Le budget de l’État 2017 ou le renversement des paradigmes
L’analyse du projet de budget 2017 opérée par la Chambre des Métiers fait état à la fois d’un changement notable de politique, témoignant d’un déphasage du budget 2017 avec les objectifs initiaux du Gouvernement, mais démontre également la nécessité de redéfinir le modèle économique du Luxembourg.
Le Gouvernement avait pour objectif d’assainir les finances publiques, raison pour laquelle il avait pris des mesures de consolidation en 2014 et ficelé le « Zukunftspak » fin 2014. La Chambre des Métiers souligne que cette politique a manifestement porté ses fruits comme le dénote la réduction du déficit en 2014 et sa stabilisation en 2015, ainsi que l’atténuation de la hausse de la dette en 2014 et 2015.
Or, en 2016, et encore plus pour 2017, la Chambre des Métiers constate un changement de paradigme et relève dans son avis des signes de relâchement de la discipline budgétaire.
Un premier signe en est la hausse importante du déficit de l’État central de 400 millions à un milliard d’euros entre 2016 et 2017. À ses yeux, cette détérioration résulte de l’implémentation partielle du « Zukunftspak », de la mise en œuvre d’une réforme fiscale généreuse et d’une progression plus importante des dépenses publiques (hors investissement). Témoigne ensuite du changement politique, la hausse importante de la dette publique en chiffres absolus, et ce après des années de stabilisation. Enfin, l’abaissement de l’objectif budgétaire à moyen terme de +0,5 % à -0,5 % dénote un renversement de tendance dans la politique budgétaire.
Le Gouvernement passe donc d’une logique de consolidation des finances publiques à une logique de redistribution. Or, la Chambre des Métiers est d’avis qu’une période de forte croissance devrait être mise à profit pour continuer le redressement des finances publiques, afin de conférer au pays une marge de sécurité pour des périodes économiques creuses.
Cependant, elle salue le maintien des investissements publics à un haut niveau, et ce pour rattraper les retards au niveau des infrastructures, générés par la forte croissance.
Or, le dilemme du modèle luxembourgeois actuel est que la générosité de l’État social et le niveau de vie dépendent d’une forte croissance du PIB, de la main-d’œuvre et de capitaux étrangers, et de niches économiques. Cette croissance économique revêt pourtant un caractère « extensif » en ce qu’elle est avant tout poussée par la hausse de l’emploi, et moins par des gains de productivité ; elle exerce, entre autres, de fortes pressions sur les infrastructures (transport, logements, établissements scolaires…). De plus, l’environnement est en rapide évolution avec la disparition progressive de niches de souveraineté et des mutations économiques profondes (BEPS, digitalisation, …), de sorte que le modèle luxembourgeois risque d’atteindre ses limites.
La Chambre des Métiers constate que le Gouvernement défend une politique budgétaire reposant sur des projections optimistes concernant l’évolution de la population et de l’économie (1,1 mio d’habitants en 2060) et qui servent d’argument pour réviser l’OMT de +0,5 % à -0,5 % du PIB. Selon elle, il s’agit de ne pas hypothéquer l’avenir des générations futures et d’évaluer les dommages collatéraux induits par le modèle actuel pour viser une orientation graduelle vers un nouveau modèle.
La Chambre des Métiers perçoit une opportunité dans le développement d’une « vision d’avenir » intégrée basée sur un modèle économique plus durable qui recherche l’équilibre entre les volets économiques, sociaux et environnementaux. Le défi consiste à parvenir progressivement à un modèle économique plus durable basé sur des gains de productivité plus substantiels, notamment à travers l’innovation et la digitalisation. Pour ce faire, elle propose un mix de mesures à destination, d’une part, de secteurs prioritaires à forte valeur ajoutée moins intensifs en main-d’oeuvre et, d’autre part, des secteurs traditionnels, comme l’Artisanat, devant « révolutionner » leurs processus de production et leurs modèles d’affaires.
