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Earth Overshoot Day : Luxembourg en excès de vitesse écologique
Le Luxembourg vient de franchir un cap alarmant : en ce 17 février, le pays a déjà épuisé toutes les ressources que la planète peut lui offrir pour l’année. Soit 10 mois avant le meilleur élève de la classe, l’Uruguay, dont la date de l’Earth Overshoot Day (Jour de dépassement) est estimée au 17… décembre !
Ce triste record fait du Grand-Duché, le premier pays européen et le deuxième au monde, juste derrière le Qatar, à atteindre son Jour du dépassement. « Si tous les habitants de la Terre adoptaient le mode de vie luxembourgeois, il faudrait sept planètes pour subvenir à nos besoins. Ce n’est plus un avertissement, c’est une condamnation à moyen terme », souligne Thomas Kauffmann, le directeur de MSF Luxembourg.
Alors que l’empreinte écologique luxembourgeoise continue de croître à un rythme insoutenable, Greenpeace Luxembourg et Médecins Sans Frontières Luxembourg (MSF) unissent leurs voix pour tirer la sonnette d’alarme. Derrière cette surconsommation effrénée se cache une double crise : une planète à bout de souffle et une menace sanitaire croissante.
Un mode de vie qui mène droit à l’impasse
L’Earth Overshoot Day est un indicateur implacable de notre incapacité à vivre en équilibre avec notre environnement. Chaque année, cette date tombe de plus en plus tôt, illustrant la trajectoire d’une civilisation qui consume ses ressources plus vite qu’elle ne peut les régénérer.
Le Luxembourg en est un exemple criant. Le pays affiche une empreinte écologique disproportionnée, dopée par un modèle de développement ultra-consumériste. Le transport, largement dominé par la voiture individuelle, génère d’importantes émissions de CO₂, tandis que la consommation de viande atteint des niveaux insoutenables pour l’environnement. À cela s’ajoute une demande énergétique parmi les plus élevées d’Europe, alimentée en grande partie par des énergies fossiles.
« Alors que 2024 a été la première année où nous avons officiellement dépassé les 1,5°C de réchauffement planétaire, on constate partout que les mesures de lutte contre le dérèglement climatique perdent du terrain ».
Xavier Turquin, directeur de Greenpeace Luxembourg
La surconsommation luxembourgeoise ne se limite pas à l’empreinte carbone. Elle exerce une pression considérable sur les écosystèmes : les forêts s’amenuisent, la biodiversité s’effondre et les sols s’épuisent sous l’effet d’une agriculture intensive. Mais ce que l’on perçoit moins, c’est l’impact direct sur notre santé.
Crise écologique, crise sanitaire : les deux faces d’un même désastre
Dérèglement climatique et crises sanitaires avancent main dans la main. Alors que le Luxembourg subit déjà des épisodes climatiques extrêmes, ce bouleversement planétaire favorise aussi la propagation de maladies.
« Les sécheresses et les pluies torrentielles détruisent les récoltes, causant des famines. Le réchauffement de la planète favorise l’apparition et la propagation de nouvelles maladies, tandis que la pollution atmosphérique est directement liée à l’augmentation des cancers et des maladies respiratoires. »
Thomas Kauffmann, directeur de MSF Luxembourg
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), la pollution de l’air tue sept millions de personnes par an dans le monde. En Europe, elle est responsable de 400.000 décès prématurés chaque année. Le Luxembourg n’est pas épargné : les niveaux de dioxyde d’azote et de particules fines dépassent régulièrement les recommandations sanitaires.
À cela s’ajoute un risque majeur : la multiplication des catastrophes naturelles. Inondations, vagues de chaleur et tempêtes se sont intensifiées ces dernières années, impactant directement les populations. Pourtant, les politiques mises en place restent largement insuffisantes face à l’ampleur du problème.
Un sursaut nécessaire : agir maintenant ou disparaître
Face à cet état d’urgence, Greenpeace et MSF ont décidé d’unir leurs forces pour alerter, mobiliser et exiger des actions immédiates. Les deux organisations lancent une campagne visuelle percutante sur les réseaux sociaux, où des images en diptyque mettront en lumière les causes et les conséquences de la crise écologique sur la santé humaine.
