COP16 biodiversité : avancées et défis pour la protection mondiale de la nature

COP16 biodiversité : avancées et défis pour la protection mondiale de la nature

La COP16 en Colombie a marqué un tournant pour la biodiversité avec des avancées en faveur des peuples autochtones et la création du Fonds de Cali pour les données génétiques. Cependant, les tensions financières Nord-Sud et l’absence d’accord sur le financement freinent la mise en œuvre des objectifs de conservation pour 2030.

Deux ans après l’adoption historique du cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal (KMGBF), la 16e session de la conférence des parties de la convention des Nations unies sur la biodiversité (COP16) s’est tenue à Cali (Colombie) du 21 octobre au 1er novembre, sur le thème « Paz con la naturaleza » (Paix avec la nature).

Reconnaissance des peuples autochtones et création d’un organe subsidiaire

Camila Paz Romero
Camila Paz Romero - © UN Biodiversity

Pour la première fois, la COP16 a officiellement reconnu les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine comme des acteurs clés de la conservation de la biodiversité. Un organe subsidiaire permanent a été créé pour garantir leur participation aux décisions, dans le cadre de l’article 8J de la Convention sur la diversité biologique. Cet organe leur donnera une voix dans les négociations, en valorisant leurs savoirs et pratiques traditionnels essentiels à la préservation de la biodiversité.

Camila Paz Romero, porte-parole des peuples autochtones, a exprimé la fierté et la signification de cette avancée pour ces communautés.


« C’est un moment sans précédent dans l’histoire des accords multilatéraux sur l’environnement. »

Le Fonds de Cali pour le partage des bénéfices des ressources génétiques

Autre avancée significative, le Fonds de Cali a été mis en place pour redistribuer une partie des bénéfices des entreprises utilisant des données génétiques d’organismes vivants, telles que des plantes ou des animaux originaires de pays en développement. Ce fonds impose aux entreprises de secteurs tels que la pharmacie ou les cosmétiques de reverser un pourcentage de leurs profits. Les contributions alimenteront les communautés locales et soutiendront les pays en développement, répondant ainsi à une revendication historique.

En l’absence de mécanismes stricts d’application, l’efficacité du Fonds de Cali reste cependant incertaine. Mais Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement et présidente de la COP, voit dans cette mesure une avancée révolutionnaire : « C’est un mécanisme révolutionnaire ! »

Échecs et défis financiers de la COP16

Malgré douze jours de débats et une dernière session prolongée, la COP16 n’a pas pu atteindre un consensus sur les modalités de financement du cadre Kunming-Montréal, adopté lors de la COP15 pour freiner l’érosion de la biodiversité. Ce cadre nécessite environ 700 milliards de dollars pour concrétiser ses objectifs d’ici 2030, mais la question de qui fournira les fonds reste sans réponse.

Les pays en développement, en tête desquels le Brésil et le groupe Afrique, ont réclamé la création d’un nouveau fonds pour la biodiversité, estimant que ceux actuels sont inaccessibles et inéquitables.

Susana Muhamad
Susana Muhamad - © UN Biodiversity

Face à eux, les pays riches, notamment l’Union européenne, le Japon et le Canada, ont exprimé leur opposition à la multiplication des fonds d’aide.

Cet échec souligne un fossé de plus en plus profond entre les pays du Nord et du Sud.


« Il y a sans doute un manque de confiance entre les parties. Le manque d’accord menace directement l’application des 23 objectifs du cadre Kunming-Montréal, notamment l’ambition de protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030. »

Susana Muhamad, ministre colombienne de l’Environnement et présidente de la COP

Conséquences pour les négociations futures

L’impasse financière de la COP16 pourrait également influencer d’autres discussions environnementales cruciales, comme celles sur le climat et la pollution plastique.


« Ce signal négatif va retentir sur les autres négociations environnementales de la fin d’année, car il met en évidence un profond désaccord sur la possibilité même de faire des transferts Nord-Sud d’une manière différente. »

Sébastien Treyer, directeur général du centre de recherche IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales)

Une « COP du peuple » : mobilisation et participation citoyenne

Parallèlement aux négociations officielles, la COP16 a mis en place une « zone verte » accessible au grand public. Cette initiative a attiré un million de visiteurs et permis à 40.000 personnes de participer à des activités sur la biodiversité. Selon Susana Muhamad, « en bref, cela a été la COP du peuple », une occasion unique de sensibiliser et d’impliquer la société civile dans la protection de la nature.

La COP16 a indéniablement marqué une étape en reconnaissant les droits et le rôle des peuples autochtones et en créant le Fonds de Cali. Toutefois, l’échec à trouver un compromis financier laisse en suspens la mise en œuvre du cadre Kunming-Montréal. Les discussions reprendront en 2026 lors de la COP17 en Arménie, avec l’espoir d’un financement plus inclusif et équitable.

- © UN Biodiversity

Serge Wilmes présent sur place

Alors que le KMGBF fixe toute une série de cibles pour 2030 au niveau global, la COP16 a marqué une étape clé pour préparer une mise en œuvre effective au niveau national. Pour l’Union européenne et ses États membres, l’importance de se mettre d’accord sur un système robuste de monitoring a été un élément prioritaire, tout comme la mise en place d’un mécanisme multilatéral de séquençage numérique sur les ressources génétiques.

Sur place, le ministre Serge Wilmes a saisi l’occasion de mettre en avant les efforts de financement international et solidaire du Luxembourg, qui, fidèle à l’esprit de Rio, envisage un renforcement des synergies entre la lutte contre la perte de la biodiversité, la dégradation des terres et le changement climatique et qui garantit la mise en œuvre des cibles du KMGBF. Le Luxembourg a été parmi les premiers pays à contribuer au nouveau « Global Biodiversité Framework Fund » et à aligner sa stratégie nationale aux cibles du KMGBF.

Josimara Melguero De Oliveira, Kleber Karipuna et Serge Wilmes
Josimara Melguero De Oliveira, Kleber Karipuna et Serge Wilmes - © CIFOR-ICRAF

Le ministre a participé à plusieurs événements se focalisant sur des initiatives innovantes financées par le ministère de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité, dont le 7e Investment Case Symposium du Global Landscapes Forum, qui a réuni plus de 300 personnes sur place et plusieurs milliers de parties prenantes en ligne, y compris du secteur privé, pour mobiliser des sources de financement pour la biodiversité, ainsi que l’initiative « Resilient Landscapes Luxembourg », qui contribue à l’élaboration de projets de solutions basées sur la nature visant à débloquer des investissements privés.


« Même si le résultat n’est pas celui espéré, une tout autre dynamique a été enregistrée lors de la COP16 sur la Biodiversité. En effet, il y a 2 ans, un accord historique a été conclu, qui fixe un cadre mondial. Nous devons atteindre nos objectifs pour mettre un terme à la perte de biodiversité. Et chaque pas que nous faisons est un pas dans la bonne direction. Nous ne devons pas abandonner et continuer à travailler pour y parvenir. »

Serge Wilmes, ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité

En outre, le ministre a eu des échanges de vues avec la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique - Astrid Schomaker, le CEO du Fonds pour l’environnement mondial - Carlos Manuel Rodríguez, les représentants de la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, ainsi qu’avec la jeunesse organisée.

Sébastien Yernaux
Photos : UN Biodiversity

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Publié le mercredi 6 novembre 2024
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