L’air vous transporte
« Visionnaire », c’est ainsi que l’équipe de Motor Devlopment International, société implantée de longue date à Luxembourg, et la famille de Guy Nègre, qualifient cet homme, motoriste de métier, qui a décidé de se lancer au début des années 90 dans un projet fou : créer un véhicule non polluant. Plus précisément, un véhicule mû par un moteur à air comprimé…
« Dans un moteur, on augmente la pression pour pousser des pistons. Comment le faire sans combustion, donc sans polluer ? C’était l’objet des travaux de recherche que mon père a entamés en 1991 », explique Cyril Nègre qui vient de reprendre le flambeau avec sa mère, Annic, à la suite du récent décès de Guy Nègre, et porte désormais le projet.
De l’idée du moteur à air comprimé qui a germé en 1995, à la mise sur le marché du premier véhicule prévue pour l’année prochaine, en passant par le développement des moteurs et des véhicules, par leur homologation et par l’élaboration d’un business pensé pour être durable sur toute la ligne, le chemin parcouru a été long et souvent difficile, témoigne Annic.
Mais le jeu en vaut la chandelle car le projet est révolutionnaire.
Le fonctionnement de ce type de véhicules est simple : ils sont dotés d’une réserve d’air comprimé utilisé pour entraîner un moteur et faire tourner les roues. Autrement dit, l’air comprimé remplace le carburant.
Premier avantage : des rendements élevés, 68 % entre la réserve et la sortie du moteur et entre 36 et 50 % si on compte la valeur de la compression, contre 30 % pour un moteur traditionnel.
Deuxième avantage : aucune émission polluante NOx et aucun hydrocarbure imbrûlé, qui sont dangereux pour la santé. Et, petit plus par rapport aux véhicules électriques dont la fabrication des batteries ternit le bilan carbone, le réservoir d’air est conçu pour durer 20.000 cycles de charge et décharge, ce qui correspond à la vie de la voiture. Autre plus : l’air peut être comprimé en utilisant des ressources renouvelables (vent, soleil, flux marin ou fluvial, etc.).
L’autonomie de l’AirPod est de 120 km en ville, autonomie qui peut être triplée au moyen d’un apport minime en carburant (0,5 litre / 100 km) utilisé pour réchauffer l’air entre la réserve et le moteur de manière à le détendre. Cette combustion se fait à 600 degrés donc en dessous de la température de production des NOx et elle est continue donc ne produit pas d’hydrocarbures imbrûlés.
Le concept de production a été développé avec une vision tout aussi durable que la technologie air comprimé. « Notre philosophie est que nos produits doivent être non seulement écologiques mais aussi accessibles à tous, sans quoi leur impact sera minime même s’ils ont un bon rendement. On ne peut donc pas considérer ces véhicules séparément de leur concept de production, parce qu’ils doivent être économiques à l’achat et à l’utilisation », indique Cyril Nègre.
La solution trouvée par MDI est de produire localement, c’est-à-dire que, plutôt que de fabriquer des centaines de milliers de voitures dans une grosse usine, MDI va déployer plusieurs petites unités desquelles sortiront chaque année 5.000 ou 6.000 véhicules. Ces unités seront à la fois des lieux de production et des concessionnaires. « En vendant directement sur le lieu de production, on élimine les intermédiaires, ainsi que les émissions de CO2 liées à la logistique et au transport d’ailleurs, et on réduit de facto le coût des véhicules », explique le nouveau directeur de MDI. Le prix d’achat initial sera compris entre 7.000 et 9.000 euros pour l’AirPod, qui est un véhicule urbain compact biplace, et entre 4.500 et 5.000 euros pour l’AirOne entrée de gamme, qui est un véhicule modulable lowcost 3 ou 5 places. Mais le concept industriel est tel que plus le volume produit sera important, plus les prix baisseront. En savoir plus sur les différents modèles : http://www.mdi.lu/#!produits/e6q7o
« Dans des petites unités de fabrication, nous pouvons en outre utiliser le matériau composite qui n’est rentable que jusqu’à 10.000 ou 15.000 unités par an et dont la légèreté permet d’augmenter le rendement », poursuit-il. Pour aller encore plus loin, il est prévu de remplacer, pour certains modèles, la fibre de verre et les mousses polyuréthane par des fibres de lin issues des rebuts de l’industrie textile. La boucle est bouclée : dans ce process, les matériaux sont naturels, entièrement recyclables et ils proviennent d’une filière de revalorisation des déchets.
Le projet se trouve aujourd’hui à un point charnière où l’on passe de la fin du développement à la mise en application. Au cours du deuxième semestre de 2016, le véhicule Airpod 2.0 sera homologué et d’ici le début de l’année prochaine, la première fournée de véhicules sortira d’une usine en Sardaigne. La plupart sont déjà réservés.
A noter : grâce aux recherches qui ont été réalisées sur le rendement obtenu par la détente de l’air, cette technologie est également compétitive dans le domaine du stockage d’énergie, où elle permet de contourner les problèmes écologiques et géopolitiques liés aux batteries au lithium, ouvrant à MDI de nouveaux horizons.
Crédit photo : Motor Devlopment International
Mélanie Trélat