Entre bons motifs et gros montants
La Fondation Idea rouvre le débat sur la politique du logement. D’abord dans un recueil truffé d’analyses, constats et suggestions. Puis dans une « matinale » avec le ministre Henri Kox.
Le logement, de préférence abordable : c’est LE sujet, redondant mais toujours interpellant, qui occupe souvent les esprits au Luxembourg, ceux des habitants présents ou futurs, des investisseurs ou de ceux qui aimeraient en être avoir leur « chez soi », des associations et organismes de terrain en quête de solutions pour équilibrer offre et demande, des analystes officiels, intéressés ou de comptoir, des administrations et élus politiques aussi.
Et les besoins et méthodes font souvent débat. La Fondation IDEA, dont c’est un des sujets de chevet, rouvre le dossier « logement » - au demeurant jamais vraiment fermé.
Mesurer les enjeux pour mieux en débattre
La prochaine « Matinale d’IDEA » aura lieu le 06 juillet (à la Chambre de Commerce) et recevra Henri Kox, ministre du Logement. Animé par Michel-Edouard Ruben, Senior Économiste chez IDEA, le débat abordera un ensemble de questions brûlantes – démocratie de propriétaires, évolution des taux d’intérêt, envolée des prix de l’immobilier, croissance du nombre de ménages, pacte logement 2.0, interventions des pouvoirs publics en faveur des investisseurs immobiliers, etc. – « dont la compréhension est nécessaire pour appréhender la crise du logement sans cesse évoquée au Luxembourg », précise la Fondation.
Et, en préface, la Fondation IDEA propose un nouveau recueil (ici en PDF) qui, en quelque 80 pages, se penche sans concession sur la situation dans le pays et sur la politique du logement, constats, analyses, statistiques et projections à l’appui, avec des idées et des suggestions aussi.
Parfois iconoclaste, l’équipe IDEA et ses contributeurs extérieurs (les auteurs sont Pierre Ahlborn, Nathan Vitiello, Sarah Mellouet, Jean-Jacques Rommes, Michel-Edouard Ruben, Victor Weitzel et Michel Wurth, sous la direction éditoriale de Muriel Bouchet, Directeur de la Fondation IDEA asbl) passent le problème à la moulinette.
Points de tension
« Il existe un certain consensus autour de l’idée qu’il manquerait environ 30.000 logements au Grand-Duché et que, faute de pouvoir se loger au Luxembourg, de nombreux résidents ont quitté le pays pour la Grande Région. Mais puisqu’un ménage est composé en moyenne d’un peu plus de deux personnes, s’il manquait véritablement 30.000 logements il devrait se trouver environ 60.000 individus qui vivent dans leur voiture, sous un pont ou dans un taudis ; ce qui, fort heureusement, n’est pas le cas », écrit la Fondation.
Qui poursuit : « S’agissant du prétendu exode vers la Grande Région, s’il est vrai que 2.308 résidents de nationalité luxembourgeoise sont allés s’établir dans les régions frontalières des trois pays voisins du Luxembourg entre décembre 2019 et décembre 2020 et que 10.000 frontaliers de nationalité luxembourgeoise résident en Allemagne, en Belgique ou en France, près de 21.000 étrangers sont venus s’installer au Luxembourg pour la seule année 2020. La réalité est donc davantage celle d’un Luxembourg attractif que celle d’un Grand-Duché impayable qui se viderait ».
Pour Michel-Edouard Ruben, l’objectif initial de la politique du logement d’antan était clair : il devait y avoir plus de propriétaires. Et il a été atteint, de même que le point de rupture et d’énormes tensions sur le marché. « La promesse, que le plus de personnes possible puissent être propriétaires, est difficile à tenir, parce que les prix sont élevés et que le taux d’intérêt augmente ».
La question porte désormais, notamment, sur la création de logements dits abordables, un terme qui a glissé dans le champ sémantique pour supplanter celui de « logement social », moins sexy mais également moins adapté à l’extension d’une classe moyenne qui, elle aussi, éprouve des difficultés à trouver toit à sa tête.
« Le plus dur est peut-être à venir »
« Entre bons motifs et gros montants », le titre du recueil, résume bien l’accroche et l’approche de cette analyse de la politique du logement. Et la Fondation émet « quelques principes et propositions pour un renouveau » de cette politique, « qui a longtemps promis (et permis) au Luxembourg d’être une démocratie de propriétaires » et qui « doit se réinventer ».
On y croise des mesures fiscales, une autre approche du système de subventions, des enjeux sociétaux, des freins sociologiques, des idées et projections socioéconomiques…
Pour la Fondation, « le (nécessaire) renouveau de la politique du logement du Luxembourg suppose de dépasser certaines contradictions, d’admettre que les performances du passé sont loin d’être aussi catastrophiques que souvent évoquées et de reconnaître, après une décennie de crédit bon marché qui semble toucher à sa fin, que le plus dur (pour certains ménages et en termes de défis à résoudre par la politique du logement) est peut-être à venir ».
Du grain à moudre dans le débat, éminemment politique. Entrons, c’est rouvert !
Alain Ducat
Photos : Fondation IDEA / Infogreen