Dispositifs de sûreté manquants à la centrale nucléaire de Cattenom : EDF convoquée à la Cour d’appel de Metz le 10 février 2017
Alors qu’un important incendie vient de mettre à nouveau en lumière des problèmes de sûreté criants à la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle), EDF devra répondre devant la Cour d’appel de Metz de l’absence d’un dispositif censé empêcher la vidange accidentelle des piscines de combustible, qui faisait défaut depuis la construction.
Un dispositif de sûreté primordial manquant depuis la construction de la centrale
Dans toute centrale nucléaire, un dispositif basique dénommé « casse-siphon » équipe normalement les piscines où sont stockés les assemblages combustibles neufs ou usés, pour éviter que celles-ci ne se vidangent par erreur à la suite d’une mauvaise manipulation. Une telle vidange accidentelle pourrait survenir en l’espace de quelques heures. Les combustibles, qui ne seraient plus refroidis, entreraient alors en fusion, relâchant de la radioactivité dans l’environnement. Un tel accident serait d’autant plus grave que les piscines en question ne sont pas confinées[1].
Or EDF s’est aperçue, le 21 décembre 2011, que sur les piscines de combustible des réacteurs 2 et 3 de Cattenom, les dispositifs casse-siphon n’avaient jamais existé ! Pendant près de 30 ans, seule la chance a empêché qu’un accident n’advienne. Alors que ce problème aurait dû être déclaré immédiatement, EDF n’en a informé l’Autorité de sûreté nucléaire que 28 jours après. Fait rare, celle-ci a d’ailleurs classé cette anomalie au niveau 2 de l’échelle INES, qui sert à évaluer la gravité des incidents et accidents en matière nucléaire.
Pour dénoncer cette négligence inacceptable qui aurait pu déboucher sur un accident grave, le Réseau « Sortir du nucléaire » a porté plainte en février 2012, puis fait citer EDF devant la justice. France Nature Environnement et MIRABEL-Lorraine Nature Environnement se sont également portées parties civiles. Le 3 novembre 2015, l’affaire a été examinée par le Tribunal correctionnel de Thionville.
De manière inexplicable, alors même que l’Autorité de sûreté nucléaire avait longuement témoigné de l’importance du dispositif casse-siphon, le tribunal a relaxé EDF. Les associations ont donc fait appel et l’affaire a été examinée par la Cour d’appel de Metz le 10 février 2017, à 9 h.
Des dysfonctionnements de plus en plus inquiétants
La centrale de Cattenom, la plus puissante de France, est depuis plusieurs années le théâtre d’une inquiétante succession de problèmes : état dégradé des diesels de secours[2], dysfonctionnement de vannes, nombreux arrêts non prévus… et dernièrement, un gigantesque incendie qui a ravagé 1.000 m2 de bureaux.
Le fait même que cet incendie ait pu se déclencher dans l’enceinte de la centrale est inquiétant en soi, mais ses conséquences ne sauraient être minimisées. Les bâtiments incendiés avaient été érigés dans le cadre du « Grand carénage », ce programme de travaux de maintenance censés permettre la remise aux normes de la centrale et l’extension de son fonctionnement au-delà de 40 ans. Si, comme le souligne le Républicain Lorrain, « il faudra un certain temps aux sous-traitants pour remettre la main sur des documents brûlés et sur les données disparues de leur ordinateur à cause des flammes », on peut légitimement s’inquiéter des conditions dans lesquelles seront réalisés ces travaux lourds, dangereux et parfois inédits, censés faire l’objet d’un contrôle étroit et d’une traçabilité importante !
Retrouver l’ensemble du dossier juridique : http://www.sortirdunucleaire.org/Absence-de-dispositif-casse-siphon-sur-les
Notes :
[1] Ce scénario accidentel a été évoqué en 2012 par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire et a également été détaillé dans une note anonyme reçue par le Réseau “Sortir du nucléaire“.
[2] http://www.lequotidien.lu/grande-region/nucleaire-francais-et-cattenom-la-fuite-qui-derange-dossier/
Communiqué par Sortir du nucléaire