Déchets sauvages : le bétail en souffre, la collectivité aussi !
Deux ministères prolongent et intensifient la campagne de sensibilisation contre l’abandon sauvage de déchets. Les agriculteurs sont plus que demandeurs.
« Tes ordures me rendent malade. Ne jette rien dans la nature ! » Le slogan frappe juste et les visuels tout autant. C’est que le « littering », l’abandon de déchets n’importe où, frappe aussi, en particulier les animaux en pâture qui en sont malades voire en meurent.
La chaîne agroalimentaire, jusqu’au consommateur, est touchée, donc non seulement le monde rural mais toute la collectivité, ne fut-ce que par le coût du ramassage le long des routes.
1,2 million d’euros par an de coût pour l’État
Ce phénomène du littering fait l’objet d’études régulières de l’Administration de l’environnement. La prochaine est prévue fin 2021 à mi 2022. Mais les chiffres de l’étude la plus récente (2015) parlent d’eux-mêmes :
- 103 kg de déchets au km collectés le long des routes nationales (c’était 89 kg par km en 2008).
- 216 kg de déchets au km le long des autoroutes (309 kg par km en 2008).
- 1,2 million d’euros de coût annuel pour le nettoyage le long des grands axes à charge de l’État (dont 5,2% de coûts d’élimination.)
- 29% du volume total de déchets sont en plastique (15% du volume total sont des bouteilles en plastique)
- 18% des déchets sont des canettes métalliques
Cela vaut bien la reconduction d’une campagne pour sensibiliser le grand public : l’abandon sauvage de déchets dans la nature n’est pas seulement un acte pollueur (par ailleurs répréhensible), mais aussi un danger pour le bétail et le bien-être animal en général.
Union des forces
Le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, Romain Schneider, est déterminé : « Chaque fois qu’un déchet est jeté dans la nature, il risque d’être ingéré par les animaux. Cette année, le problème est d’autant plus aigu pour les agriculteurs que la crise COVID-19 a engendré l’engouement pour les randonnées nature, mais aussi davantage d’abandon de déchets le long des chemins et zones de pâturages ! Je salue et soutiens donc l’engagement du Service jeunesse de la Centrale paysanne luxembourgeoise et de l’Ëmweltberodung Lëtzebuerg ASBL. Nous avons uni nos forces pour sensibiliser l’opinion publique et combattre ce fléau ! »
Même résolution dans le chef de Carole Dieschbourg, ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable : « Tout le monde est responsable ! Jeter des mégots, des emballages ou du chewing-gum dans la nature, ce n’est pas rien. L’impact sur l’environnement est direct et grave. »
Le monde rural s’est mobilisé. Le Service jeunesse de la Centrale paysanne luxembourgeoise a explicitement souhaité que la campagne de 2019, reconduite en 2020, soit ajustée aux besoins de terrain des agriculteurs.
Avec le printemps, plus de 300 panneaux ont poussé dans des champs de pâturage, le long des routes et chemins pédestres.
Le message « Däin Offall mécht mech doudkrank – gehei näischt an d’Natur » (Tes ordures me rendent malade – ne jette rien dans la nature) doit vraiment faire réfléchir.
Un mauvais geste, des conséquences
Les éleveurs déplorent chaque année la perte de plusieurs animaux, victime de la « maladie des déchets ». Chez les bovins, les bouts de plastique peuvent s’accumuler dans la panse et provoquer des inflammations locales, voire le refus de se nourrir. Les morceaux métalliques peuvent fendre les tubes digestifs, voire perforer les poumons ou le péricarde. Les inflammations sont difficiles à gérer et l’agriculteur veut souvent éviter les antibiotiques. Une hémorragie interne, et c’est la mort de l‘animal. Une intervention chirurgicale est rarement possible et de toute manière souvent impayable.
Les éleveurs dénoncent aussi une autre source de pollution : les excréments de chiens. Un parasite unicellulaire présent dans les selles de certains canidés peut provoquer de graves séquelles aux vaches en gestation, jusqu’à l’avortement à n’importe quel stade de la gravidité. Or, à ce jour, il n’y a ni traitement, ni vaccin.
Quelles que soient les précautions prises - faucheuses équipées d’un aimant pour éliminer les métaux magnétiques, bolus magnétiques dans la panse des animaux pour que les métaux s’agrègent autour… - les débris non éliminés sont une source de souffrance pour le bétail et un fléau pour les éleveurs.
Quant au grand public, on peut aussi lui rappeler que l’action de jeter ou d’abandonner un déchet peut donner lieu à un avertissement taxé, par exemple de 145 euros pour un mégot ou de 250 euros pour l’élimination de déchets dans un cours d’eau.
Alain Ducat
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Photo (MA/SIP) Jeff Schroeder, président du Service jeunesse de la Centrale paysanne luxembourgeoise / Affiche de la campagne en cours