L’Europe affaiblit son règlement déforestation : un recul pour le climat
Règlement de l’UE sur la déforestation suite au vote du Parlement européen : un grand et triste pas en arrière pour la protection des forêts et la lutte contre le changement climatique
Ce fut un jeudi sans gloire pour l’Europe après le résultat du vote du Parlement européen. Moins de deux ans après sa validation, le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts vient d’être affaibli avec le report d’un an de sa mise en application et le vote en faveur d’amendements problématiques.
L’ONG Fairtrade Lëtzebuerg, ensemble avec le mouvement Fairtrade International, est très déçue de la décision du Parlement européen de ne pas avoir maintenu le cap du Règlement européen sur la déforestation et la dégradation des forêts (EUDR) et d’ouvrir au contraire ce règlement à de nouvelles discussions et à des changements qui risque de mener à une année supplémentaire d’inaction au niveau de la destruction de forêts.
L’ONG appelle le gouvernement luxembourgeois à rester ferme
Fairtrade s’attendait à ce que le Parlement européen honore l’engagement pris pour la législation en 2023, mais au lieu de cela, il a fait un pas en arrière dans la lutte contre la protection des forêts et le changement climatique.
« Nous craignons qu’en rouvrant l’EUDR, de nombreuses initiatives cruciales visant à réduire la déforestation soient diminuées, que les producteurs et les entreprises soient affectés par l’incertitude, et que le leadership de l’Union Européenne sur cette thématique soit remis en question. Quel genre de signaux l’UE envoie-t-elle aux autres pays et parties prenantes qui avaient pris au sérieux les préparatifs de l’EUDR ? »
Jean-Louis Zeien, président de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg
Avec les nouvelles propositions, la Commission européenne devra convoquer un nouveau trilogue et se mettre d’accord sur la marche à suivre. Afin d’éviter le chaos et l’incertitude, l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg appelle donc dès aujoud’hui le gouvernement luxembourgeois à rester ferme dans les futures discussions au niveau du trilogue sur ses engagements. L’ONG exhorte les négociateurs à se mettre d’accord rapidement sur un compromis solide qui serait aussi proche que possible de la version originale de l’EUDR.
Fairtrade estime que la proposition d’amendement adoptée par le Parlement européen d’une « catégorie sans risque » renforce une approche néocolonialiste au niveau de la durabilité, approche qui est déjà fortement critiquée par nombre de ses pays partenaires. Effectivement, l’ajout d’une telle définition ne fera qu’accroître la colère à l’égard de l’agenda du « Green Deal de l’Union Européenne (UE) » dans les pays du Sud global car, comme on peut s’attendre d’une telle approche, les risques ne seraient perçus qu’à l’extérieur de l’UE.
Les prochaines discussions au niveau de l’Europe sont donc cruciales pour l’avenir des forêts et notre planète. Ce règlement sur la déforestation, malgré ses faiblesses de base, est néanmoins nécessaire de toute urgence.
Le gouvernement luxembourgeois devra donc s’engager à ne pas encore plus l’affaiblir. Au contraire, ce règlement devra être renforcé afin que les consommateurs et négociants ne contribuent pas involontairement à la déforestation illégale dans le monde au niveau d’achats de produits du Sud global. Mais pour cela, il faut s’assurer qu’une politique agricole, environnementale, économique et de coopération cohérente au niveau de l’Union européenne et de ses pays membres soit mise en place.
Comment le mouvement Fairtrade soutient-il les producteurs face aux exigences du règlement européen ?
La lutte contre la déforestation et l’accélération de notre mise en conformité avec l’EUDR restent des priorités essentielles pour le mouvement Fairtrade. Le mouvement continuera à travailler à la mise en conformité avec l’EUDR avec le même élan.
