L'équilibre existe-t-il ?

L’équilibre existe-t-il ?

Lagom : ni trop, ni trop peu. Cet art de vivre à la suédoise prône la modération (dans la décoration, l’alimentation, la vie privée, la relation avec la nature, le travail, etc.). La recherche du consensus, de l’équilibre… serait-ce la clé de toute chose, y compris pour le bien-être au travail ?

« La philosophie de vie suédoise est empreinte de sérénité et d’ordre. Chaque chose semble être à sa place. […] C’est une bouffée d’air frais dans un monde moderne chaotique » : Anne Thoumieux, auteure du Livre du Lagom, citée par Le Temps. Ces mots font écho dans le chaos actuel mais ont été imprimés en 2017. Les Suédois, les populations scandinaves en général, tiennent une bonne réputation en matière de bonheur au travail et de bonnes heures au travail... et donc d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle : une entreprise tourne mieux si ses employés sont heureux, et ils savent y faire.

Une recette du bien-être au travail ? Cette notion semble avoir évolué au cours des 10 dernières années. Pour Claudine Schmitt, fondatrice de la société de conseil Wellbeing at Work, les employeurs luxembourgeois ont longtemps pensé que proposer des massages et des paniers de fruits comblerait les collaborateurs et boosterait leur efficacité. On ne va pas se mentir, ce n’est pas de refus ! Mais le bien-être au travail demande plus d’efforts que cela.

« Il a fallu un travail de lobbying considérable pour souligner l’importance de la prévention des risques psychosociaux sur le lieu de travail », précise Claudine Schmitt. « Les employeurs sont mieux informés et, depuis 3-4 ans, on remarque un réel intérêt ». De plus en plus d’entreprises font appel à des sociétés de conseil et de coaching pour démarrer dans le bon état d’esprit ou rectifier certaines erreurs du passé.

« Malgré tout, on constate que le nombre de burnouts ne fait qu’augmenter, et on manque de données précises pour prendre les bonnes mesures. » Toujours tabou, le burnout est inquantifiable : il peut être diagnostiqué, mais sera classé et noyé parmi les maladies psychiques.

Chiffres manquants, chiffres marquants

« En 2050, la principale cause de décès dans nos sociétés ne sera plus liée aux maladies cardio-vasculaires mais bien aux conséquences des maladies mentales », prévient-elle-. On voit l’urgence de mettre en place bien plus d’actions de prévention en entreprises. « Il n’existe aucune subvention encourageant les dirigeants à investir dans la prévention. Pour eux, ce sont des dépenses sans rendement, voire une boîte de Pandore qu’on redoute d’ouvrir. Pourtant, des employés heureux sont bien plus productifs et performants. À moyen et long termes, c’est donc au contraire un investissement très intéressant pour l’entreprise, puisqu’il s’agit de miser sur la durabilité et sur la santé de ses travailleurs. »

La liste de sources de risques psychosociaux est longue et non exhaustive : problèmes de communication, manque de soutien de la hiérarchie, mauvaise ambiance dans l’équipe, organisation du travail inadéquate, inégalités dans la distribution des tâches, inégalités salariales, problèmes de diversité et d’égalité de genre, frein d’accès aux postes décisionnels, surcharge de travail liée à l’absentéisme de collègues, heures supplémentaires, rivalités internes, manque de motivation, doutes sur la pérennité de l’entreprise, etc.

Si entre 2014 et 2019, le Quality of Work Index (de la CSL) montrait une hausse de 9% du sentiment de sécurité de l’emploi, les chiffres 2020 risquent de chuter drastiquement : en pleine crise sanitaire, de nombreux salariés se demandent légitimement si leur entreprise tiendra le coup et cela est, bien entendu, source de stress... et donc un risque pour l’état psychique, la santé mentale.

D’autres chiffres (toujours tirés du Quality of Work Index, sondage réalisé auprès de 1.495 salariés résidents et frontaliers qui y confient leurs impressions) soutiennent le besoin de prévention et d’actions :

  • entre 2016 et 2019 : + 11% de charge émotionnelle
  • entre 2014 et 2019 : +18% de risque de burnout
  • entre 2014 et 2019 : +27% de conflits entre vie personnelle et travail
  • entre 2014 et 2019 : -12% de participation aux prises de décisions

En matière de sécurité au travail, on note en revanche une baisse de 22% concernant les risques d’accident.

Défi d’initiative

Le défi pour l’employeur est de bien définir - et travailler avec - les qualités et compétences des collaborateurs. Wellbeing at Work réalise des audits en entreprise afin de détecter les sources de risques psychosociaux et de mettre en place un plan d’actions pour améliorer la qualité de vie au travail (voir également article Wellbeing at Work dans ce dossier).

Si chaque individu a évidemment un rôle proactif à jouer, il importe que l’initiative d’investir dans le bien-être des équipes soit prise par la direction, seule véritable décisionnaire.

« Faisant face de plus en plus à la rareté de la main d’œuvre sur le marché luxembourgeois et en Grande Région, les vrais leaders ont compris depuis longtemps que le salaire et les extras financiers ne seront plus les seuls atouts pour engager des jeunes talents. En revanche, des conditions de travail favorables au bien-être et à la work-life balance auront une importance de plus en plus flagrante dans le recrutement et la fidélisation de futurs collaborateurs », conclut l’experte.

Marie-Astrid Heyde et Alain Ducat
Avec Claudine Schmitt, Wellbeing at Work, partenaire Infogreen

Article tiré du dossier du mois « Bien-être : au travail ! »

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Publié le jeudi 25 février 2021
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