« On ne peut pas être en bonne santé sur une planète malade. Lutter contre la crise climatique, c’est aussi sauver ceux qui en meurent déjà », affirment les deux ONG.
Mais cette initiative ne se limite pas à la sensibilisation. Greenpeace et MSF demandent aux autorités luxembourgeoises et internationales de prendre des mesures radicales à la hauteur des enjeux : réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, transition vers une agriculture et une alimentation plus durables, limitation de la pollution urbaine, et surtout, garantie d’un accès équitable aux soins pour les populations les plus vulnérables aux risques climatiques.
Car si la situation s’aggrave, les décisions politiques doivent suivre. Or, jusqu’à présent, les promesses restent souvent lettre morte, et les actions concrètes peinent à se matérialiser, selon les ONG.
De son côté, Votum Klima souhaite également attirer l’attention sur cet « Earth Overshoot Day ». Les membres mettent en avant un « cap symbolique qui souligne la consommation excessive des ressources par notre pays. Pour célébrer cette journée, une vidéo parodique au nom ’Gouvernement du Grand-Excès du Luxe-en-Bourg’ circule sur les réseaux sociaux afin de féliciter les citoyen·nes et les acteurs économiques de la surconsommation du Luxembourg. »
« Notre message, porté par la vidéo, vise à interroger les priorités de notre société en mettant
en avant les efforts réalisés pour maintenir sur son piédestal le fétiche de la croissance et la
(sur)consommation qu’il exige. Des commerces toujours plus ouverts, de plus en plus d’urbanisation, de constructions galopantes (d’immeubles de bureau, de centres commerciaux
et non de logements sociaux), multiplication des vols de nuit sont des priorités données à la
croissance au détriment des contraintes écologiques et du bien-être collectif.
Tandis que le Qatar conserve encore cette année-ci la première place du classement de
l’Overshoot Day, le Luxembourg le suit de près depuis 2006. Cette triste performance illustre
bien l’impact colossal du mode de vie luxembourgeois sur nos ressources planétaires. Nous
consommons bien au-delà des capacités de renouvellement de la Terre, un véritable signal
d’alarme qui appelle à une réaction plus que urgente.
Face à cette réalité, Votum Klima appelle les décideurs politiques et économiques à ap-
prendre à penser et à agir au-delà du crédo de la croissance et des sacrifices qu’il impose
aux humains et à la Terre. Loin d’être une fierté nationale, ce jour de dépassement devrait
être un électrochoc poussant à agir pour un mode de vie plus sobre et respectueux de nos
limites planétaires. »
Jour du déficit national
Au-délà de ce « Earth Overshoot Day », beaucoup oublient le « Jour du déficit national ». Ce dernier marque la date à laquelle un pays a consommé autant de ressources naturelles que ses propres écosystèmes peuvent régénérer en une année. Contrairement au Jour du dépassement, qui mesure la pression d’un pays à l’échelle globale, cet indicateur met en lumière la dépendance aux ressources extérieures. Le Luxembourg atteint ce seuil le 8 février 2025, illustrant son déficit écologique extrême. Une date qui le classe à la 8e position mondiale… et toujours en première position européenne. La Belgique (13e) et l’Italie (17e) complétant le podium européen.
La biocapacité terrestre est limitée : sur les 51 milliards d’hectares de la planète, seuls 25 % sont biologiquement productifs. Avec une population dépassant les 8 milliards, cela représente 1,5 hectare disponible par personne. Or, les pays industrialisés en consomment bien davantage. La Suisse, par exemple, utilise 4,2 hectares par habitant, alors que sa biocapacité n’est que de 1,1 hectare, provoquant un déficit dès le 1er avril.
Cette dépendance croissante entraîne une compétition mondiale accrue pour les ressources. Le dépassement écologique mondial a bondi de 22 % en 1993 à 75 % en 2023, menaçant la stabilité économique et environnementale. Face à cette urgence, seule une transition vers un modèle de consommation durable peut éviter un effondrement global.
Sébastien Yernaux