augmentation du taux d’activité global.
Par Ioana Pop ioana.pop@fondation-idea.lu
©Ioana Pop
[1]Eurostat, Emploi et activité par sexe et âge - données annuelles., dernière visite du site le 3 septembre 2024.
[2] Voir le document de la Fondation IDEA a.s.b.l, Avis Annuel : le Luxembourg au rAAAlentit, mars 2024.
[3] STATEC, Population par âge et sexe au 1er janvier, dernière visite du site le 3 septembre 2024.
[4] Sur le taux d’activité hommes et femmes confondus, le Luxembourg se classe 20e parmi les pays de l’UE en 2023 (18e en 2013). En 2013, le pays se classait 19e parmi les 27 pays actuels de l’UE pour le taux d’activité des femmes et 15e pour le taux d’activité des hommes.
[5] IGSS, Salariés par secteur d’activité, genre, âge, pays de résidence, statut et année., dernière visite du site le 3 septembre 2024.
[6] STATEC, Les résidents actifs – un emploi dynamique et segmenté, RP 1er Résultats 2021, nr12, 16 mai 2024.
[7]ADEM, données de data public, demandeurs d’emplois résidents disponibles (profils)., dernière visite du site le 3 septembre 2024.
[8] Selon les données d ’Eurostat, le nombre de femmes actives âgées de 15 à 64 ans est passé de 112.000 en 2013 à 157.000 en 2023.
[9] En 2013, le taux d’inactivité s’élève en moyenne à 23,7% pour les hommes, selon les données de l’Eurostat.
[10] Eurostat, Population inactive ne recherchant pas d’emploi par sexe, âge et volonté de travailler (1 000).
[11] Ioana Pop, Août of the box (3/5), Repenser la formation professionnelle pour les seniors, aout 2023.
[12] En 2013, avec un taux d’inactivité de 36,8% des femmes âgées de 15 à 64 ans, le Luxembourg se situait après la Bulgarie (17e) et avant la Slovaquie (19e).