Climat : les chiffres alarmants de Copernicus
Les températures s’emballent en ce début d’année et la banquise poursuit son déclin en Antarctique. Le bulletin de l’observatoire européen du climat Copernicus pour le mois de mars 2023 a de quoi donner quelques sueurs froides…
Un mois de mars martien
La température mondiale a été de 0,51°C plus haute que la normale en mars 2023. C’est la 2e valeur la plus élevée jamais enregistrée lors d’un mois de mars depuis le début des relevés.
Auparavant, seul le mois de mars 2016 avait affiché une moyenne plus importante. Les mois de mars 2017, 2019 et 2020 se situaient dans des hauteurs sensiblement similaires. Des courbes qui dessinent une tendance marquée.
En janvier 2023, l’institut européen sur les changements climatiques dressait déjà un constat amer et sans appel : les huit dernières années (2015-2022) ont été les plus chaudes jamais répertoriées sur la planète. 2023 suit la cadence.
Anomalie de la température de l’air en surface pour mars 2023 par rapport à la moyenne de mars pour la période 1991-2020. Source des données : ERA5. Crédit : Copernicus Climate Change Service/ECMWF.
Coup de chaud sur l’Europe et l’Asie, coup de froid sur l’Amérique du Nord
C’est une constante mondiale que seule l’Amérique du Nord semble ignorer. Partout sur la planète - données et cartes à l’appui -, les moyennes de saison ont été dépassées.
Il a fait beaucoup plus chaud sur une vaste bande de terre couvrant l’Afrique du Nord et l’Asie. En de nombreux endroits de ces régions, des records de températures ont été mesurés au mois de mars.
Le nord-est de l’Amérique du Nord, l’Argentine et les pays voisins ainsi qu’une grande partie de l’Australie ont également connu un réchauffement significatif.
C’est dans l’ouest et le centre américain que la balance penche de l’autre côté. Il y a fait beaucoup plus froid.
En Europe, incendies précoces
Dans le sud et le centre de l’Europe, la chaleur a aussi été anormale. Les chiffres n’ont pas tardé à se muer en calamiteuse réalité.
Sur fond de sécheresse et de températures avoisinant les 30°C, les premiers grands incendies se sont déclarés en Espagne dès la sortie de l’hiver.
Quelques jours avant la publication du rapport du Service Copernicus, des feux ont fait partir des hectares de forêt en fumée dans les régions de Valence, des Asturies ou encore de la Cantabrie.
Anomalies des précipitations, de l’humidité relative de l’air de surface, de la teneur en eau volumétrique des 7 premiers centimètres du sol et de la température de l’air de surface pour mars 2023 par rapport aux moyennes de mars pour la période 1991-2020. Le gris plus foncé indique les endroits où l’humidité du sol n’est pas représentée en raison d’une couverture de glace ou de précipitations climatologiquement faibles. Source des données : ERA5 Crédit : Copernicus Climate Change Service/ECMWF.
L’Antarctique suffoque et se disloque
L’accroissement des normales saisonnières n’a pas épargné les côtes de l’Antarctique. Conséquence : la banquise souffre. Après des mois de janvier et de février déjà historiques, le niveau de glace des mers est le deuxième plus bas de l’histoire des données satellitaires.
En plein automne austral, l’étendue de glace se situait 28% sous la moyenne. Elle a atteint les 3,2 millions de km2, soit 1,2 million de km2 en dessous de la moyenne calculée entre 1991 et 2020 pour ce même mois de mars.
Ce phénomène s’étend à tous les secteurs de l’Océan antarctique, où les concentrations de glace sont très inférieures aux densités habituelles.
Série chronologique des anomalies mensuelles moyennes de l’étendue de la glace de mer antarctique pour tous les mois de mars de 1979 à 2023. Les anomalies sont exprimées en pourcentage de la moyenne de mars pour la période 1991-2020. Source des données : EUMETSAT OSI SAF Sea Ice Index v2.1. Crédit : Copernicus Climate Change Service/ECMWF/EUMETSAT.
Samantha Burgess, directrice adjointe du CS3 (le sigle désignant « The Copernicus Climate Change Service ») résume ainsi leurs constations : « Après un record de faible étendue en février, la glace de mer de l’Antarctique a atteint sa deuxième plus faible étendue pour le mois de mars dans l’ensemble des données satellitaires couvrant 45 ans, poursuivant la tendance à long terme du déclin de la glace de mer dans les régions polaires. La surveillance du climat est essentielle pour comprendre ces changements rapides et continus aux deux pôles. »
A gauche : Concentration moyenne de glace de mer dans l’Antarctique pour mars 2023. La ligne orange épaisse indique la limite climatologique de la glace en mars pour la période 1991-2020. A droite : Anomalie de la concentration de glace de mer en Antarctique pour mars 2023 par rapport à la moyenne de mars pour la période 1991-2020. Source des données : ERA5. Crédit : Copernicus Climate Change Service/ECMWF.
Zoom : qu’est-ce que le Service Copernicus, l’œil climatique de l’UE ?
Le Service Copernicus pour le changement climatique est mis en œuvre par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme pour le compte de la Commission européenne.
Il publie des bulletins climatiques mensuels concernant les températures de l’air, la couverture de glace de mer et les variables hydrologiques.
Les résultats sont basés sur des analyses informatiques utilisant des milliards de mesures en provenance de satellites, de bateaux, d’avions et de stations météorologiques du monde entier.
Par Sébastien Michel