Le commerce équitable dans les programmes électoraux
La sensibilisation des citoyens pour un commerce plus responsable et des pratiques d’achats plus équitables reste majoritairement sans réponse.
Dans le cadre des élections communales 2023 au Luxembourg le 11 juin prochain, l’ONG Fairtrade Lëtzebuerga émis des propositions aux partis politiques à introduire dans les programmes électoraux. Ces défis proposés incarnent les valeurs du commerce équitable au Luxembourg et dans le monde, à savoir le respect des droits humains et de l’environnement dans les chaînes de valeurs.
Le premier défi concerne la mise en place d’une consommation plus équitable et plus durable vis-à- vis des pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et Caraïbes au sein de la commune en se référant au texte de loi n°7672 relatif à l’agrément d’un système de qualité ou de certification des produits agricoles ;
Le second défi concerne le travail de sensibilisation des citoyens en faveur des valeurs du commerce équitable et d’un engagement collectif au niveau communal grâce notamment avec l’adoption de la résolution « Fairtrade Gemeng ».
Le défi d’une consommation plus équitable et plus durable
L’analyse des programmes électoraux a été menée pour vérifier la volonté des partis de mettre en place des pratiques d’achats au sein de la commune respectueuses des droits humains et de l’environnement et en mettant en avant la notion de partenariat équitable entre les consommateurs du Nord et les pays producteurs d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et Caraïbes.
Deux partis politiques prennent en compte ce défi de manière efficace dans leurs programmes.
Le parti Déi Gréng veut effectuer la promotion d’un engagement réel en matière d’acquisition de biens de consommation en mettant « la priorité aux aliments biologiques, saisonniers et régionaux ainsi qu‘aux biens de consommation durables et issus du commerce équitable lors d’achats effectués par les communes. » Ceci vaut également pour « l’achat de textiles pour le personnel des communes. »
Quant au Piratepartei Lëtzebuerg (PPL), celui-ci promeut également un engagement réel vis- à-vis d’une consommation plus responsable. Le parti souhaite en effet « que les communes doivent elles-mêmes montrer l’exemple lorsqu’elles achètent des denrées alimentaires, des boissons et du matériel pour leurs services et leurs structures en achetant des produits issus de processus de fabrication biologiques, régionaux, respectueux des saisons et équitables. Les communes devraient avoir recours, lors de leurs achats, à des labels tels que Fairtrade ou le sceau biologique de l’UE. »
D’autres partis politiques veulent également s’investir au niveau local sur cette question, mais restent malheureusement trop vagues.
Le parti Déi Lénk par exemple, appelle pour « la réduction des inégalités », en restant davantage orienté vers une politique plus respectueuse de l’environnement sans citer d’autres défis comme une consommation plus responsable.
La Demokratesch Partei (DP) souhaite s’engager « à ce que les biens et services achetés par la commune répondent aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance les plus élevés (critères ESG). » Cet appel va certes dans le bon sens, mais la thématique aurait du être développée davantage, en détaillant par exemple les critères ESG évoqués dans le programme, comment les obtenir, comment les respecter et ce qu’ils signifient concrètement pour lescommunes.
La Chrëstlech Soziale Volkspartei (CSV) souhaite « faciliter le changement de façon de penser des consommateurs du Nord. » Le parti estime « qu’il est important de faire attention à l’origine des marchandises que nous achetons et qu’il est primordial de soutenir les productions européennes afin d’être moins dépendants du marché mondial. » Les objectifs finaux de cette partie semblent difficilement identifiables, et le parti ne stipule pas clairement les actions à mettre en place concrètement et avec quels critères et moyens. Le soutien d’une production européenne ne prend pas en compte, que de nombreux produits ne peuvent pas être cultivés en Europe ! En outre, il est important de rester solidaire avec les producteurs et travailleurs d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et Caraïbes afin de ne pas favoriser une politique protectionniste ou autre repli sur soi-même.
Même direction au niveau de l’Alternativ Demokratesch Reformpartei (ADR). Celui-ci emploie un message axé davantage sur le recours aux produits régionaux, saisonniers et biologiques, et omet totalement qu’il existe également une responsabilité envers les producteurs et travailleurs d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et Caraïbes.
Quant à la Lëtzebuerger Sozialistesch Arbechterpartei (LSAP), celui-ci reste encore plus vague et ne fait aucune référence directe aux valeurs du commerce équitable, hormis la mention « Le LSAP place l’être humain au centre de ses préoccupations et plaide pour une politique climatique ambitieuse et durable. »
La défi d’un travail de sensibilisation mené par les communes pour les citoyens
Concernant l’engagement et la responsabilisation des communes en faveur d’une politique de sensibilisation de leurs citoyens, le parti Déi Gréng souhaite « assumer une responsabilité au niveau local pour les pays dits du Sud. » En outre, le parti s’engage à « entretenir et à encourager des relations partenariales avec des communes et d’autres partenaires des pays du Sud, tout en collaborant avec des organisations non gouvernementales, en soutenant systématiquement le commerce équitable et en s’engageant à mener une politique d’achats équitables. » Déi Gréng souhaite également « promouvoir la sensibilisation et l’action sur les thèmes de la solidarité et de la politique de développement, en attachant une importance particulière à l’équité, à la justice climatique et au postcolonialisme dans les communes et écoles. »
Quant au parti d’Piratepartei Lëtzebuerg, celui-ci ne s’engage pas directement en faveur d’une sensibilisation dans son programme, mais fait, au niveau de sa communication, clairement référence au concept de « Fairtrade Gemeng », qui implique une sensibilisation des citoyens aux enjeux et valeurs d’un commerce équitable.
Les partis Déi Lénk, Focus, KPL, Mir d’Vollek, DP, LSAP et CSV et ADR ne semblent pas évoquer la mise en place d’actions de sensibilisation concrètes à mener par les communes en faveur du commerce équitable pour les citoyens.
L’ONG Fairtrade Lëtzebuerg constate donc que la sensibilisation de la population via des actions concrètes telle que par exemple le recours à une certification « Fairtrade Gemeng » reste à ce jour largement insuffisant. Il semblerait que la thématique relative à l’engagement et à la sensibilisation de la population semble se limiter à la circularité de l’économie, voire à l’environnement.
L’ONG Fairtrade Lëtzebuerg regrette qu’une grande majorité des partis – y compris ceux ayant historiquement pris des engagements pour améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs - ne semblent pas ou peu attacher d’importance au respect des droits humains et à la réduction des inégalités au-delà des frontières luxembourgeoises dans leurs programmes électoraux au niveau communal. Ces positions bien trop faibles et pas assez concrètes àl’encontre des personnes les plus vulnérables de la chaîne de valeur confirment qu’un élan politique fort et concret tarde encore à se mettre en place, et ce, malgré le travail de sensibilisation effectué auprès des instances décisionnelles du pays.
Le niveau communal est important : Global denken, kommunal fair handeln ! La pratique au Luxembourg témoigne heureusement d’une concrétisation plus prometteuse des valeurs portées par le commerce équitable, grâce notamment aux 36 communes certifiées Fairtrade Gemeng qui ont d’ores et déjà rejoint l’élan citoyen mondial des Fairtrade Towns, qui regroupe plus de 2200 communes dans 30 pays du monde.
Fairtrade Lëtzebuerg
Photo : Fairtrade Lëtzebuerg