À s’y méprendre ! Orchidées sauvages au Luxembourg
Jusqu’au 27 août, le Musée national d’histoire naturelle (MNHN) vous entraîne à travers un parcours fascinant, fleuri par les 45 espèces d’orchidées indigènes du Luxembourg, symboles de sa biodiversité.
Des reproductions plastiques plus vraies que nature célèbrent celles qui excellent dans l’art de duper leurs insectes pollinisateurs. Belles et mystérieuses, parfaitement adaptées et indispensables.
L’exposition aux deux illusions
Thierry Helminger, conservateur et coordinateur de la section botanique du natur musée, commissaire de l’exposition, dévoile ce qui se dissimule derrière son titre : deux trompe-l’œil.
La première illusion, ce sont les reproductions botaniques minutieuses et incroyablement réalistes de Sebastian Brandt, réalisées à partir de moulages des véritables plantes. Des copies conformes. La confusion est totale.
La seconde tient dans la biologie des orchidées, des illusionnistes extraordinaires. Elles ont recours à de nombreuses astuces pour se reproduire. Comme une grande majorité des plantes à fleurs, les orchidées dépendent des insectes pour être pollinisées. Ces stratagèmes sont donc une question de survie.
« Une collection de cette envergure et de cette nature, n’a encore jamais été présentée aux yeux du public. »
En quoi les orchidées sauvages nous sont aussi belles qu’indispensables ? Elles se révèlent des indicateurs précis de la bonne santé des milieux naturels. Sensibiliser à leur protection, c’est préserver de précieux habitats, où des espèces animales et végétales rares peuvent s’épanouir.
Orchidées ou la règle des trois habitats
Comme pour les orchidées, l’exposition se structure selon une règle de 3, claire et immersive.
La plante possède trois sépales extérieurs qui sont souvent semblables, trois pétales qui peuvent varier de forme ; celui du milieu formant un labelle à la silhouette plus ou moins importante, avec souvent dans son dos, un éperon qui renferme ou non, du nectar.
L’exposition s’articule autour des trois grands groupes de biotopes peuplés par les orchidées : les forêts, les pelouses sèches, calcaires, et les prairies maigres et humides. Ils ont en commun d’être pauvres en nutriments, peu amendés. Vous les retrouverez dans cet ordre au second étage du musée.
Pour ces trois habitats, trois cartes du Luxembourg ornent le parterre. Elles localisent les lieux où sont visibles les orchidées, les « stations ». Malheureusement, également, les anciennes stations d’où elles ont disparu.
9 espèces sur 45 sont éteintes et 14 sont menacées d’extinction d’après la liste rouge du natur musée. Cela démontre une dégradation de leur environnement. Certaines se sont évanouies, déjà, depuis le siècle dernier.
Plus que des mots, ces cartographies et ces chiffres justifient le combat pour la préservation de la flore qui court le long des panneaux et des cartels en langues allemande et anglaise. Le français et le luxembourgeois sont accessibles via des QR codes présents sur tout le cheminement.
Pour ces trois écosystèmes, trois sublimes dioramas. Des maquettes qui reconstituent – des racines aux fleurs – le monde et la vie du végétal. Un morceau de nature avec une coupe du sol qui vous plonge dans les secrets des orchidées.
Le fantôme au fond des bois
Le premier diorama est aussi intriguant et poétique que peut l’être son sujet d’étude : l’orchidée fantôme ou épipogon (Epipogium aphyllum).
Le fantôme ne fleurit que quelques jours en juillet, uniquement quand l’humidité et la chaleur sont élevées, en une seule station, dans une forêt de hêtres près de Walferdange.
Le reste du temps, il vit terré dans l’humus humide des sous-bois. Il n’est pourvu d’aucun feuillage et ne produit pas de chlorophylle. Il vit en symbiose fongique, il tire sa nourriture du mycélium des champignons.
Vous voilà offerte la possibilité de découvrir l’intimité de cette coopération forcée, silencieuse et souterraine.
Labelle et la bête, leçons de séduction
Comme le Sabot de Vénus et son labelle jaune (Cypripedium calceolus), peut-être la plus élégante de toutes les orchidées, qui attire les abeilles grâce à son nectar spécial pour les faire glisser dans une cavité pollinisatrice ; comme la céphalanthère rouge (Cephalanthera rubra) imitant des campanules qui fleurissent à la même période pour se faire polliniser par gémellité, les Ophrys sont passées maîtresses dans l’art de l’artifice. Elles imitent l’apparence et les phéromones d’un insecte femelle.
Ces espèces vivaces, génies de l’évolution et du subterfuge, telles l’ophrys mouche, (Ophrys insectifera), abusent ainsi un mâle qui confond sa partenaire, féconde la fleur et se charge du pollen qu’il ira déposer sur une autre contrefaçon.
Mais la ruse ne s’arrête pas là. L’ophrys fleurit en une période où l’éclosion des larves mâles devance celle des femelles. Les pollinisateurs sortent plus tôt, les femelles somnolent encore, l’ophrys a éliminé toute concurrence avant même qu’elle ait débuté.
On retrouve ces ensorceleuses sur les prairies sèches de la Haard, de l’Arnescht, du Guttland ou encore le long de la vallée de la Moselle.
L’orchidée raconte l’inépuisable habileté du vivant à créer des œuvres d’art dans le seul but de se perpétuer. Cela vaut au moins, un peu de notre attention, beaucoup de notre admiration.
Thierry Helminger rappelle que toutes les orchidées du Grand-Duché sont protégées. S’il est impératif de les observer in situ, il est bien sûr interdit de les cueillir.
Par Sébastien Michel
Photos : Marie Champlon
Pour aller plus loin, découvrir la liste des espèces, la géolocalisation de leurs stations, le catalogue de l’exposition et l’agenda des événements (notamment des excursions), rendez-vous sur le site du MNHN dédié aux orchidées.
Horaires d’ouverture :
- Le mardi de 10h00 à 20h00, entrée gratuite à partir de 17h30
- Du mercredi au dimanche, de 10h00 à 18h00
- Fermé le lundi
Pour s’y rendre : 25 Rue Münster, 2160 Luxembourg, Grund