"Les atrocités commises par ces groupes terroristes nous choquent tous"
Discours de Jean Asselborn au débat du Conseil de sécurité sur la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme à New York.
Madame la Présidente,
Je vous suis reconnaissant d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat public. Le Luxembourg partage la priorité donnée par l’Australie à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. Nous saluons la Déclaration du Président que nous venons d’adopter, à votre initiative, pour renforcer l’action de la communauté internationale. Je remercie le Secrétaire général Ban Ki-moon de son exposé sur la réponse des Nations Unies à la menace du terrorisme. Monsieur le Secrétaire général, vous avez bien mis en évidence la valeur ajoutée que l’ONU apporte dans ce domaine. Ma gratitude va aussi au Président du Comité des sanctions contre Al-Qaida, le Représentant permanent de l’Australie Gary Quinlan, et à la Présidente du Comité contre le terrorisme, la Représentante permanente de la Lituanie Raimonda Murmokait_, pour leurs présentations très instructives et leur action déterminée. Je tiens à saluer la présence de mon collègue argentin, Hector Timerman.
Je tiens à réitérer ici l’engagement de mon pays pour contrer la menace terroriste, une menace qui nous concerne tous, sans exception. Et je souscris à l’intervention qui sera prononcée par l’Union européenne.
Madame la Présidente,
La menace émanant de groupes terroristes comme l’Etat islamique en Irak et au Levant, le Front Al-Nusra ou Al-Qaida et ses affiliés est une source de préoccupation croissante. Le phénomène terroriste n’est certes pas nouveau. Mais le problème posé par ces groupes qui ravagent l’Irak et la Syrie diffère, par sa nature et son ampleur, des menaces auxquelles la communauté internationale a été confrontée par le passé. L’Equipe de surveillance, que je remercie pour son rapport, l’a bien analysé : ce qui distingue la menace émanant de ces groupes est le lien qui existe entre leur financement et le contrôle de larges parties de territoire et de populations, ainsi que le soutien fourni par plus de 15.000 combattants étrangers, issus de plus de 80 pays, qui ont rejoint la sinistre cause de ces groupes terroristes. Du Luxembourg sont partis en famille, pour la Syrie, un jeune couple avec leur enfant en bas âge. Le jeune père a été très vite tué dans des combats entre groupes terroristes. Quel gâchis, quel irrespect de la vie, quel message horrible aussi pour cet enfant ! L’Etat islamique, le Front Al-Nusra et les groupes qui leur sont affiliés posent une menace imminente pour la population des territoires qu’ils ont saisis. Ils imposent leur administration par la terreur. Leur idéologie extrême exacerbe les tensions sectaires et contribue à déstabiliser encore davantage la région. Difficile de comprendre qu’une telle barbarie puisse avoir une quelconque attractivité.
Les atrocités commises par ces groupes terroristes nous choquent tous. Je ne citerai que l’exemple le plus récent, l’assassinat barbare par Daech du travailleur humanitaire américain Abdul-Rahman (Peter) Kassig, qui fut capturé alors qu’il s’engageait pour aider le peuple syrien. Pour contrer cette menace, nous devons agir ensemble. Notre réponse doit être à la hauteur du défi. Au niveau du Conseil de sécurité, l’adoption des résolutions 2170 et 2178 a permis de renforcer le cadre antiterroriste international afin d’endiguer la menace que représentent Daech et le Front Al-Nusra, et le phénomène des combattants étrangers. Il nous faut maintenant oeuvrer ensemble pour donner leur plein effet aux mesures prévues par ces résolutions. Je remercie dans ce contexte le Comité contre le terrorisme et sa Direction exécutive de leur analyse préliminaire et de leurs actions de soutien à la mise en oeuvre de la résolution 2178.
Le Luxembourg, de son côté, vient de passer en revue l’ensemble de son dispositif juridique, à la lumière des dispositions de la résolution 2178. Sur cette base, la révision et l’adaptation du cadre législatif et règlementaire ont été engagées afin que ce cadre tienne pleinement compte des mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans la lutte contre les combattants terroristes étrangers. L’objectif est d’empêcher celles et ceux qui veulent partir combattre avec des groupes terroristes de se rendre dans les zones de conflit. Il s’agit aussi de permettre la poursuite et la répression effective des actes de préparation, d’entraînement et de recrutement terroriste. Nos services compétents travaillent enfin à une stratégie de prévention de la radicalisation extrémiste, qui reposera sur des mesures tant préventives que répressives. Il est notamment prévu de mettre en place un réseau d’encadrement et de sensibilisation, en étroite concertation avec les structures éducatives et les communautés religieuses, et avec le soutien de la société nationale de la Croix- Rouge.
La collecte des données pour prévenir les voyages ou les passages en transit des combattants terroristes étrangers passe aussi par un renforcement de l’échange d’informations et de la coopération entre Etats membres. L’Union européenne s’y emploie déjà, notamment par le système d’échange d’informations dans le cadre de l’espace Schengen, ainsi que dans les travaux sur les transferts des données des dossiers passagers. Nous entendons poursuivre ces efforts, notamment dans le cadre de la Présidence du Conseil de l’Union européenne que le Luxembourg exercera au second semestre de 2015.
Le rapport de l’Equipe de surveillance l’a mis en exergue à juste titre : il faut redoubler d’efforts pour tarir les sources de financement des groupes terroristes, qu’il s’agisse de la contrebande de pétrole, des dons, du trafic d’antiquités, de la taxation des populations vivant sous leur joug ou encore et surtout de l’ignoble commerce de femmes et d’enfants. Le Luxembourg s’est doté d’un arsenal complet et cohérent de mesures législatives et réglementaires en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Nous portons une attention particulière à l’efficacité de leur mise en oeuvre. Ces mesures tiennent pleinement compte de la déclaration adoptée par le Groupe d’Action Financière, appelé GAFI, le 24 octobre dernier à Paris, exprimant ses préoccupations concernant le financement généré par et fourni à l’organisation terroriste Etat islamique en Irak et au Levant.
Madame la Présidente,
Je conclurai en réitérant un point que le Premier ministre luxembourgeois avait déjà souligné il y a deux mois, lors du sommet du Conseil de sécurité, le 24 septembre dernier, répété aujourd’hui par le Secrétaire général des Nations Unies, et qui me paraît essentiel : le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la primauté du droit doivent faire partie intégrante de notre stratégie contre le terrorisme si nous voulons qu’elle atteigne son but. Sinon, nous courons le risque de nourrir le sentiment d’injustice et d’impunité qui alimente à son tour la radicalisation et la propagation du terrorisme. Ce n’est pas le moment d’attiser les flammes de l’extrémisme violent. Il s’agit au contraire d’utiliser tous les leviers à notre disposition, aux niveaux international, régional, national et local pour éteindre le feu néfaste du terrorisme.
Je vous remercie.
Photo © MAEE