L'écoblanchiment passé au scanner européen

L’écoblanchiment passé au scanner européen

La Commission européenne et les autorités nationales de protection des consommateurs ont passé au crible une série de sites web commerciaux suspectés de pratiquer le « greenwashing ». Trop souvent, les allégations environnementales ne sont pas étayées par des faits concrets…

Une opération « coup de balai ». Chaque année, la Commission européenne coordonne une action menée dans les États membres par les autorités nationales en charge de la protection des consommateurs. L’idée est d’effectuer simultanément un ensemble de contrôles sur des sites web, aux fins de détecter des manœuvres pouvant tromper le consommateur et d’éventuelles infractions au droit de l’UE en la matière. Chaque opération cible un secteur ou une problématique. Cette fois, il s’agissait de balayer devant la porte des entreprises qui prétendent vendre des produits respectueux de l’environnement.

Car non, on ne peut pas dire ou faire n’importe quoi, sous prétexte de marketing à tendance écologique. Il y a une législation en matière de protection des consommateurs, en Europe et au-delà, sous l’égide du réseau international de contrôle et de protection des consommateurs (RICPC).

Vagues, fallacieuses, exagérées

En marge de l’annonce récente des résultats de l’opération coup de balai 2020, le commissaire européen Didier Reynders, chargé de la justice, notait : « Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir adopter un mode de vie écologique et je félicite les entreprises qui s’efforcent de produire des marchandises ou de fournir des services respectueux de l’environnement. Cependant, il y a également des opérateurs commerciaux peu scrupuleux qui cherchent à duper les consommateurs avec des allégations vagues, fallacieuses ou exagérées.

La Commission est fermement résolue à donner aux consommateurs les moyens d’agir dans le cadre de la transition écologique et à lutter contre l’écoblanchiment. C’est précisément l’une des principales priorités du nouvel agenda du consommateur adopté à l’automne dernier ».

Pour la première fois, les autorités ont donc scanné les sites en ciblant cet « écoblanchiment » ou « greenwashing », en épluchant les pages de divers secteurs économiques, comme l’habillement, les cosmétiques ou l’équipement ménager. Dans 42% des cas, elles en sont arrivées à juger les allégations commerciales comme étant fausses, exagérées ou pouvant être considérées comme des pratiques commerciales déloyales en vertu des règles européennes.

Après une première sélection, 344 allégations douteuses ont fait l’objet d’une analyse plus poussée. Dans plus de la moitié des cas, l’opérateur commercial n’a pas fourni suffisamment d’informations pour permettre aux consommateurs de juger si la promesse environnementale pouvait être tenue. 37% des mentions étaient vagues et générales, – « à base de produits naturels », « bon pour l’environnement », « plus écologique », « conscients », « durables » et autres mentions attirant le chaland – laissant une impression, non étayée, au consommateur. Dans 59% des cas, l’opérateur ne fournissait pas de preuves facilement accessibles – un lien sur des tests réalisés en laboratoire par exemple - à l’appui de ses mentions peintes en vert.

Un premier pas

Qu’advient-il en cas de suspicion d’infraction ? Dans un premier temps, pas grand-chose en vérité : les entreprises sont contactées, chaque autorité nationale compétente leur signale les problèmes détectés et doivent veiller à ce qu’ils soient corrigés si nécessaire.

Même s’il est forcément limité par les compétences territoriales – notamment les lieux d’hébergement des sites, la localisation des entreprises, les différences d’interprétation -, ce « coup de balai » est un premier pas et ses conclusions alimenteront l’analyse d’impact qui accompagnera l’élaboration de la nouvelle proposition législative visant à donner aux consommateurs les moyens d’agir dans le cadre de la transition écologique, selon la volonté européenne.

Cette approche de l’« écoblanchiment » fait partie des initiatives prises par la Commission pour donner aux consommateurs les moyens de faire des choix plus durables. On y retrouve l’engagement en faveur de la consommation verte, lancé le 25 janvier 2021 par le commissaire Reynders, ainsi que ce travail sur un texte législatif donnant aux citoyens le droit à une meilleur information sur la durabilité des produits et les moyens d’agir contre certaines pratiques, comme l’obsolescence prématurée, voire programmée.

Ambition européenne

Il est également prévu de pousser les entreprises commerciales à justifier leurs ambitions environnementales, par exemple en recourant aux méthodes de calcul de l’empreinte environnementale.

Suivant le fil annoncé de sa stratégie « De la ferme à la table », la Commission proposera un étiquetage obligatoire et harmonisé - le Nutriscore -, sur l’emballage afin de permettre aux consommateurs de faire des choix alimentaires éclairés. L’idée est d’aller un peu dans le sens de l’étiquetage d’efficacité énergétique sur les appareils électroménagers : une information claire et harmonisée pour guider le consommateur dans ses choix.

L’ambition européenne est, dans tous les cas, de favoriser l’émergence d’une économie plus durable et de consommateurs mieux éclairés.

Aux autorités de l’Union de montrer désormais, en restant fermes vis-à-vis des tricheurs par exemple, qu’il ne s’agit pas seulement de déclarations, qui donneraient alors l’impression... de laver plus vert.

Alain Ducat

Illustration : iStockphoto

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Publié le lundi 22 février 2021
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