Best-of : Les agrégats de la marine
[ Article du 4 mai 2022] Le Luxembourg possède le plus grand registre maritime de tous les pays enclavés.
Le Luxembourg n’a pas de côte. Mais il a une marine. Il possède même le plus grand registre maritime de tous les pays dits « enclavés ». Les « affaires maritimes » font partie des agrégats économiques du pays, qui a intégré assez tôt cette piste de diversification. Et, même si les étiquettes ont parfois la vie dure quand on veut les renvoyer dans le passé, il a su dépasser le pavillon de complaisance qui lui collait à la peau, autant que l’image de « paradis fiscal ».
Le Commissariat aux Affaires maritimes (CAM), attaché au ministère de l’Économie, tourne une page. En décembre 2021, le Conseil de gouvernement approuvait, sur proposition du ministre Franz Fayot, la nomination, avec effet au 1er mai 2022, d’André Hansen au poste de Commissaire du gouvernement aux affaires maritimes.
André Hansen y remplace Robert Biwer, admis à la retraite au 30 avril. Signe des temps, André Hansen, 41 ans, était jusqu’ici chargé adjoint de la Direction générale pour la promotion du commerce extérieur et des investissements ; il est aussi désigné Commissaire général au pavillon luxembourgeois de l’exposition universelle d’Osaka en 2025...
Vigie sur une mer d’huile
Le rôle de ce Commissariat aux affaires maritimes ? Prestataire de services et autorité de surveillance du secteur, le CAM gère le registre maritime public luxembourgeois, s’occupe notamment des démarches d’immatriculation, de l’inspection et de la certification des navires, de la gestion des équipages, des entreprises maritimes et des dirigeants agréés ainsi que de la gestion du registre de plaisance. Il veille ainsi sur les entreprises maritimes qui opèrent « à partir du Luxembourg » et, entre autres, à l’application des dispositions légales, de l’évolution du droit maritime international, notamment au sein de l’Union européenne.
Né en 1990, le CAM s’est doté, dès l’an 2000, d’un système de gestion de la qualité, ce qui lui a permis d’être la première administration luxembourgeoise certifiée ISO 9001. Selon une méthode très pragmatique, pour ainsi dire très luxembourgeoise, s’est ainsi développé non seulement un registre maritime efficace, mais aussi et surtout une plateforme d’accueil attractive pour les entreprises du secteur maritime, qui aiment la prévisibilité et la stabilité du pays. Comme une mer d’huile...
Des synergies se sont développées avec les secteurs de la logistique, des finances ou encore des assurances, intégrant la chose maritime dans la stratégie de diversification économique, matérialisée en 2008 par la création du Cluster Maritime. Une vraie niche.
Plus de 13.000 marins
Le havre de paix luxembourgeois abrite à la fois des petits transporteurs, des dragueurs, des remorqueurs, des navires de ravitaillement…
Sous le Roude Léiw, officiel pavillon luxembourgeois, voguent 216 navires (en 2020) - on en comptait encore 54 en 1993.
Dans la base de données du CAM, on recense, fin 2020, un total de 13.274 marins actifs. 51% des officiers et 31% des subalternes employés à bord des navires battant pavillon luxembourgeois sont des ressortissants européens. Si 1 marin sur 5 est philippin (ils sont près de 2500), on compte plus de 1400 marins belges, 1100 Indiens, un bon millier d’Ukrainiens aussi…
Notons que 17 navires ont été radiés du registre en 2020. Car tant les armateurs que les navires (pas question d’immatriculer de vieux rafiots par exemple) ou les marins certifiés doivent répondre aux exigences strictes d’un certificat contrôlé. Il n’empêche que le registre maritime pèse, au total, 1,22 million de tonnes. Et combien de millions de dollars ? Le rapport annuel du Cluster maritime 2021 n’en fait pas mention, et pour cause puisque ce n’est pas la mission de cet organe, qui est là pour faciliter le business – promotion, lobbying, veille tax &legal, entre autres. Pas davantage de montant financier dans le rapport annuel du CAM. Les activités maritimes restent une niche pour le Luxembourg, où la finance, le conseil, l’investissement ou encore les assurances, participent au cluster…
Comme dans tous les secteurs, en particulier là où le Covid a pu avoir un impact (sur l’activité de croisière notamment, sur les transports de marchandises, sur les carburants…), la marche des affaires suit les vagues économiques. Et les quelque 225 entreprises maritimes luxembourgeoises ont leurs creux.
Alain Ducat
Photos : Cluster Maritime Luxembourg / CAM / SIP / Jan De Nul Group
Article paru dans le dossier du mois « Bouteille à la mer ! »