Changer de système alimentaire pour assurer notre avenir
Séance académique du mercredi 28 novembre 2018 : conférence d’Olivier de Schutter
Pour célébrer ses 25 ans, SOS Faim, en cette année 2018, a mis en œuvre un programme varié dont le point d’orgue était la séance académique qui s’est déroulée mercredi 28 novembre au Cercle Cité en présence, notamment, de SAR le Grand Duc Henri, de M. Gast Gibéryen, Président de la Chambre des Députés, de M. Sékou Cissé, Ambassadeur du Mali, de M. Romain Schneider, ministre de la coopération et de l’action humanitaire et de Mme Carole Dieschbourg, ministre de l’environnement.
M. Raymond Weber, président de SOS Faim, a salué les quelque 140 personnes de l’assistance avant d’introduire les intervenants.
M. le Ministre Schneider a salué l’engagement de SOS Faim : « avec SOS Faim nous relevons le défi de l’éradication de la faim et de la pauvreté, mais aussi de la mitigation du changement climatique. En plus du travail sur le terrain, l’ONG fait un important travail de sensibilisation. »
M. Raymond Weber a évoqué l’évolution de SOS Faim depuis sa création : « nous sommes passés du caritatif à l’accompagnement d’acteurs du changement, du collaboratif au partenariat, de l’aide à la coopération au développement, d’une approche centrée sur des besoins à satisfaire à une démarche privilégiant les capacités à développer. En agissant auprès des producteurs d’Afrique, en les aidant à se structurer au sein d’organisations fortes et indépendantes, en leur facilitant l’accès à des financements adaptés, SOS Faim contribue à renforcer le monde paysan et à promouvoir un développement endogène. »
Dans un monde en profonde mutation, SOS Faim poursuit son questionnement dans le cadre d’une réflexion stratégique : « face aux inégalités croissantes et aux injustices de plus en plus intolérables, SOS Faim se veut acteur de changement, à son échelle et en alliance avec d’autres et veut contribuer à œuvrer pour la souveraineté alimentaire partout et pour tous, tout comme elle s’engage et pour davantage de justice économique et sociale, notamment en Afrique. Ce pari est audacieux et ambitieux : il oblige SOS Faim à poursuivre sa mission avec patience, persévérance et humilité, pour les 25 prochaines années… au moins ! ».
Monsieur Weber a ensuite donné la parole à Olivier De Schutter, l’ex-rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, devenu membre de SOS Faim en 2016.
Intitulée Changer de système alimentaire pour assurer notre avenir, la conférence d’Olivier Des Schutter a mis en évidence le rôle de l’alimentation comme « levier pour changer le monde ».
Ouvrant sa conférence sur le rôle très positif joué par le Luxembourg dans l’adoption de la Déclaration des droits des paysans par les Nations Unies, Olivier De Schutter a analysé l’origine du modèle alimentaire dont nous héritons et fait une démonstration brillante de la responsabilité de notre système alimentaire sur les défis climatiques et écologiques actuels, mais aussi sur la persistance de la faim dans le monde. En cette veille de COP 24, il a mis en évidence l’injustice de l’impact des changements climatiques qui affecteront davantage les populations les plus pauvres, précisément celles qui ont le moins de responsabilité dans le dérèglement climatique… Soulignant « l’impasse des solutions productivistes », Olivier de Schutter a insisté sur l’érosion des terres consécutive de l’agriculture intensive, ainsi que sur les néfastes conséquences environnementales mais aussi sociales, économiques et sanitaires de la poursuite d’une « alimentation low cost ». Il a explicité « le cercle vicieux de l’agriculture d’exportation, des importations de denrées alimentaires, et de la pauvreté rurale » :
« Nous exportons nos problèmes. Notre manière de consommer utilise des hectares virtuels qui servent à produire ce que nous importons pour satisfaire nos habitudes ; ce faisant, nous privons les populations du Sud de la satisfaction de besoins essentiels, de sorte que les souhaits des populations les plus riches, au pouvoir d’achat le plus important, l’emportent sur les besoins des populations pauvres. »
Olivier De Schutter a ensuite développé la possibilité de « surmonter l’inertie du système alimentaire actuel » pour aller au-delà du productivisme en mettant en avant différentes notions telles que l’agroécologie : « En passant de l’uniformité agricole que représentent les monocultures, à la diversité agricole, on obtient d’importants gains de productivité à l’hectare ». Il a également illustré l’importance de la reterritorialisation comme moyen de réaliser la souveraineté alimentaire et le droit à l’alimentation. Il a enfin abordé les innovations sociales majeures, déjà mises en œuvre dans certains territoires, telles que les politiques alimentaires urbaines, ou la démocratie alimentaire. Ce faisant, il a salué et conforté la démarche de SOS faim qui travaille sur les deux fronts : dans les pays du Sud en soutenant l’agriculture familiale et l’accès des petits paysans aux moyens de production, et ici au Luxembourg en agissant pour promouvoir une alimentation responsable et une transformation des politiques en faveur du changement de système alimentaire.
« La démocratie alimentaire est une source d’espoir ; au cœur de toutes les solutions que nous recherchons, ce n’est pas de la technologie mais de l’intelligence sociale dont nous avons besoin . »
Concernant SOS Faim Luxembourg :
L’ONG est présente dans 6 pays africains, pour travailler avec une vingtaine de partenaires pour une meilleure reconnaissance du droit des paysans et une augmentation des moyens en faveur d’une agriculture familiale durable.
Ces trois dernières années, plus de 20 nouveaux membres ont rejoint l’association ; de nouveaux partenariats en Afrique ont vu ou verront le jour ; la campagne « Changeons de menu ! » prend de l’ampleur : en complément à la sensibilisation, SOS Faim appuie financièrement des coopératives luxembourgeoises proposant des alternatives alimentaires.
Communiqué SOS FAIM