« Ce qui est le plus dramatique, ce n’est pas le virus Ebola, mais l’inaction de la communauté internationale »
L’épidémie d’Ebola continue de se propager en Afrique de l’Ouest. Elle est d’une ampleur sans précédent avec plus de 8.350 personnes contaminées et plus de 4.000 morts. De semaine en semaine, la situation se dégrade sans que les moyens promis par la communauté internationale ne soient rapidement mis en place pour endiguer l’épidémie.
Le 2 septembre, le Dr Joanne Liu, Présidente Internationale de Médecins Sans Frontières, dénonçait devant l’ONU à New-York la « coalition mondiale de l’inaction » : « Six mois après son début, le monde est en train de perdre la bataille contre la pire épidémie d’Ebola de l’histoire ». Le 29 septembre, toujours devant l’ONU, le Dr Joanne Liu expliquait le décalage entre les promesses faites solennellement par la communauté internationale au début du mois et la réalité sur le terrain : « Les importants engagements des Etats et les résolutions sans précédent des Nations unies sont les bienvenus. Mais ils n’ont de sens que s’ils se traduisent par des actions immédiates. Pour l’heure, la réalité sur le terrain est que l’afflux d’aide promis n’a pas encore eu lieu ».
La communauté internationale a-t-elle répondu efficacement aux besoins ?
Bien que certains pays, comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine et Cuba aient commencé à agir et à envoyer du personnel dans les régions touchées, les progrès sont lents, voire nettement insuffisants. Construire des centres d’isolement ne suffit pas. Il faut aussi que les centres soient bien faits et bien gérés, que les personnels médicaux soient bien formés pour prodiguer des soins efficaces et en toute sécurité.
De plus, comment réussir à endiguer l’épidémie si le nombre des lits disponibles dans les centres d’isolation pour les malades atteints d’Ebola est insuffisant ? Le 8 octobre, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) détaillait le nombre de lits disponibles dans les trois pays les plus touchés et le nombre de lits nécessaires pour accueillir les patients contaminés. 160 lits sont disponibles en Guinée, 620 au Libéria et 304 en Sierra Leone. Il en faudrait 210, selon l’OMS, en Guinée, 2.930 au Libéria et 1.148 en Sierra Leone. « Le nombre de lits disponibles pour les patients contaminés par Ebola est nettement en deçà des besoins », explique le Dr Rony Zachariah, responsable de l’unité de recherche opérationnelle chez MSF, en mission en Sierra Leone.
« De plus, l’accès aux centres de traitement Ebola est un problème majeur. A Kailahun en Sierra Leone par exemple, trois ambulances sont disponibles pour une population de 400.000 personnes. Comment, dans ces conditions, les personnes contaminées pourraient-elles avoir une chance de survivre ? », poursuit le Dr Rony Zachariah.
Catastrophe sans précédent
MSF reste déterminée à agir dans les trois pays les plus touchés. Plus de 3.000 personnels MSF travaillent sur place avec courage et abnégation. Depuis le commencement de l’épidémie, 4.200 patients ont été admis dans les six centres de traitement Ebola gérés par MSF. Plus de 900 personnes ont survécu. Mais MSF a atteint les limites de ses capacités et a besoin d’aide. On ne pourra pas endiguer l’épidémie si celle-ci continue à se développer plus rapidement que les moyens mis en place.
L’insuffisance de moyens mis en place sur le terrain par la communauté internationale a des répercussions catastrophiques pour les populations. « Des villages et des communautés entières disparaissent. Mais ils n’apparaîtront pas dans les statistiques », dénonce le Dr Rony Zachariah. « La situation sur le terrain est horrible. Les personnes infectées meurent dans d’atroces souffrances. C’est une catastrophe sans précédent et les gouvernements interpellés par MSF pour agir immédiatement continuent à faire la sourde oreille. MSF appelle à l’aide, mais les Etats ne répondent pas et utilisent l’aide humanitaire comme un alibi à leur inaction ».
« Je sens une certaine trahison de la part de la communauté internationale. Envers les populations d’Afrique de l’Ouest. Mais aussi envers les équipes MSF sur le terrain qui travaillent sans relâche pour essayer d’endiguer l’épidémie sans être soutenue efficacement ».
« Je crois que le plus dramatique dans cette épidémie n’est pas le virus Ebola.... mais l’inaction de la communauté internationale sur le terrain », conclut le Dr Rony Zachariah.
Communiqué par MSF Luxembourg / Photo ©MSF