Faire face aux instabilités
Après la récession enregistrée en 2023, le Luxembourg a connu un léger regain d’activité en 2024 et devrait afficher une croissance modeste, comprise entre 1,2% et 1,5% selon les prévisions.
En 2025, la croissance devrait se situer entre 2,3% et 2,7%, en-deçà de la moyenne historique de 3%. Avec son économie très ouverte, le Grand-Duché est particulièrement exposé au contexte international. Celui-ci est marqué par de très nombreuses instabilités : géopolitiques, politiques, démographiques, environnementales et économiques. En 2025, les incertitudes perdureront et de nouveaux risques impacteront le Luxembourg avec son économie fortement dépendante des évolutions internationales. Le pays devra s’adapter en modernisant son cadre légal et fiscal, ainsi qu’en investissant dans ses capacités d’innovation et de diversification.
En 2024, l’actualité a une nouvelle fois été marquée par une montée des conflits, des tensions territoriales et des rivalités stratégiques. De l’interminable conflit russo-ukrainien à la régionalisation de la guerre entre Israël et le Hamas, en passant par des tensions en mer de Chine et au Sahel, ces dynamiques renforcent la fragmentation mondiale, impactant les échanges économiques et l’ordre global. En Europe, ce sont les situations d’instabilité politique qui inquiètent, en particulier dans les deux principales économies continentales : l’Allemagne et la France. Alors que les populismes ont le vent en poupe, ces éléments menacent la cohésion et l’efficacité de l’Union européenne. « Cela arrive à un moment où, affectée par une perte de compétitivité importante, l’Europe a plus que jamais besoin d’une relance politique et économique » analyse Carlo Thelen, le Directeur Général de la Chambre de Commerce qui évoque notamment « un moment de vérité pour l’Europe. »
D’innombrables instabilités…
Les changements démographiques constituent un autre motif d’instabilité majeur. Sous l’effet d’un allongement de l’espérance de vie et d’une baisse de la natalité dans plusieurs régions du monde, notamment l’Europe et la Chine, les dynamiques démographiques mondiales vont être profondément bouleversées dans un avenir proche. Une perspective susceptible de remettre en question la pérennité des systèmes de protection sociale et les modèles économiques en Europe.
Ces incertitudes ont des conséquences sur l’économie mondiale et en particulier sur les échanges commerciaux, affectés par le retour du protectionnisme. Alors que la flambée inflationniste semble enfin maîtrisée, l’instauration de nouveaux tarifs douaniers pourrait faire repartir les prix à la hausse. D’autres menaces importantes planent également sur l’économie mondiale : le poids des dettes souveraines, les risques boursiers, la surcapacité de l’appareil productif chinois…
Pour 2025, le FMI anticipe des niveaux de croissance inférieurs à ceux de 2024 aux Etats-Unis (2,2% contre 2,8% en 2024) et en Chine (4,5% contre 4,8%). Dans la Zone euro, la croissance est attendue à 1,3% en 2025 (selon le FMI et la Commission européenne), légèrement supérieure au niveau attendu pour 2024 (0,8%), mais toujours relativement faible. Au Luxembourg, la croissance devrait se situer entre 2,3% (selon la Commission européenne) et 2,7% (selon le STATEC et le FMI), encore en-dessous de la moyenne historique de 3% (1995- 2023). L’inflation devrait connaître un léger rebond à 2,6% et le chômage se stabiliser à 6%.
… qui obligent le Luxembourg à rendre plus résilient et efficient son « business model »
Face à ces nombreuses instabilités, dont certaines semblent s’inscrire dans la durée, le Luxembourg doit impérativement mieux se protéger des aléas du monde en optimisant son agilité pour créer de la valeur et de la richesse. Cela passera, en premier lieu, par une restauration de sa compétitivité. Au-delà des réformes structurelles que la Chambre de Commerce appelle de ses vœux depuis des années (en matière de compétitivité-coûts notamment), il est urgent de stimuler la productivité par l’innovation. En ce sens, les résultats de la 2e édition de 2024 du Baromètre de l’Economie sont éclairants : 55% des entreprises luxembourgeoises ayant innové au cours des trois dernières années ont constaté un gain de productivité. L’intelligence artificielle constitue indiscutablement le levier qui peut permettre au Luxembourg de voir sa productivité enfin repartir à la hausse. Cette modernisation de l’économie nationale et sa diversification continue (notamment vers une « data driven economy ») devront être accompagnées d’un grand mouvement de simplification administrative. A ce titre, la Chambre de Commerce a engagé une vaste enquête sur le terrain, au sein des entreprises, pour identifier des axes d’amélioration concrets, qui seront communiqués au Gouvernement en 2025.
Le pays doit également se donner les moyens de soutenir sa future croissance, en résorbant les goulets d’étranglement qui existent sur les marchés du logement et du travail. Alors que la crise du logement freine l’attraction des talents internationaux, la stagnation, voire la diminution enregistrée au cours des derniers trimestres du nombre de travailleurs frontaliers en provenance de Belgique et d’Allemagne constitue un nouveau signal inquiétant.
« Dans ce monde plein d’instabilités, notre pays doit se donner les moyens pour transformer rapidement ces défis en opportunités », souligne Carlo Thelen. Le modèle social doit être soutenable à long terme. Cela nécessite une réforme du système de pensions et de l’assurance maladie-maternité. Des finances publiques saines (qui se traduisent à travers le triple A) sont un indicateur de stabilité et de confiance indispensable pour attirer les investisseurs internationaux et pour développer davantage notre place financière, dans un contexte concurrentiel aigu. Enfin, en pleine phase de transition énergétique, les entreprises ont besoin de prévisibilité quant à la disponibilité et l’accès à une énergie à des coûts compétitifs.
Face aux instabilités géopolitiques, le Luxembourg doit tenir ses engagements vis-à-vis de l’OTAN, en portant son effort de défense à 2% du RNB d’ici 2030. Mais il doit en parallèle développer une stratégie économique et industrielle de défense afin que ces moyens, plus de 1,4 milliard d’euros par an en 2030, ruissellent dans l’économie nationale.
La Chambre de Commerce appelle donc le Gouvernement à engager des politiques nécessaires et ambitieuses pour renforcer la protection du pays contre les incertitudes et les turbulences mondiales.
Pour plus d’informations : https://www.cc.lu/
Photo : de g.à d. : Christel Chatelain, directrice des Affaires Economiques, Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce. (Crédit Charly Petit / Chambre de Commerce)