Économie locale (3) : rebond alimentaire
Manifestement, la crise sanitaire et le confinement ont modifié, sinon les comportements de manière fondamentale, les chiffres de vente des filières alimentaires. Mais dans quel sens ? Regardons d’abord ce qu’il s’est passé à nos frontières.
En France, le 16 mars dernier, soit au tout début d’une crise dont les citoyens ne mesurent pas encore l’ampleur, l’IRI - organisme spécialisé dans l’analyse des ventes et des panels de distributeurs - enregistrait une progression de 237% du chiffre d’affaires sur les produits alimentaires, en particulier les non périssables.
La semaine suivante, une accalmie : les Français ont fait des stocks « de guerre », ils se mettent en mode cuisine...
Stocks perdus, fruits, légumes et surgelés
Mais les rayons sont soit dévastés – les classiques, pâtes, farine, œufs… - soit n’arrivent pas à absorber les stocks disponibles sur le marché de gros ! Ainsi, des tonnes de fraises ne seront jamais récoltées faute de bras, des palettes d’asperges seront perdues, faute d’écoulement dans les marchés ou les restaurants fermés… Fin mars, la Confédération paysanne française estime l’excédent de lait à 40 millions de litres. Les ventes de fromages AOP plongent. Et on n’a vendu que 20% des 600 000 agneaux de Pâques prévus…
Pourtant, selon une étude réalisée en avril pour le Nouvel Obs par l’institut YouGov, 43 % des Français affirment acheter davantage de fruits et légumes depuis le début du confinement, 23% se tournent davantage vers les surgelés – une autre étude, de l’institut Nielsen, démontre que les produits surgelés, et notamment les viandes, ont connu des hausses importantes du chiffre d’affaires en février-mars.
Pas la patate, sauf les coopérateurs
En Belgique, les filières agroalimentaires ont connu les mêmes soubresauts, liés parfois à une certaine irrationalité des consommateurs, ou tout simplement à un marché mis sens dessus dessous.
Belpotato, l’organisation interprofessionnelle belge de la pomme de terre s’est rapidement inquiétée de voir déborder les hangars de stockage dans les exploitations de production – l’équivalent de 30 000 camions restant sans livraison, dans un secteur Horeca confiné de facto. Le ministère wallon de l’Agriculture a même demandé à la grande distribution de renforcer pendant et après le confinement la présence des produits locaux dans les linéaires des grandes et moyennes surfaces.
Cependant, la crise semble avoir favorisé le recours aux circuits courts. En mars, les Wallons ont fait un retour assez marqué vers les commerces alimentaires de proximité, les filières bio s’avérant plus prisées que de coutume, de même que les commandes en lignes auprès de coopératives s’étant organisées très tôt. Par exemple, le mouvement citoyen HesbiCoop qui regroupe des consommateurs, producteurs et transformateurs artisanaux, a vu ses 10 points de vente locaux gérer plus de 200 commandes par semaine, là où la moyenne était à 80 avant le confinement. Et Point Ferme, qui rassemble une quarantaine d’agriculteurs dans la région liégeoise, témoigne d’une croissance inédite de ses commandes, de l’ordre de 30% depuis le mois de mars.
Alain Ducat
(à suivre)