Anti-gaspi ? Oui, il faudrait…
L’étude sur le gaspillage alimentaire au Luxembourg montre que la conscience du phénomène existe, la sensibilisation passe, mais les comportements ne suivent pas encore.
#InternationalFoodWasteDay - Le ministre Claude Haagen a saisi l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation au gaspillage alimentaire pour présenter une étude sur ce phénomène de « gaspi » chez les résidents luxembourgeois. On parle donc ici de prise de pouls des ménages, de leurs comportements, de la conscience et du niveau de sensibilisation au problème.
Tommy Klein, Managing Director ILRES, a présenté les résultats de l’étude menée par l’institut luxembourgeois. Et qui, à l’interprétation, peut révéler quelques contradictions. Globalement, les personnes interrogées sont conscientes du gaspillage de nourriture et ont de bonnes intentions. Mais les comportements ne suivent pas toujours les mêmes inflexions… et la nourriture est encore très jetée dans le pays.
75% des déchets alimentaires proviennent des ménages, 10% des cuisines collectives, 8% de la restauration, 7% du commerce…
91% des ménages disent jeter des produits alimentaires plus ou moins régulièrement. 26% des répondants avouent jeter au moins un type de produits, au moins une fois par semaine.
La valeur des produits alimentaires jetés, qui n’est pas nécessairement nulle comme on le sait, cette valeur, marchande et monnayable, est sans doute mal perçue aussi. Le sondage révèle en effet que les ménages estiment à 20 euros en moyenne par mois ce qu’ils mettent à la poubelle. Les calculs effectués sur le traitement des déchets alimentaires signalent quant à eux que cette valeur serait plutôt de 45 euros par mois pour un ménage au Luxembourg.
Les limites de la consommation
C’est peut-être une des explications au fait que 84% des sondés pensent qu’un levier important pour réduire le gaspillage doit être une sensibilisation plus large de la population.
C’est aussi un des écarts entre les intentions et les comportements. 74% des interrogés déclarent qu’ils achèteraient plutôt un produit avec une DLC (date limite de consommation) éloignée pour éviter d’avoir à le jeter rapidement… Privilégier la consommation rapide en achetant un produit à DLC proche alors ? 31% des sondés le font, mais à condition qu’il y ait une réduction sur le prix.
Bémol : 75% des interrogés ne connaissent pas la définition correcte de la date limite de consommation...
La consommation et ses approches restent donc manifestement ancrées dans les mentalités, avec des notions bien en place, comme le prix des choses en amont, quitte à ne pas penser à la valeur des choses jetées au final…
Si l’on pouvait penser que la façon de consommer avait évolué durant les confinements, 60% des ménages estiment que, depuis le début de la crise COVID-19, le gaspillage alimentaire n’a pas évolué, ni dans le sens positif, ni dans le sens négatif.
L’étude permet aussi d’aborder la distribution et les lieux d’achat.
Et là aussi, si les intentions sont bonnes, elles renvoient notamment à l’offre. Ainsi, 83% des sondés aimeraient davantage de produits en vrac dans les magasins pour pouvoir acheter juste la quantité dont ils ont besoin. Et pas plus… qui risquerait de finir aux ordures ménagères.
antigaspi.lu
Le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, Claude Haagen, juge que ce gaspillage alimentaire reste très interpellant, malgré de bonnes résolutions affichées par les ménages luxembourgeois.
Mais il note aussi que cela ne vient pas d’un comportement intentionnel des consommateurs, plutôt de gestes et d’habitudes, appuyés sur une série d’éléments, comme une information lacunaire concernant la chaîne du froid (singulièrement le transport de produits frais du supermarché jusqu’à la maison), l’interprétation erronée des dates de péremption, les conditions de stockage des aliments, ou encore la surestimation des besoins réels quand miroitent les promotions…
Il est également intéressant à noter que le gaspillage alimentaire est plus élevé dans les ménages avec enfants, ce qui pourrait s’expliquer par un manque de temps ou de planification des repas, à moins que l’on puisse conclure que les petits ont les yeux plus grands que le ventre…
Pour Claude Haagen en tout cas, « cette étude permet de comprendre les principaux facteurs qui sont à la base du gaspillage alimentaire dans les ménages, ce qui est indispensable pour définir nos futures actions. » Il est important de continuer à mobiliser et à sensibiliser « afin qu’une multitude d’acteurs s’unissent dans la lutte contre le gaspillage alimentaire en consommant de manière plus responsable tout en contribuant ainsi au développement durable ».
Rayon « moyens », le site antigaspi.lu (qui se présente en 4 langues) est continuellement actualisé, exposant les bonnes pratiques et les gestes simples qui permettent à chacun de réduire sensiblement et rapidement la quantité de nourriture jetée.
Le ministère organise des campagnes de sensibilisation grand public et des workshops pour enfants, depuis 6 ans. Les actions devraient s’intensifier, notamment à l’approche de décembre, souvent synonyme d’opulence et de festins, augmentant le risque de gaspillage alimentaire.
Alain Ducat
Photos et illus : MA /ILRES