Influence des murs végétaux sur la qualité de l’air et le climat intérieurs
Les murs végétaux ont fait leur entrée dans les bâtiments durables. Au-delà des aspects esthétiques évidents, se pose la question de leur plus-value en termes de santé des occupants.
Introduction
Les plantes ont une influence positive sur le climat intérieur, en particulier sur la qualité de l’air. S’il est indubitable qu’elles contribuent, via l’évapotranspiration, à une augmentation de l’humidité relative de l’air favorable au bon fonctionnement de nos muqueuses nasales et oculaires, et qu’elles convertissent, via la photosynthèse, le CO2 en oxygène indispensable à la respiration (du moins en journée), leur capacité à détoxifier l’air - en l’occurrence à capter et décomposer certains polluants comme les composés organiques volatils (COV) ou le formaldéhyde - est plus contestée.
Par ailleurs, l’humidité du substrat conséquent à l’arrosage des plantes risque potentiellement de favoriser le développement de moisissures susceptibles de contaminer l’air intérieur et d’être ainsi défavorable à sa qualité.
Neobuild, ensemble avec l’université de Liège (pour les analyses chimiques) et le ministère de l’Énergie luxembourgeois (pour les analyses de moisissures), a réalisé une étude sur les effets des murs végétaux sur la qualité de l’air intérieur en milieu réel, en l’occurrence dans un bâtiment fonctionnel nouvellement rénové. À cette fin, 4 murs végétaux ont été installés dans 2 locaux différents et comparés à 2 locaux témoins construits avec les mêmes matériaux.
Les différents paramètres - substances chimiques, humidité relative de l’air ou encore spores de moisissures - ont été mesurés ou analysés tout au long de l’année 2022 et en partie au premier semestre 2023, soit par des échantillonnages répétitifs soit par un monitoring continu moyennant des microcapteurs.
Résultats Humidité relative de l’air et CO₂
Les plantes à travers leurs feuilles, donc via leur surface foliaire, mais aussi via le substrat mouillé contribuent à augmenter l’humidité relative de l’air, et ainsi à ménager les muqueuses du nez, des yeux ou encore la peau.
Idéalement, l’humidité de l’air doit se situer entre 50 et 65 %. Une humidité inférieure à 30 % est considérée comme défavorable à la santé ou au bien-être puisqu’elle assèche les muqueuses qui, dès lors, ne peuvent plus assurer leur rôle de barrière aux particules virales, bactériennes ou encore aux poussières de l’air ambiant.
D’autre part, les plantes vertes, via la photosynthèse sous l’effet de la lumière (naturelle), sont capables de transformer le CO2 en oxygène pendant la journée. Pendant la nuit en revanche, elles inspirent, comme l’Homme, de l’oxygène pour exhaler du CO2. Comme pour l’humidité, le taux de CO2 transformé en oxygène pendant la journée par les plantes dépend de la surface foliaire.
Pour l’humidité relative de l’air et les taux de CO₂, les résultats étaient non exploitables du fait que l’utilisation des locaux différait, notamment en ce qui concerne la présence humaine et donc la principale source de CO₂ (par exhalation humaine) et d’humidité (par transpiration humaine).
Polluants chimiques
Les premières études portant sur le potentiel de détoxification chimique des plantes datent de 1989. Elles ont été réalisées par la NASA (Wolverton) qui confirmait une réelle détoxification de l’air ambiant par les plantes en chambre d’essais avec une infection unique de polluants (différents COV, benzène, trichloréthylène, formaldéhyde).
Particules fines PM 2,5 (monitoring)
Dans l’air ambiant, les particules fines et notamment les PM 2,5 (particules d’un diamètre inférieur à 2,5 µm (millième de millimètres) sont susceptibles de pénétrer dans les alvéoles pulmonaires et de provoquer des réactions inflammatoires. Des concentrations supérieures à 25 µg/m³ sont considérées comme présentant des risques pour la santé humaine.
