Cohabiter avec la taupe d’Europe
Victime de sa mauvaise réputation à cause des taupinières qu’elle laisse derrière elle, la taupe d’Europe ( talpa europaea ) se révèle pourtant être une précieuse auxiliaire du jardinier !
Présente partout en France à l’exception de la Corse, la taupe d’Europe vit dans une très large sélection d’habitats : forêts de feuillus, champs, prairies, parcs, abords de cours d’eau… Ainsi, presque tous les jardiniers ont un jour rencontré une taupe dans les espaces verts qu’ils entretiennent.
Une alliée précieuse dans les espaces verts
Bien que certains la considèrent comme nuisible, la taupe s’avère être en réalité l’alliée du jardinier. Lorsqu’elle creuse son réseau de galeries entre 15 et 30 cm de profondeur, la taupe aère le sol, l’ameublit, ce qui augmente le pouvoir drainant du terrain (très utile lors de fortes pluies). Ses déplacements souterrains ramènent également les couches profondes de terre à la surface : ce qui participe donc à la bioturbation du sol. Elle enrichit le sol en participant au transfert des éléments nutritifs ou chimiques qui le composent. Si l’on imagine un bocal rempli de couches de sable de couleurs différentes, la taupe serait l’équivalent d’une cuillère que l’on remuerait dans ce récipient.
Le régime alimentaire de la taupe l’entraîne à se nourrir de lombrics (80 % de son alimentation), mais également de nombreux ennemis du jardinier : vers blancs, limaces, larves comme par exemple celles des redoutables courtilières, des hannetons ou encore des cochenilles souterraines.
Comment tirer parti des taupinières
Malgré tous ces avantages, la taupe est surtout connue pour ces petits monticules de terre caractéristiques de sa présence. Fléau pour le jardinier, sentiment de laisser aller pour le promeneur, la taupinière est souvent mal perçue.
Pourtant, elle peut s’avérer très utile si l’on cherche à en tirer profit ! La terre excavée par la taupe est fine, sans cailloux, ni graine donc peut être facilement prélevée puis être utilisée dans les semis ou pour le rempotage des plantes (à mélanger avec du compost). Ainsi, dans un espace vert fréquenté par le public, on pourrait imaginer de proposer aux usagers de prélever cette terre de qualité pour leur utilisation personnelle !
Elle peut également servir de remblais pour reboucher certains trous ou même, dans le cas de grandes quantités, être accumulé et servir à la réalisation d’un massif !
Il reste enfin la méthode classique qui consiste à étaler la terre à l’aide d’un râteau. La terre répandue se tassera rapidement, surtout à la suite d’une pluie.
Finalement, ces quelques techniques simples permettent de trouver facilement son utilité à une taupinière ! Difficile maintenant de rester fâché avec la taupe…
Anticiper une surpopulation en préservant des zones naturelles
Le développement urbain et industriel entraîne la principale cause de surpopulation des taupes : la dégradation et le morcellement des habitats. Plus la quantité d’espaces verts disponibles est faible, plus la concentration des taupes peut être importante (une taupe n’a besoin que de 2.000 m2 environ pour s’installer). Il est donc primordial lors de la réalisation d’un plan d’aménagement ou d’un document d’urbanisme de penser à préserver des zones de prairies naturelles où la présence de la taupe ne sera ni néfaste, ni indésirable.
De plus, la mise en place de zones naturelles au sein des entreprises ou des collectivités ne se limite pas à offrir à la taupe juste un habitat favorable mais permet l’installation de tout un écosystème favorable à la biodiversité. Cette action s’inscrit pleinement dans les objectifs d’une démarche RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), de prise en compte de la Trame verte et bleue (TVB) ou du Schéma régional de cohérence écologique (SRCE).
Gérer la surpopulation
Si toutefois la taupe s’est implantée sur un espace vert non choisi, des techniques existent pour limiter les effets indésirables.
Sur des petites surfaces comme un massif ou un potager, il est possible d’enterrer un grillage à mailles fines sur au moins 60 cm de profondeur autour de la zone. Ce grillage bloquera l’accès aux taupes mais également aux lapins ou campagnols tout en laissant circuler les lombrics et les autres micro-organismes.
L’autre solution est de déplacer les taupes : sur un site relativement proche (50 à 200 m environ), l’idée est de déposer du compost, du bois mort ou encore des feuilles mortes et des résidus de tonte afin de développer la présence de micro-organismes dans le sol. Ces micro-organismes attireront les lombrics qui serviront eux-mêmes de ressource alimentaire aux taupes. La présence de nourriture entraînera logiquement la taupe à s’installer dans ce secteur. Cette méthode est intéressante à tous points de vue car en plus de créer tout un maillon de la chaîne alimentaire, les branchages pourront abriter la petite faune (reptiles, amphibiens, hérissons…) et servir de réservoir de nourriture à d’autres espèces comme les oiseaux, par exemple !
En conclusion, et tel qu’Aristote avait résumé, La nature a horreur du vide . Il est donc très fortement déconseillé de détruire les taupes. Les galeries désormais vides pourraient attirer de nouveau une taupe voisine. Et dans le pire des cas, ce sont les campagnols qui pourront y élire domicile et qui seront des hôtes beaucoup plus redoutables.
Au travers des éléments présentés, et tous cas extrêmes mis à part, le mieux pour le jardinier est d’accepter de cohabiter avec la taupe, d’en faire son allié et grâce aux conseils présentés, de savoir en tirer profit !
Source : LPO – www.lpo.fr