Des sauts de productivité et une croissance plus qualitative pourrait être atteinte via les « réseaux intelligents » (« Internet of Things ») et l’adoption de nouveaux « business models » (e.a. sharing economy).
Pour pallier les risques d’une telle évolution, notamment son impact sur le modèle social, la relation patron-salarié, le financement de la sécurité sociale et de possibles distorsions de concurrence, il est impératif d’encadrer cette nouvelle économie au niveau légal et réglementaire. L’Artisanat en tant qu’acteur du développement durable et contributeur à la richesse nationale devra identifier les potentiels d’innovation soutenant un accroissement de la productivité.
Des impacts très variés sont attendus de la digitalisation : gains en efficacité et en compétitivité, (re)valorisation de l’image de marque, extension des marchés, nouveaux modèles d’affaires, nouvelles qualifications et métiers, disparition d’activités et perte d’emplois. Devant le défi d’assurer la transition numérique, il importe de soutenir la conception et la diffusion d’outils de sensibilisation, d’accompagnement et de conseils efficaces.
Une vision d’avenir intégrée devra s’articuler autour des dimensions suivantes : formation / éducation, emploi et politique sociale, aménagement du territoire et changement climatique. Au niveau du budget de l’État, il importe de répondre à la mise œuvre de ce nouveau modèle par l’introduction d’une « budgétisation par objectifs ».
Repenser la Chambre des Métiers d’aujourd’hui pour satisfaire l’Artisanat de demain. Tel a été le leitmotiv des élus et salariés de l’Institution représentative du secteur qui, avec environ 6.900 entreprises, occupant 86.000 personnes constitue ainsi le premier employeur du Grand-Duché. Ces réflexions ont abouti à la définition d’une vision communément adoptée, qui tend à renforcer la mission de la Chambre des Métiers à être l’institution-partenaire de référence, indépendante, au service des entreprises de l’Artisanat et de la société, moteur du développement durable et de l’innovation. La Chambre des Métiers a décliné un plan d’actions spécifique et ambitieux, s’inscrivant dans un calendrier réaliste et pertinent qui illustre sa force de détermination pour l’avenir dont une des priorités est la jeunesse.
Alors que la Chambre des Métiers avait assumé dans le cadre du « Zukunftspak » une réduction de son subside, elle regrette profondément que le projet de loi budgétaire prévoit pour 2017 des moyens financiers inférieurs à ceux du budget pluriannuel voté en 2015 et demande à ce que ce dernier soit respecté.
Un projet-phare actuellement mené par la Chambre des Métiers, en accord avec le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, est la restructuration du Brevet de Maîtrise, diplôme national de référence pour l’Artisanat.
Dans l’optique d’une démarche qualité, les objectifs de ce projet de réforme et de restructuration d’envergure du Brevet de Maîtrise visent notamment à : renforcer la valeur et l’attractivité du Brevet de Maîtrise, adapter le Brevet de Maîtrise et son organisation à l’évolution de la demande du marché et des futurs chefs d’entreprise, augmenter de façon considérable sa qualité et renforcer ainsi son image de marque.
La Chambre des Métiers note avec satisfaction que le Gouvernement souscrit pleinement à ce projet et qu’il va allouer des moyens financiers pour l’année budgétaire 2017, confirmant ainsi sa volonté de vouloir investir dans la jeunesse. La Chambre des Métiers est optimiste à trouver un terrain d’entente avec le Gouvernement sur le montant du budget approprié pour une telle réforme d’envergure.
Finalement, la Chambre des Métiers salue l’annonce récente faite par la secrétaire d’État à l’Économie Francine Closener de mettre sur pieds un « Pacte PRO ARTISANAT » qui devrait couvrir les sujets de la transmission d’entreprises, la promotion de l’Artisanat, la qualité du service et la digitalisation dans l’Artisanat.
Communiqué par la Chambre des Métiers