« C’est l’interaction entre jeunes et seniors qui fait la richesse d’une entreprise »
Dans le monde de l’entreprise, est considérée comme senior une personne qui a 45 ans ou plus et l’accès à l’emploi devient de plus en plus incertain à partir de cet âge. Pourtant, les 45+ ont une valeur à apporter au monde économique. C’est le cheval de bataille de Marie-Claire Fécherolle Turbang, porteuse du projet Gold4Silver.
Constat est fait est qu’en octobre 2018, 48% des personnes inscrites à l’ADEM étaient âgées de plus de 45 ans, soit environ 6.600 personnes sur les 15.000 demandeurs d’emploi que compte le Luxembourg.
« On repousse l’âge de la retraite et, en même temps, on est considéré comme obsolète à partir de 45 ans alors qu’il reste environ 20 années de vie professionnelle à combler. Les entreprises qui recrutent les plus de 45 ans sont vraiment rares et restent frileuses ; alors que celles qui en licencient sont de plus en plus nombreuses. Pourtant, il n’en va pas des personnes comme du matériel électrique. On ne perd pas de la valeur au fur et à mesure de sa vie », assure Marie-Claire Fécherolle Turbang.
On reproche aux seniors de perdre en compétences, en dynamisme et en facultés d’apprentissage, mais surtout de coûter cher. Ils ont pourtant d’autres atouts à mettre au service d’une entreprise : une fidélité et une loyauté, mais aussi un savoir-faire et un savoir-être qui se sont forgés avec les années. Sans oublier qu’ils sont moins enclins à prendre un congé parental ou un congé pour raison familiale.
« C’est l’interaction entre jeunes et seniors qui fait la richesse d’une entreprise », ajoute-t-elle. « Il peut y avoir un transfert de compétences, l’un et l’autre se formant mutuellement. Les plus anciens transmettent les compétences et savoir-faire acquis avec l’expérience et les jeunes leur connaissance des nouvelles technologies. La combinaison de ces deux richesses aboutit généralement à une augmentation qualitative des prestations des sociétés qui y ont recours. Les pays voisins ont aussi mis en place des initiatives exemplaires dans ce domaine. En France, par exemple, les sociétés qui mettent en place un programme de « reverse mentoring » (dispositif par lequel les plus jeunes initient leurs supérieurs à l’usage des nouvelles technologies, et les plus anciens transfèrent leurs compétences pratiques du métier) sont récompensées par une prise en charge partielle des salaires des personnes concernées.
Au Luxembourg aussi, il existe également des aides pour encourager le (ré)emploi des seniors : quand elles embauchent un salarié de plus de 45 ans, les entreprises luxembourgeoises sont exonérées de charges patronales pendant 2 ans, et jusqu’à la retraite pour les salariés de plus de 50 ans.
Gold4Silver est une société d’impact sociétal qui vise à soutenir les seniors à la recherche d’un emploi dans leur reconversion professionnelle. Elle a été lancée par Marie-Claire Fécherolle Turbang, spécialiste en ressources humaines, après qu’elle ait elle-même vécu un licenciement et les difficultés de retrouver une place sur le marché du travail à l’âge de 55 ans. Le parcours qu’elle propose se base sur une méthodologie qu’elle a développée et qui s’appelle « le regard dans le miroir ». Après un premier sponsoring par la fondation Tremplin en février 2019 qui a permis l’animation d’un atelier et des entretiens individuels pour 24 chômeurs 45+ sélectionnés par l’ADEM, elle cherche actuellement des financements pour créer une structure d’accompagnement et, pourquoi pas, une agence de recrutement spécialisée dans les travailleurs intellectuels de plus de 45 ans.
Mélanie Trélat
Photo : Fanny Krackenberger
Article tiré du dossier du mois Infogreen « Ready 4 diversity ? »