
Écologie ou IA, faut-il choisir ?
Si l’on évoque souvent les inquiétudes liées à la consommation énergétique croissante accompagnant l’explosion des usages de l’IA générative, il est intéressant de poser plus largement la question des impacts de l’IA en tant que système sur nos sociétés. Nous verrons en quoi l’IA souveraine constitue une première réponse à ces enjeux.
L’écologie, ou développer une conscience écologique, contrairement à une croyance très répandue, ce n’est pas simplement prendre soin des derniers éléphants d’Afrique l’été, et pleurer la disparition de nos stations de ski l’hiver. L’écologie est la science dont l’objet se résume à l’étude des interactions entre les êtres vivants et leur milieu, avec, au dos du contrat en lettres minuscules, le corollaire selon lequel tout milieu qui disparaît - ou se transforme trop rapidement - entraîne réciproquement avec lui son lot d’extinctions du vivant, végétal ou animal. Dans cette seconde catégorie figure l’humain, et l’évidence de la vulnérabilité de ce dernier à son propre milieu qui s’échauffe - si toutefois il en fallait un nouvel exemple - a pu prendre quelques allures dramatiques, lorsque les incendies de Californie ont décidé de ravager par le feu rédempteur les bâtisses les plus emblématiques de l’extravagance ostentatoire dont est capable notre espèce.
Dans les flammes et les larmes, la marche forcée des événements climatiques et l’implacable réalité de notre exposition - finalement sans frontière de couleur de peau ou de garniture de compte en banque - au péril climatique, a emporté dans son sillage la symbolique même des mots, au premier rang desquels figure l’écologie, vidé de sa substance d’étude. Il ne s’agit dès lors plus simplement de décrire et d’observer les potentiels impacts de l’action humaine sur son environnement - l’écologie donc - mais de prendre conscience de son immanquable participation, comme élément surreprésenté du vivant, à cette équation qui sous-tend notre survie comme celle des éléphants d’Afrique, à ceci près que le bilan carbone de ce dernier n’est rien en comparaison de celui de l’homme californien.
Cet incendie, où victimes et coupables se confondent, est finalement le grand révélateur de nos paradoxes et de notre lecture schizophrène du vivant dont nous nous pensons parfois exclus par la grâce de notre porte-monnaie. Le vivant fait système et nous ne pouvons choisir d’en être les spectateurs coupables.
Le monde de l’entreprise n’échappe pas à ce constat. De la même manière que l’Homme s’est longtemps pensé extérieur au vivant, épargné par les conséquences de ses propres actions, l’entreprise s’est parfois satisfaite de se décrire comme un satellite à ces concepts, en déléguant bien volontiers la gestion de son impact sociétal aux domaines du public et du politique. La Responsabilité Sociétale des Entreprises en est une illustration. Il s’agit d’une tentative de rapprocher l’entreprise de son ancrage dans le réel et de lui rappeler qu’elle est, au même titre que les individus, comptable du vivant.
Or, et l’histoire très récente semble l’illustrer, les préoccupations politiques évoluent, les réglementations censées protéger les environnements, les consommateurs, les populations plus globalement, se font et se défont au gré des oscillations électorales, et rien ne garantit pour le moins la pérennisation des considérations qui s’inscrivent dans le champ du sociétal.
L’IA générative est le « grand incendie de Californie » à venir du monde de l’entreprise. Elle transcende ces barrières que nous établissons virtuellement entre l’entreprise, les femmes et les hommes qui les composent et leur environnement et tend à réconcilier de force l’ensemble des enjeux qui nous lient en tant qu’espèce, et si nous voulons prévenir ses risques et embrasser ses potentiels, nous devons la voir comme un système.
Nicolas André, manager Innovation chez InTech
Une lecture simple et classique de la situation pour une entreprise consisterait à visualiser les gains de productivité potentiels associés à l’IA générative, par exemple au travers de l’automatisation des tâches les plus répétitives, et à les pondérer par le coût énergétique exponentiel qui y est associé. Les possibilités de l’IA étant infinies dans la plupart des domaines, il semble que personne ou presque aujourd’hui ne saurait délibérément choisir de s’en priver.
Pourtant, et si l’on en revient à une réflexion systémique, c’est avant tout au travers de son impact global que l’on nous promet sans limite dans tous les compartiments de la société que la technologie doit être scrutée. Certains bouleversements néfastes prophétisés ont déjà lieu. Des professions sont aujourd’hui concurrencées par l’IA - traducteurs, journalistes, graphistes, juristes - les deepfakes pullulent, l’information est hors de contrôle. La technologie a le pouvoir de détruire des emplois, des entreprises et plus tard nous dit-on, des pans entiers de l’activité humaine au risque de bouleverser nos équilibres économiques.
Elle est dans le même temps porteuse de nombreux espoirs, dans les domaines de la recherche, la médecine, l’éducation, l’accès à la justice, la coopération internationale, la surveillance de nos ressources en eau et tant d’autres, mais pour chaque élan d’optimisme, une ombre plane. L’accès à la connaissance se veut par exemple tout à fait symptomatique de cette angoisse légitime de voir des modèles biaisés - DeepSeek ou autres - prendre le pas sur une information neutre.
À qui reviendra-t-il de choisir ce que la technologie nous permettra d’achever en tant que société humaine ? Si nous ne sommes pas aujourd’hui capables de répondre à cette question, à tout le moins savons-nous qu’il nous faut nous laisser la liberté de ce choix. Cela passe par les décisions que nous prenons dès aujourd’hui, notamment celle des solutions d’IA auxquelles nous nous attachons et qui demain conditionneront notre libre arbitre sur les enjeux essentiels.
Ainsi donc, la première réponse à cette préoccupation, et c’est là la base de notre approche à l’IA, consiste à promouvoir une intelligence artificielle souveraine, opérée sur le territoire européen, avec des modèles dont nous avons la maîtrise, et qui nous permettent de répondre aux enjeux des entreprises en accord avec leurs valeurs durables.
Texte de Nicolas André, manager Innovation chez InTech
Photo des incendies de Californie : Licence CC
Extrait du dossier du mois « Évolution techno-logique ? »