Aujourd’hui, l’on compte plus d’1,6 milliard de personnes dans le monde, qui dépendent des forêts pour assurer leur survie. La pauvreté et l’absence de conditions de vie décentes dans de nombreux pays les poussent à dégrader les forêts pour répondre à leurs besoins fondamentaux, comme l’utilisation du bois pour le chauffage ou le défrichage des terres pour cultiver des produits destinés à la consommation ou à la vente. Les activités qui causent le plus de déforestation sont l’industrie du bois, suivie par l’agriculture, les incendies de forêts et d’autres activités telles que l’exploitation minière ou le remplacement par des produits de base comme le soja ou la production de palme.
Le mouvement Fairtrade s’attaque aux causes profondes de la déforestation
Pour soutenir les producteurs à répondre aux exigences du règlement européen, le mouvement Fairtrade s’attaque aux causes profondes de la déforestation, grâce à une panoplie de mesures concrètes, telle que la mise en place du prix minimum garanti Fairtrade, qui agit comme un filet de sécurité, et la prime Fairtrade, une somme supplémentaire versée, qui permet de financer des projets communautaires économiques, sociaux environnementaux, comme par exemple des projets d’agroforesterie dynamique permettant aux producteurs d’opter pour des variétés de cultures différentes ou de développer leur propre engrais organique, ce qui améliore leur production et leurs moyens de subsistance. En outre, un travail de plaidoyer intense est mené en faveur de la mise en place de salaires décents, de bonnes pratiques à adopter pour empêcher la déforestation et d’un partage équitable des responsabilités dans la lutte contre la dégradation des forêt
Des standards stricts et régulièrement mis à jour pour renforcer la résilience des producteurs
Le mouvement Fairtrade a également mis en place des standards stricts, incluant des exigences en matière de protection des forêts, qui satisfont ou vont au-delà de ce qu’exigent les réglementations de l’Union européenne. Les Standards du Commerce Équitable Fairtrade pour le Cacao et le Café par exemple, stipulent la mise en œuvre d’une cartographie de la géolocalisation, d’une surveillance de la déforestation, d’une évaluation des risques, de plans d’atténuation et d’un soutien aux producteurs pour atténuer les risques de déforestation. Les audits réalisés par l’organisme de certification indépendant FLOCERT constituent un niveau de vérification supplémentaire.
Un partenariat de géolocalisation équitable et durable
Le partenariat entre le mouvement Fairtrade et la société de géolocalisation néerlandaise Satelligence B.V. conclut en novembre 2023 - dont les coûts sont entièrement couverts par Fairtrade – vise à mettre en relation les coopératives Fairtrade avec des données sur les exploitations agricoles de leurs membres et sur les risques de déforestation, afin que les coopératives puissent partager ces données avec leurs partenaires commerciaux et mieux gérer les paysages forestiers. Cette initiative permet aux producteurs d’être propriétaires de leurs données et leur donne la capacité de les partager avec leurs partenaires commerciaux, de sorte que les données puissent être analysées et validées avant d’être soumises au portail en ligne de l’UE et utilisées comme partie de la base de documentation pour la diligence raisonnable tout au long de la chaîne d’approvisionnement, jusqu’à ce qu’elles atteignent l’Europe.
Grâce à ce partenariat éprouvé, les organisations de producteurs peuvent prendre des décisions commerciales éclairées, offrir de la valeur à leurs partenaires commerciaux et in fine préserver leur accès à d’importants marchés en Europe. À ce jour, 108 organisations de producteurs de café et 123 organisations de producteurs de cacao ont partagé d’importantes données avec Fairtrade dans le cadre du processus d’obtention de leurs rapports d’évaluation des risques en prévision du règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts.
Cette approche holistique et dynamique de la stratégie du mouvement Fairtrade en matière d’accompagnement des producteurs dans la mise en conformité au règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts et en matière de bonnes pratique environnementales est essentielle pour un système alimentaire durable et un avenir plus juste et plus équitable.
Communiqué par Fairtrade Lëtzebuerg a.s.b.l