Avec savoir-faire et professionnalisme
Parlons d’inclusion socio-professionnelle des personnes en situation de handicap. Échanges croisés sur l’offre existante et les défis auxquels les porteurs de projet sont confrontés avec Christophe Lesuisse, administrateur de la FEDAS et directeur général du Groupe Tricentenaire et Estelle Bacher, responsable Formation à l’UFEP.
L’inclusion socio-professionnelle des personnes en situation de handicap s’appuie au Luxembourg sur un réseau de centres de propédeutique professionnelle (CPP) - que l’on pourrait autrement appeler centres de formation professionnelle - et d’ateliers d’inclusion professionnelle (AIP). Implantés sur tout le territoire luxembourgeois, membres de la FEDAS (Fédération des acteurs du secteur social au Luxembourg), ils agissent ensemble pour le développement des compétences, la reconnaissance et la valorisation professionnelle des personnes en situation de handicap. À leurs côtés, l’UFEP (unité de formation et d’éducation permanente) développe, depuis 2012, une offre de formation continue adaptée pour les personnes en situation de handicap.
Comment se présente l’offre et quels sont les défis auxquels les porteurs de projet sont confrontés ? On en a parlé avec Christophe Lesuisse, administrateur de la FEDAS et directeur général du Groupe Tricentenaire et Estelle Bacher, responsable Formation à l’UFEP.
« Le regard a changé sur le handicap. Jadis, on évoquait sans doute en premier lieu les difficultés inhérentes à la personne. Aujourd’hui, il y a une réelle mise en avant des aptitudes professionnelles et des intérêts de chacun. Nos ateliers sont devenus de véritables unités de production de biens et de services qui, localement, répondent à des besoins identifiés et sont porteurs de valeur ajoutée sur nos territoires. »
Christophe Lesuisse a vécu cette évolution avec ses équipes et l’ensemble du secteur, un secteur qui, notamment avec le soutien du Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Économie Sociale et Solidaire, du Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région ou de l’Agence pour le Développement de l’Emploi (ADEM), a diversifié ses activités et propose aujourd’hui aux personnes en situation de handicap un parcours professionnel de qualité dans des domaines aussi variés que l’agriculture, le maraîchage, la production et la vente directe de produits locaux, le textile, la menuiserie, la serrurerie ou encore le gardiennage d’animaux…
Learning by doing
« Dans ce contexte, il est primordial de soutenir le développement des compétences professionnelles de chacun tant auprès des professionnels qui travaillent au quotidien avec les personnes en situation de handicap qu’auprès des personnes elles-mêmes, qui souhaitent pouvoir se former tout au long de leur vie », enchaîne Estelle Bacher, responsable Formation à l’UFEP, une unité de formation née en 1996 dans le giron de l’APEMH et dont la mission est de proposer au secteur social une offre de formation continue adaptée aux besoins du secteur.
Dans les centres de propédeutique, puis dans les ateliers d’inclusion professionnelle, un processus de formation individualisé est engagé avec les personnes pour qu’elles acquièrent les gestes professionnels adaptés au poste qu’elles souhaitent occuper. L’accent est également mis sur la posture professionnelle à acquérir et sur l’importance du travail en équipe. « Sur le terrain, le ‘learning by doing’ (apprendre en faisant) tout comme la formation pratique ou le recours à des outils d’apprentissage en langage facile et accessible (utilisés également en formation continue) sont particulièrement probants. Ce travail de longue haleine fonctionne si bien que certains travailleurs en situation de handicap particulièrement expérimentés sont aujourd’hui les ‘ tuteurs’ des nouvelles personnes que nous accueillons », complète Christophe Lesuisse.
Transfert d’expertise et montée en compétences
La formation continue vient soutenir cette envie de transmettre et de transférer de nouvelles expertises. En partenariat avec des intervenants nationaux et internationaux, l’UFEP propose, depuis dix ans maintenant, une offre de formation adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap. Son offre (Formations) élargit sans cesse le champ des possibles, dans un esprit de coopération et de pragmatisme. « Régulièrement, nous sollicitons les gestionnaires des ateliers d’inclusion professionnelle afin d’identifier leurs nouveaux besoins. Les personnes qui participent aux formations nous font également part de thématiques qu’elles souhaiteraient voir en formation. Même si le format proposé reste court (un à trois jours de formation en moyenne), il nous importe de rester à l’écoute du terrain et d’y répondre avec professionnalisme afin de permettre aux personnes de partager leurs expériences et d’acquérir des savoir-faire spécifiques (comme ceux associés aux Premiers Secours) ou des savoir-être qui leur seront utiles dans la vie quotidienne (comme ceux associés à l’utilisation des réseaux sociaux ou à la co-construction de leur projet de vie) » explique Estelle Bacher.
Et la montée en compétences touche finalement tous les acteurs impliqués dans ces processus d’apprentissage : les participants aux formations, les formateurs, les accompagnateurs des participants, l’unité de formation elle-même. Chacun apprend au contact de l’autre dans le respect et la bienveillance. Et bienveillance ne signifie pas condescendance : « si la formation doit être certifiée comme c’est le cas de la formation « Premiers Secours » organisée avec le CGDIS et la Life Academy (Ligue HMC - Life ACADEMY et Formation continue (ligue-hmc.lu)), les formateurs-évaluateurs auront le même niveau d’exigence avec tous les participants à la fin de la formation. » souligne Estelle Bacher.
Ce niveau d’exigence vaut aussi pour la conception et l’organisation des formations, la promotion qui en est faite ou le soutien apporté par l’État. En effet, alors que l’offre de formation proposée par l’UFEP est agréée depuis son origine par le ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse (MENJE) et le Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région (MIFA), 2023 marque une nouvelle étape : désormais, grâce au MIFA, le tarif d’accès aux formations proposées a significativement baissé pour les personnes intéressées (50 euros par formation).
Un défi pour les prochaines années ? « Des défis, nous en relevons chaque jour… Ceci étant dit, avec l’expertise acquise en matière d’emploi et de formation des personnes en situation de handicap, intra-muros ou ‘hors les murs’, nous souhaitons davantage encore contribuer à l’écosystème et au développement d’une société inclusive. Les liens que nous tissons chaque jour avec le secteur économique ‘ordinaire’ doivent encore se renforcer », conclut Christophe Lesuisse.
Alain Ducat
Photos ©Infogreen – APEMH - Tricentenaire
Extrait du dossier du mois « Former pour agir »