L’inclusion professionnelle, une symphonie à achever ensemble
Pour la 2e conférence de la trilogie Agora 4 Youth qui propose des « regards croisés sur l’inclusion des jeunes », Life Project 4 Youth (LP4Y) et RYSE (Refugee Youth Support & Empowerment), avec leurs partenaires et témoins, ont exploré le thème de l’inclusion professionnelle. Un réel investissement sociétal, au bénéfice de chacun, y compris des entreprises accueillantes et formatrices.
Après s’être focalisé sur « L’importance du projet de vie », Agora 4 Youth se penchait sur le thème « Inclusion professionnelle : un investissement ! ». Animée par Frédéric Liégeois, chef d’entreprise engagé, fondateur notamment d’Infogreen (partenaire et soutien de la manifestation) et 4x3 SIS, proposée par RYSE et LP4Y Luxembourg au Cercle Cité mais surtout en live distancié, cette 2e conférence a creusé le sillon de cette quête d’intégration des jeunes dans la société diverse et multiculturelle luxembourgeoise.
Celle-ci passe par le travail, par la valorisation des compétences. Et aussi par une compréhension mutuelle, une collaboration entre acteurs de l’entreprise, de la formation et de l’associatif notamment, afin que les instruments coordonnés donnent une symphonie, que l’on peut achever ensemble.
Car une chose est sûre, soulignée par plusieurs participants à cet intéressant panel : il y a des talents au Luxembourg, qui n’y arrivent pas forcément de leur plein gré, et qui gagneraient à être intégrés dans la panoplie des compétences dont l’économie locale, dans bien des métiers, a besoin. Mais pour ça, il y a un parcours à appréhender et des réalités à comprendre pour s’y adapter.
Un droit au travail, une dynamique des compétences
Le travail de RYSE le mesure et le confirme. Fondée il y a 3 ans dans le but d’accompagner les DPI et BPI (demandeurs ou bénéficiaires de protection internationale) dans leur parcours d’intégration, RYSE a pour finalité l’autonomie et l’épanouissement, une intégration réussie des « réfugiés » dans et par le marché du travail. Avec un processus d’accompagnement qui favorise notamment le mentorat, la création de réseaux, la sensibilisation des administrations comme l’information des employeurs potentiels, RYSE compte quelque 250 bénéficiaires, dont environ 170 sont désormais des actifs au Luxembourg.
Co-fondatrice et coordinatrice de projets, Francesca Tavanti voit d’abord « un droit au travail, qui est aussi un des droits de l’Homme », et qui est un moyen d’intégration et d’épanouissement personnel, pour la santé physique et mentale. « Et puis l’intégration des réfugiés au marché du travail représente une opportunité incroyable pour les sociétés d’accueil. L’inclusion professionnelle est, entre autres défis de notre société, une réponse au déficit de main-d’œuvre et au vieillissement de la population. Il y a une dynamique à apporter des compétences nouvelles aux économies locales, ce qui justifierait un investissement long terme sur les réfugiés ».
C’est un autre constat apporté par différents intervenants, sur base d’études internationales et européennes : une non-intégration ou une intégration mal accompagnée coûte plus cher qu’une intégration réussie, avec non seulement un bénéfice sociétal mais aussi un bénéfice en termes de capital humain, de compétences valorisées, d’enrichissement et d’ouverture d’esprit, pour l’économie et les entreprises responsables. « Toutefois, la longueur des procédures peut avoir un impact dévastateur sur le processus d’intégration et enfermer ces personnes déplacées dans une précarité qui se rapproche de l’assistanat malvenu », note Francesca Tavanti.
Mekdes et Iaia, à la poursuite de leur rêve
Il y a donc des barrières à lever. Celle de la langue déjà. Plus celle de la reconnaissance des compétences, des diplômes ou des expériences professionnelles. Deux jeunes témoins se sont exprimés, dont le parcours ouvre les yeux autant qu’il force le respect.
Mekdes a 20 ans et est originaire de l’Érythrée. Déplacée en Éthiopie à 8 ans, puis séparée de sa famille. Elle est arrivée au Luxembourg en octobre 2019, à la faveur du « regroupement familial », sa mère y ayant obtenu la protection internationale. « J’étais encore considérée comme mineure, je ne parlais pas un mot de français, mais bien l’anglais, et je ne savais rien du Luxembourg… et de ses 3 langues nationales ». L’école, avec le petit frère de 13 ans, n’a pu commencer qu’au semestre suivant. Elle a appris des bases de français seule, en ligne. Puis le luxembourgeois, à l’école, mais une semaine sur deux, à cause des mesures Covid. « J’ai compris que pour sortir du foyer où on était hébergés, il fallait un emploi ». Avec la protection internationale acquise et une chambre d’étudiant pour elle seule depuis quelques semaines, mais toujours sans ses diplômes scolaires, Mekdes compte suivre une formation pour aide-soignante, en 3 ans, avoir les titres et le niveau de langue souhaités, pour enfin accéder à la formation d’infirmière, son rêve d’enfant.
Parcours difficile aussi pour Iaia, 24 ans. Originaire de Guinée Bissau, journaliste plein d’idéal, diplômé très tôt dans son pays. Arrivé en 2017 au Luxembourg qui lui accorde la protection internationale en 2019, le jeune homme a vu son « rêve brisé en 1000 morceaux ». Sans preuves de ses diplômes et expériences, il met du temps à retrouver le moral et l’envie. Puis, accompagné par RYSE, guidé par l’Adem, il suit une formation de carrossier. « C’était très difficile, je ne parlais pas l’allemand ». Il arrive au bout à présent mais aspire déjà, après des formations complémentaires, à reprendre des études à l’Université.
Son message aux jeunes ?
« Surtout, n’abandonnez pas. Il y a des gens formidables qui vous écoutent, il y a des formations. Il y a de l’espoir. Ce n’est pas facile mais on peut y arriver »
Comme le souligne Marc de Crouy-Chanel, président de LP4Y Luxembourg, « il y a un enjeu sociétal et humain évident à intégrer des jeunes qui partagent les mêmes soucis d’emploi ou d’insertion, d’où qu’ils viennent. Les jeunes sont l’avenir et c’est à cette époque de la vie d’un être humain que tout peu changer. Ne pas s’en occuper, ce serait, tout simplement, stupide »
Et comme le disait Frédéric Liégeois dans son introduction, en citant Confucius, « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez plus à travailler un seul jour de votre vie… Bien entendu, la jeunesse est l’avenir de notre société, faut-il aussi lui en donner les moyens… Parlons de la plus-value humaine, sociale et économique d’une intégration réussie dans le monde professionnel ».
Nous y reviendrons, sur Infogreen.lu, avec d’autres expériences et témoignages, issus du 2e plateau proposé par cet événement Agora 4 Youth.
Revoir la conférence ici
La prochaine conférence de cette trilogie aura lieu le mercredi 7 juillet, sur le thème « Compétences des jeunes, une co-responsabilité »
Alain Ducat