Des idées à l’épreuve de la réalité
Autour de la transition, il y a beaucoup de questions, entre analyses et faisabilité. Relocalisation, décroissance, autonomie, consommation… Petit tour d’horizon.
Totnes : Transition Town
S’il est un modèle de mouvement citoyen, c’est probablement la Transition. Son acte de naissance remonte à plus de 15 ans, et certains en sont encore à le découvrir… Rob Hopkins, universitaire britannique au départ spécialiste de la permaculture, s’est trouvé à la base d’un groupement citoyen dans sa petite ville de Totnes, dans le Devon, avec juste l’idée de fédérer les compétences et les idées, pour avancer, localement, et créer une communauté économique, écologique, résiliente, la plus autonome et ouverte possible. Depuis 2005, Transition Town Totnes a grandi et est devenue un symbole. Rob Hopkins est, lui, devenu un porte-parole du « Transition Network », représenté dans plus de 50 pays, au travers de communautés locales ou régionales actives et innovantes.
Luxembourg modèle ?
Rob Hopkins suit les avancées luxembourgeoises, via les activités de CELL essentiellement, mais aussi au travers des décisions et orientations politiques. « On constate des accents pionniers, comme l’interdiction du glyphosate, les transports gratuits… Et surtout des initiatives citoyennes, qui mettent une véritable transition en avant eti défrichent de nouvelles perspectives locales : coopératives, marchés de terroir, culture biodynamique, maraîchage et permaculture, pépinières d’entreprises locales, économie solidaire... Ces initiatives trouvent du soutien et aussi des financements publics pour les accompagner. Le Luxembourg est un pays riche, sensible aux richesses locales et prêt à soutenir les approches économiquement viables et porteuses d’emplois. Il pourrait avoir un leadership européen et être un exemple pour la transition ».
Voix francophone
Pablo Servigne, Versaillais qui a étudié l’agronomie puis travaillé dans l’économie sociale en Belgique, est devenu une des voix francophones dans le concert de la transition. Il s’intéresse tout particulièrement aux questions d’agroécologie, de « collapsologie » - effondrement sociétal - et de résilience collective. Suivant la vision de la transition par des actions locales, inspirée de Hopkins et du mouvement britannique, il présente en octobre 2013, au Parlement européen, son étude « Nourrir l’Europe en temps de crise ». En 2015, il publie avec Raphaël Stevens « Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes », puis en 2018 « Une autre fin du monde est possible », dans lequel il invite à l’entraide et à l’autonomie alimentaire, via la permaculture.
Donut Economy
Le Donut ou « Doughnut model », est un « cadre graphique » pour une économie durable, un diagramme développé par l’économiste d’Oxford Kate Raworth dans un document de l’ONG Oxfam puis dans son livre « Doughnut Economics : Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist ». Ce cercle vertueux avec un trou un milieu matérialise les limites planétaires et les frontières sociales, pour élaborer un modèle dans lequel la performance d’une économie se mesure à la satisfaction des besoins des citoyens sans dépasser le plafond écologique de la Terre. Une économie est considérée comme prospère lorsque les 12 fondements sociaux sont réunis sans dépasser aucun des 9 plafonds écologiques.
Décroissance soutenable
« La décroissance est une utopie, faute de scénario de transition », expliquent Marc Prieto et Assen Slim, dans leur livre « Consommer moins pour vivre mieux (2010) ». De plus en plus de personnes se révèlent sensibles aux pratiques de la « simplicité volontaire » qui milite pour la fin de la consommation de masse et du gaspillage qui y est associé. Les auteurs ne se revendiquent pas du mouvement des « objecteurs de croissance ». Ils approchent ce concept de décroissance avec une analyse mesurée. Et touchent plutôt le concept de « croissance raisonnable » ou de « décroissance conviviale et soutenable ».
Permaculture d’entreprise
Philippe Ledent, Ardennais de Belgique, est un dirigeant et administrateur d’entreprises qui conseille les entreprises souhaitant (re)penser leur modèle économique. Notamment fondateur en 2002 de Challenge, coopérative qui accompagne de jeunes starters en Wallonie, il a été Président du Comité Économique et Social de la Grande Région. Auteur de plusieurs ouvrages - dont « L’Entrepreneur idéal. Eloge de la permaculture d’entreprise » (2019) – Philippe Ledent parle notamment de résilience post-crise due et de transition économique. Il voit émerger la « déconsommation volontaire, motivée par la prise en compte des enjeux sociétaux et environnementaux », à l’inverse de « la déconsommation subie, qui résulte davantage de la conjoncture économique ». Il observe les circuits-courts et la production locale, comme un nouveau mode de relation production-consommation.
Alain Ducat
Photos – Rob Hopkins à l’Aërdscheff en 2020 – © CELL
Transition Town Totnes : Licence CC
Donut : Oxfam / kateraworth.com
Pablo Servigne : Barricade
Philippe Ledent : Challenge
Article tiré du dossier du mois « Transmission en mouvement »