Alors que pour le 3e étage, aucune différence n’a été constatée entre le local à murs végétaux et le local témoin, au 2e étage le couloir avec mur végétal présente une concentration en PM 2,5 légèrement supérieure au local témoin relatif (de l’ordre de 31 %). Néanmoins les concentrations pour les deux locaux restaient faibles et nettement inférieures aux valeurs seuils tolérables en termes de santé. En ce qui concerne l’origine probable des PM 2,5 constatées, celles-ci pourraient plus vraisemblablement correspondre à des spores de moisissures (les spores de moisissures ont des diamètres de 2 à 10 µm) provenant des murs végétaux (voir plus loin).
COV (microcapteurs)
Les COV constituent une famille hétérogène de polluants émanant de matériaux de construction et de meubles (notamment des colles et peintures qui entrent dans leur fabrication), de produits de nettoyage ou d’entretien ou encore de certaines activités humaines comme le bricolage.
Leurs effets sur la santé sont multiples et hétérogènes. Certains COV provoquent des troubles neurologiques (maux de tête, vertiges, nausées). D’autres sont irritants ou allergisants. Certains enfin sont classés cancérigènes sûrs ou probables. Le seuil limite des COV totaux tolérables dans l’air non contaminé est estimé à 300 µg/m³, des concentrations supérieures à 1 000 µg/m³ représentent une qualité de l’air intérieur pollué et non hygiénique.
Les concentrations totales en COV étaient nettement réduites (de l’ordre de 30 à 50 %) dans les locaux hébergeant des murs végétaux par rapport aux locaux témoins. Ici encore, il faut préciser la différence d’utilisation des locaux témoins et des locaux avec murs végétaux. Néanmoins, les matériaux de construction, voire les produits et fréquences de nettoyage, étaient identiques ou du moins similaires.
Formaldéhyde (prélèvements actifs et analyses de laboratoire)
Formaldéhyde (prélèvements actifs et analyses de laboratoire)
Le formaldéhyde est un polluant cancérigène bien étudié et typiquement présent à l’intérieur des bâtiments. Ils proviennent de différentes sources, notamment des colles utilisées soit pour les papiers peints ou les revêtements de sol, soit dans les bois agglomérés, les parquets finis ou autres plaques de bois. Il provoque des irritations des muqueuses (yeux, nez) et des troubles du système respiratoire, en l’occurrence des toux et des bronchites.
Étant donné que la température ambiante influence l’émanation du formaldéhyde, les concentrations mesurées ont été ramenées à 23 °C afin de pouvoir comparer les concentrations en formaldéhyde d’un local à l’autre. Le seuil correspondant à une pollution de l’air intérieur équivaut à 30 µg/m³.
Les concentrations en formaldéhyde étaient moins élevées dans les locaux abritant des murs végétaux que dans les locaux témoins, de l’ordre de 30 à 40 %. Il faut remarquer que les concentrations en formaldéhyde étaient relativement faibles dans l’ensemble des locaux et de loin inférieures aux limites en vigueur. Néanmoins, les murs végétaux semblent effectivement être capables de réduire dans certaines limites la concentration en formaldéhyde d’après ces résultats.
Autres aldéhydes (prélèvements actifs et analyses de laboratoire)
Tout comme le formaldéhyde, les autres aldéhydes sont également irritants pour les muqueuses et les voies respiratoires. On les retrouve notamment dans certaines colles et peintures écologiques, dans certains produits d’entretien ou de nettoyage, des meubles ou encore comme polluants secondaires générés lors de l’oxydation à l’air du linoléum ou de résines de bois de conifères. Le seuil de bonne qualité de l’air intérieur pour l’ensemble des aldéhydes est de 180 ↨g/m³.
