A la sauvette, les députés français nous engagent pour plusieurs millénaires
Après de multiples échecs législatifs, le projet d’enfouissement des déchets atomiques est propulsé en vitesse au Parlement. But du gouvernement et des députés : lancer sans discussion ce projet, qui concerne des déchets radioactifs pour des milliers d’années.
Le projet Cigéo, l’acronyme de centre industriel de stockage géologique de déchets radioactifs, prévu à Bure (Meuse - France), est en train de s’imposer en douce au Parlement : après l’échec de son introduction dans la loi de transition énergétique, il y a exactement deux ans, puis son annulation par le Conseil constitutionnel qui le considérait comme un cavalier législatif au sein de la loi Macron à l’été 2015, le projet d’enfouissement prévu pour 2025 bénéficie cette fois d’une proposition de loi à part entière, déposée par les sénateurs meusiens Gérard Longuet (Les Républicains) et Christian Namy (UDI) et adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat, le 17 mai dernier.
Après plus d’une dizaine de tentative d’intrusion dans divers projets législatifs sur ces deux dernières années, c’est donc la première fois que l’installation, censée garantir le confinement de résidus actifs pendant plusieurs millénaires, est l’objet direct d’un texte de loi, qui vise à définir les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.
Le débat parlementaire qui était annoncé n’a jamais eu lieu
Le gouvernement a choisi de placer ce texte à l’ordre du jour de la session extraordinaire du Parlement qu’il a convoqué pour le mois de juillet. Le gouvernement souhaite que cela passe rapidement, et on peut imaginer qu’Emmanuel Macron n’y est pas étranger, dit-on dans l’entourage du député PS Jean-Paul Chanteguet, également président de la commission du Développement durable de l’Assemblée nationale. Cette commission a voté le texte à la quasi-unanimité mercredi matin 29 juin, seule la députée Laurence Abeille ayant voté contre. L’ensemble des députés sera amené à se prononcer sur le sujet en séance publique, à partir du lundi 11 juillet.
Le résultat ne fait guère de mystère : sur le sujet, seuls les députés écologistes s’opposent au projet, bien qu’ils aient perdu leur groupe à l’Assemblée nationale en même temps que leur meilleur connaisseur du dossier avec Denis Baupin. Le vote est d’autant plus acquis que le texte reste largement identique aux précédentes moutures, avec une définition de la réversibilité pratiquement inchangée depuis deux ans. Cela fait de toute façon longtemps que le calendrier originellement prévu par la loi de 2006, qui instaure cette notion de réversibilité, n’est plus respecté : Le débat parlementaire qui était annoncé pour 2015 n’a jamais eu lieu, souligne Corinne François, du collectif Burestop.
Seule nouveauté, l’introduction d’une phase pilote dans ce calendrier. Un leurre selon les opposants, qui y voient un lancement déguisé du véritable chantier Cigéo : Avec un investissement estimé à 5,7 milliards d’euros et au vu des infrastructures prévues par cette phase, on doute qu’il s’agisse simplement de tester. Ce serait bien le début des travaux, estime Corinne François. De son côté, le réseau Sortir du nucléaire dénonce un nouveau passage en force alors que plusieurs associations s’interrogent sur un possible conflit d’intérêt quant à la nomination au poste de rapporteur de cette loi de Christophe Bouillon, par ailleurs président du Conseil d’administration de l’Andra, qui pilote le projet.
Alors que plusieurs opposants ont investi la forêt de Mandres-en-Barrois où de premiers travaux ont été entrepris il y a quelques jours, le récent épisode de la consultation à Notre-Dame-des-Landes a semble-t-il inspiré les défenseurs de Cigéo : ainsi, le député Christophe Premat proposait lundi sur Twitter un amendement visant à l’organisation d’un référendum local sur Cigéo.
Source : Barnabé Binctin (Reporterre) – https://reporterre.net/