Aménagement du territoire… sans frontières
La Grande Région élabore une stratégie opérationnelle transfrontalière. L’aménagement du territoire est vu comme un élément important pour sortir de la crise actuelle et pour agir contre la crise écologique. Avec ses outils et l’indispensable coordination. Et des enjeux comme le montage de projets aidés par des fonds européens.
Il est parfois difficile de voir les contours nets de la vision transfrontalière se concrétiser sur le terrain dans cette Grande Région qui existe au quotidien mais dont les accents politiques sont historiquement plus circonflexes qu’aigus, malgré une longue pratique de la concertation et des discussions au sommet. Précisément, le territoire, sur lequel vivent et travaillent des dizaines de milliers de personnes au-delà des frontières de leur résidence respective – le Luxembourg, l’Allemagne, la France, la Belgique – est un laboratoire taille patron. Mieux, « l’aménagement du territoire est vu comme un élément important pour sortir de la crise actuelle et pour agir contre la crise écologique ».
C’est en tout cas un des enseignements d’une réunion menée à l’échelle de la Grande Région, le 12 janvier. Comme le précise le communiqué du Département de l’aménagement du territoire (ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire), Claude Turmes a invité ses homologues de la Grande Région à cette réunion sectorielle Aménagement du territoire, tenue en vidéoconférence. Le panel rassemblait aussi Willy Borsus, vice-président de la Wallonie, entre autres en charge de la recherche et de l’innovation, de l’économie, de l’agriculture et de l’Aménagement du territoire, Antonios Antoniadis, vice-ministre président de la Communauté germanophone de Belgique, notamment en charge de l’aménagement du territoire et du logement, Hervé Vanlaer, directeur régional de l‘environnement, de l‘aménagement et du logement du Grand Est, Franck Leroy, vice-président de la Région Grand Est, Patrick Weiten, président du Conseil départemental de la Moselle, Valérie Beausert-Leick, présidente du Conseil départemental de la Meurthe-et-Moselle, Stéphane Perrin, vice-président du Conseil départemental de la Meuse, ainsi que les deux représentants allemands, Nicole Steingaß et Christian Steel, respectivement secrétaire d’État de Rhénanie-Palatinat (Rheinland-Pfalz) et de Sarre (Saarland).
Vision prospective et stratégie
Dans le vif du sujet, les hauts représentants des parties prenantes de la Grande Région « ont exprimé leur conviction du rôle de l’aménagement du territoire pour soutenir, d’une part, la relance d’une activité socio-économique durable et pour développer, d’autre part, une dynamique de résilience sociétale partagée, notamment autour des questions de santé, de circuits courts et de transition écologique ».
Afin d’aller plus loin dans la démarche, ils sont revenus sur un document présenté lors de leur précédente réunion, il y a un an : « Une vision prospective transfrontalière pour la Grande Région ». Approuvé en juin 2020 par le sommet intermédiaire de la Grande Région, il devrait servir de base à l’élaboration d’une stratégie opérationnelle transfrontalière. « Cette stratégie a pour objectif de décliner, autour de projets phares, des axes et des actions qui permettent d’atteindre les finalités retenues dans la résolution du 16 janvier 2020 et de répondre ainsi concrètement aux enjeux de long terme à l’horizon 2040 », signale le communiqué.
Claude Turmes évoque « une stratégie concrète autour de 4 axes » :
- Anticiper, accompagner, orienter les transitions pour pouvoir agir sur la gestion des ressources.
- Améliorer les services et favoriser l’implantation équilibrée des activités au bénéfice des populations.
- Développer des territoires ruraux et urbains décarbonés et résilients.
- Faire évoluer ensemble les projets et les structures du territoire en impliquant davantage les citoyennes et citoyens.
35 idées et des programmes finançables
35 idées de projets, issues d’un appel lancé en avril dernier, sont reprises dans le document stratégique. Les élus en jugent plusieurs « prometteuses » pour l’aménagement du territoire et donc susceptibles de contribuer à la réalisation des objectifs retenus. Elles seront soumises prochainement à une analyse plus approfondie de la part d’experts. « Les idées actuelles peuvent être développées et d’autres pourront s’y ajouter », souligne le ministre luxembourgeois, qui met l’accent sur la nécessité de développer des projets concrets.
Les axes prioritaires ? Gestion efficiente des ressources (économie circulaire, gestion de l’eau, filière bois, etc.), amélioration des services au bénéfice des populations selon une approche décarbonée et résiliente, dans les domaines de l’énergie et des transports, de la formation, de la promotion de la mobilité – notamment électrique.
La résolution commune adoptée sera soumise aux exécutifs et la stratégie opérationnelle ira au sommet de la Grande Région. L’outil pourrait être utile afin de matérialiser une série de projets avec l’aide des programmes de financement européen Interreg. La Commission européenne demande en effet une stratégie pour chaque territoire de coopération dans le cadre de la prochaine période de programmation Interreg 2021-2027. La « stratégie opérationnelle transfrontalière pour la Grande Région » devrait être le document de référence, en vue de ce nouveau programme, dont l’enveloppe totale est supérieure à 200 millions d’euros.
D’autres outils ne seront pas de trop dans la concrétisation. Comme le European Cross-Border Mechanism (ECBM), en cours d’élaboration au sein de l’Union européenne, dont la finalité est de lever les obstacles juridiques et administratifs pour faciliter la coopération transfrontalière - une vielle pierre d’achoppement, qui a fait buter plus d’un projet sur les barrières nationales ou régionales. Ou encore le Système d’information géographique de la Grande Région (SIG-GR) : en place depuis 10 ans, cet outil d’aide à la décision politique à l’échelle transfrontalière est invité à poursuivre la mise en réseau avec des instruments comme l’Observatoire interrégional du marché de l’emploi (OIE) et le réseau des offices statistiques. L’enjeu est évident : produire des données et des analyses harmonisées. Pour Claude Turmes, grâce notamment au SIG-GR, « nous sommes aujourd’hui l’espace transfrontalier le plus visible au niveau des données et cartographies frontalières ».
Alain Ducat
Illustration principale : SIG-GR
Photo (MEA, DATer) : Claude Turmes se réjouit que la Grande Région élabore une stratégie opérationnelle transfrontalière en réponse aux enjeux des transitions