Enfouissement géologique déchets nucléaires en Belgique
Consultation publique de l’ONDRAF sur le stockage géologique de déchets hautement radioactifs en Belgique - Avis du Comité National d’Action contre le Nucléaire*
Les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue doivent être stockés, contrôlés et surveillés pendant des centaines voire des milliers d’années. Une décision sur la construction et l’implantation d’un centre de stockage géologique pour ces déchets a donc un impact sur de très nombreuses générations futures. En conséquence, il s’agit d’une décision très lourde, et des alternatives au stockage géologique devraient également être présentées, afin que la discussion sociétale aboutisse sur un choix informé, et non pas sur la simple validation d’un choix pré-décidé et sans alternative.
Or, nous constatons que, dans son projet de plan soumis à consultation publique, l’ONDRAF (Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies) propose d’opter pour le stockage géologique profond sur le territoire belge comme choix de politique nationale, sans présenter de manière objective les alternatives possibles et en omettant de nombreuses informations pourtant nécessaires pour pouvoir se faire une opinion informée sur la faisabilité et la sécurité (ou non) du stockage géologique proposé, sur les coûts à long terme et sur l’impact environnemental – y compris transfrontalier !
Vous trouverez attaché à la présente l’avis intégral du Comité National d’Action contre le Nucléaire, plateforme nationale luxembourgeoise regroupant les organisations non gouvernementales, les syndicats et principales formations politiques du Grand-Duché, qui sera introduit suite à la consultation publique organisée par l’ONDRAF, dont nous aimerions souligner ici certains passages clés :
- Il est mentionné dans les documents de l’ONDRAF que le « stockage géologique constitue une solution pérenne à la problématique environnementale que constituent les déchets conditionnés de haute activité et/ou de longue durée de vie » et que par ailleurs « il n’y a pas d’alternative raisonnable au stockage géologique ».
Le stockage géologique des déchets hautement radioactifs et/ou à vie longue n’existe encore nulle part, tout comme il n’existe pas non plus de retour d’expérience d’un stockage géologique en phase fermée. On ne peut donc affirmer raisonnablement qu’un tel stockage soit une vraie solution à la problématique. Ensuite, l’affirmation d’absence d’alternatives n’est pas correcte. Diverses alternatives techniques sont envisageables, notamment le stockage entièrement conçu sur terre ou proche de la surface ou encore des forages très profonds.
- Les documents de l’ONDRAF mentionnent qu’« Il n’est pas possible, à ce stade de se prononcer sur l’effet sur les eaux de surface ou souterraines, de l’utilisation de l’eau pour l’exploitation d’une centrale à béton sur le site de stockage, ni sur l’effet sur les eaux souterraines de l’infiltration d’eau dans l’installation souterraine et ses accès ».
Nous estimons qu’il s’agit ici d’une solution de facilité afin de ne pas reporter la procédure de consultation sur le projet de plan. Il n’est certes pas facile, mais tout à fait possible d’indiquer et d’estimer quantitativement et qualitativement ces effets (ordre de grandeur) et d’indiquer les différences entre les types de formations géologiques envisagées.
- Les documents de l’ONDRAF mentionnent que « Les activités impliquant des colis de déchets radioactifs, avant la fermeture complète de l’installation de stockage, n’ont aucune incidence environnementale significative parmi les incidences à examiner et leurs incidences sur la santé humaine, en particulier, sont jugées négligeables. »
Il s’agit d’une évaluation extrêmement incorrecte de la situation. La phase de placement des déchets radioactifs en particulier comporte de grands risques d’incidents dans lesquels des substances radioactives pourraient être libérées. Un exemple récent est notamment l’explosion de fûts de déchets radioactifs dans l’installation de stockage géologique de déchets militaires « WIPP » aux États-Unis, où des personnes ont été contaminées.
- Enfin, le dossier mentionne également les formations hôtes envisageables pour le stockage géologique des déchets radioactifs de catégories B et C sur le territoire belge. L’ONDRAF y mentionne notamment aussi des formations très proches de la frontière luxembourgeoise voire se prolongeant vers le Luxembourg (p.ex. argilites en Gaume ; schistes ardoisiers pour le Synclinal de Neufchâteau) sans toutefois y consacrer une analyse plus poussée ni une évaluation environnementale même sommaire.
Or, il nous importe d’insister particulièrement sur le fait que notamment les couches géologiques du Synclinal de Neufchâteau se prolongent en direction du principal réservoir d’eau potable du Grand-Duché – à savoir le lac de la Haute-Sûre avec un réseau de distribution touchant à peu près 80 % de la population luxembourgeoise et dont approximativement 2/3 de la surface du bassin versant se situent du côté belge.
Conclusion :
Si l’ONDRAF prenait au sérieux une véritable participation du public, il présenterait ses conclusions sous forme de questions ouvertes au public, au lieu - semble-t-il - d’un choix déjà préétabli. Ce n’est que de cette manière qu’un vrai dialogue pourrait avoir lieu sur ce plan et sur l’évaluation de l’impact environnemental.
Nous déplorons le fait qu’il n’y ait pas eu de dialogue ou de communications avec les responsables communaux ou les responsables politiques des pays voisins avant le lancement de cette consultation et nous jugeons parfaitement inacceptable le fait de lancer une telle consultation publique en pleine crise sanitaire où la plupart des autres délais, procédures et consultations politiques ou administratives ont été interrompus ou prolongés !
Considérant par ailleurs les failles, erreurs et parties prises du dossier soumis à consultation, nous demandons l’abandon de la consultation publique et le retrait du projet de plan sur le stockage géologique des déchets radioactifs afin de le compléter, de l’objectiver et surtout de lancer en tant qu’étape de base un véritable débat sociétal sur les meilleurs moyens de gérer les déchets radioactifs à court, moyen et long terme.
En attendant la validation éventuelle (ou non) d’une solution sûre pour la gestion des déchets nucléaires, nous plaidons surtout pour la seule mesure raisonnable et éthiquement acceptable, c’est-à-dire pour la réduction rapide et maximale de la production de déchets visés et donc pour l’arrêt, le plus rapidement possible, des réacteurs nucléaires belges.
*Mouvement Ecologique, Greenpeace, OGBL, FNCTTFEL-Landesverband, LSAP, déi gréng, Forum, ADR, déi jonk gréng, DP, FGFC, JSL – Jeunesses Socialistes Luxembourgeoises, Luxemburger Kommission Justitia et Pax, KPL, LCGB, Lëtzebuerger Guiden a Scouten, Fairtrade Lëtzebuerg asbl, déi Lénk, attac Luxembourg, Klima-Bündnis Lëtzebuerg, Eurosolar, Syprolux, FNCTTFEL-Jugend, natur&ëmwelt, Adrenalin-déi jonk ADR, Friddensinitiativ asbl, Association Luxembourgeoise de Médecine de l’Environnement (A.L.M.E.N.), CSV, Ligue CTF, Piratepartei.