Les concentrations des locaux avec murs végétaux étaient également plus basses que celles de locaux témoins, même si la différence était moins prononcée que pour le formaldéhyde (20 à 35 % de réduction). La détoxification de l’air ne semble par conséquent ne pas se limiter au seul formaldéhyde, mais inclure également d’autres aldéhydes.
Moisissures
Du fait que les plantes nécessitent un arrosage régulier, le substrat dans lequel les plantes sont posées risque de favoriser le développement de moisissures dans la mesure où il est d’origine organique et humide en continu. Les moisissures émettent des spores contaminant l’air ambiant et favorisant le développement d’allergies et des irritations des muqueuses et des voies respiratoires, le cas échéant l’asthme.
L’organisation mondiale de la santé OMS recommande une limite de 500 cfu/m³ (colonies forming units) comme seuil pour une bonne qualité d’air.
Les résultats des analyses de l’air mettent en évidence une contamination non négligeable de l’air en provenance des murs végétaux probablement en rapport avec le substrat, la sphaigne pour les deux locaux à murs végétaux. Cette contamination élevée au 2e étage pourrait par ailleurs expliquer l’augmentation du taux de PM 2,5 observé dans ce local.
Discussion
Si les analyses ont permis de conclure à un certain potentiel de détoxification chimique, il faut remarquer que les concentrations en polluants chimiques étaient à l’origine très faibles suite au choix des matériaux mis en œuvre lors de la rénovation. Il reste donc à vérifier le potentiel de détoxification en cas de pollutions plus importantes. Ceci n’est cependant guère réalisable en milieu réel pour des raisons éthiques (on ne pourra pas délibérément exposer les personnes à des polluants).
De même, les effets des murs végétaux sur l’humidité relative et sur les taux de CO₂ dans l’air intérieur ne sont pas vérifiables en situation réelle, puisque l’impact en fonction de la variabilité des personnes présentes ne peut être évité.
À ces fins, un monitoring dans un local de référence expérimental où les conditions et les concentrations de départ sont parfaitement gérables.
Conclusion
Suivant les différents résultats du projet, les murs végétaux semblent effectivement pouvoir contribuer à améliorer la qualité de l’air intérieur en détoxifiant différents polluants chimiques tels que certains COV et des aldéhydes, y compris le formaldéhyde.
Par contre, l’arrosage répétitif et régulier des plantes risque de favoriser un développement de moisissures pouvant contribuer à une contamination de l’air intérieur par des spores de moisissures irritantes et allergisantes.
Des analyses de l’air dans le cas de murs végétaux réalisés dans un autre bâtiment ont montré que les émissions de spores de moisissures en provenance des murs végétaux peuvent être minimisées moyennant des substrats et un arrosage adéquats.
Il faut donc impérativement élaborer un plan d’arrosage économe, minutieux et éviter une stagnation d’eau sur le substrat organique ou alors remplacer le substrat par un substrat inorganique, insensible aux moisissures.
D’autre part, et compte tenu d’un risque de croissance de moisissures difficilement évitable, il faut plutôt placer les murs végétaux dans les endroits de passage et non pas dans les bureaux ou locaux à séjour prolongé. Pour optimiser la réussite de telles installations, il est recommandé de travailler avec des professionnels conscients des limites et qui maîtrisent les choix techniques à faire suivant la configuration du projet.
Quoi qu’il en soit, détoxifier l’air intérieur par les plantes a certainement ses limites et ne saurait remplacer la consigne d’éviter dès le début la mise en œuvre de matériaux pollués, par exemple en suivant la méthodologie H²E.
Il n’en reste pas moins qu’à condition d’éviter toute contamination par des moisissures, le choix de murs végétaux pour des raisons esthétiques et psychologiques devrait être suffisant et constituer une fin en soi.
Ralph Baden, ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire
Francis Schwall, Neobuild
Extrait du NEOMAG#57
Plus d’informations : http://neobuild.lu/ressources/neomag
© NEOMAG - Toute reproduction interdite sans autorisation préalable de l’éditeur