Inondations : à qui la faute ?
Les inondations, comme celles qui frappent actuellement l’Europe de l’est, sont appelées à devenir de plus en plus fréquentes avec le changement climatique, réaffirme l’Agence européenne de l’environnement, même si d’autres facteurs doivent être aussi pris en compte comme l’urbanisation ou les pratiques agricoles.
« Il est probable que la hausse des températures en Europe intensifiera le cycle hydrologique, conduisant à des inondations plus importantes et plus fréquentes dans de nombreuses régions » du continent, écrit mercredi l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE).
Cette position s’inscrit dans la droite ligne des travaux du Giec (groupes d’experts sur l’évolution du climat) qui dans son dernier rapport de mars 2012 indiquait : « des signes montrent que le changement climatique a provoqué des modifications dans certains épisodes extrêmes depuis 50 ans et les modèles numériques prévoient une intensification lors des prochaines décennies ».
Pour le directeur exécutif de l’AEE, Hans Bruyninckx, « le changement climatique sera un facteur de plus en plus important ». Mais « dans bien des cas », rappelle-t-il, « le risque d’inondation est aussi le résultat de où et comment nous décidons de vivre ».
L’augmentation des dommages causés par des phénomènes météorologiques extrêmes est ainsi surtout due aux pratiques agricoles (déforestation, irrigation etc), à l’augmentation de la population et aux activités dans des zones exposées au risque d’inondation, rappelle l’AEE.
Interrogé par l’AFP sur un lien entre inondations et réchauffement climatique, Hervé Douville, chercheur à Météo-France, souligne qu’il faut bien distinguer inondations et fortes précipitations. « Les évolutions des inondations dépendent d’un tas de choses comme l’agriculture, la déforestation ou l’urbanisation, de sorte que pour un même taux de précipitations, on peut avoir plus d’inondations », relève-t-il.
Concernant les précipitations, le climatologue indique qu’il y a « très peu d’éléments sur l’impact du changement climatique sur la durée des événements », qui est aussi un facteur d’inondation. Par contre, les preuves s’accumulent sur une hausse de l’intensité des précipitations (quotidiennes) due au changement climatique.
Sécheresse en Russie
« L’effet de l’homme sur le climat est notamment d’accroître les risques d’inondations dans pas mal de régions du globe et ceci indépendamment des changements moyens de précipitations, ce qui est assez inquiétant », avance Hervé Douville.
Décryptage : quand bien même la moyenne mensuelle des précipitations reste la même d’une année sur l’autre, l’eau peut tomber sur une période plus courte, et provoquer donc davantage de dégâts.
Un phénomène qui peut avoir des conséquences paradoxales, en Europe notamment. En moyenne annuelle, « les précipitations ont tendance à augmenter sur le nord de l’Europe et à diminuer sur le sud, mais bien qu’elles diminuent dans le sud, cette région n’est pas à l’abri d’une hausse de la fréquence des événements intenses », explique Hervé Douville.
Malgré ce contexte général, les chercheurs sont peu enclins à faire un lien direct entre le réchauffement climatique et les inondations actuelles en Allemagne, Autriche, Hongrie ou République tchèque.
« Si on voulait faire une étude d’attribution, c’est-à-dire en quoi une partie de l’intensité de cet événement relève d’un effet de l’homme sur le climat, il faudrait mettre en oeuvre des outils très pointus (...) avec des données contemporaines et des données pré-industrielles et voir si les intensités générées changent entre ces deux simulations », détaille Hervé Douville. « On ne peut pas faire ça de manière instantanée ».
Pour autant, des scientifiques du Postdam Institute for climate impact research (PIK) franchissent ce pas. Reprenant une de leurs études publiées en février, ils attribuent une multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes à une perturbation des courants atmosphériques, eux même victimes de la hausse des températures.
« Nous pensons aussi que ce phénomène est lié à la sécheresse actuellement observée en Russie », a confié à l’AFP Stefan Rahmstorf, chercheur au PIK. Mais, dit-il aussi au sujet de la situation en Europe de l’Est, « il y a d’autres facteurs qui contribuent aux inondations, comme le taux d’humidité dans le sol, plus élevé à la suite des fortes chutes de neige cet hiver ».
Texte AFP / Photo : inondations à Budapest par charlemagne sur Pixabay