Les "rendez-vous ratés" entre la France et l’écologie
Au lendemain de l’éviction de la ministre de l’Ecologie, coupable d’avoir trouvé le budget 2014 "mauvais", la coalition socialo-verte au pouvoir en France est en crise, plusieurs voix chez les Verts appelant à revoir l’entente conclue avec François Hollande.
Partiront, partiront pas ? Jamais l’avenir des deux ministres écologistes dans le gouvernement du président socialiste n’avait été aussi incertain qu’en ce lendemain de démission de la ministre socialiste de l’Ecologie.
Delphine Batho, 40 ans, a été renvoyée mardi en quelques heures par François Hollande pour avoir qualifié de « mauvais » un projet de budget prévoyant une forte réduction de ses crédits en faveur de la « transition écologique ».
François Hollande lui a reproché, mercredi matin en Conseil des ministres, d’avoir « manqué au principe majeur de solidarité et de cohésion gouvernementale », selon la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. L’Elysée avait aussi fait savoir que Delphine Batho avait refusé de « retirer ses propos » comme le lui avait demandé le président. Le chef de l’Etat a cependant assuré que l’environnement demeurait une « priorité du gouvernement », a ajouté la porte-parole.
Il n’en reste pas moins que le départ de Delphine Batho, sur fond de rigueur budgétaire, constitue la plus grave crise du gouvernement de Jean-Marc Ayrault depuis celui le 19 mars de l’ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, pour avoir menti sur l’existence d’un compte bancaire secret à l’étranger.
Ironie de l’histoire, les écologistes d’Europe Ecologie - Les Verts (EELV : deux ministres sur 37, 18 députés sur 577) se sont sentis solidaires de Delphine Batho, dont ils jugeaient pourtant l’action discrète.
Mercredi, l’un des deux ministres, Pascal Canfin, a qualifié de « signal d’alarme » la décision présidentielle et menacé de quitter le gouvernement avec sa collègue Cécile Duflot (Logement) en cas de nouveaux « rendez-vous ratés » avec l’écologie.
Signe d’hésitations et de tensions internes, ces deux membres du gouvernement avaient mardi soir écarté « assez vite » toute démission lors d’une réunion convoquée en urgence des dirigeants d’EELV.
Liste autonome des Verts en 2014 dans la ville d’Ayrault
En interne, des voix plaident pourtant ouvertement pour un départ, comme celle du député Noël Mamère : « Est-ce qu’on va continuer à recevoir des coups sur la tête, y compris quelquefois des coups de massue ... et continuer à dire merci au gouvernement ? »
L’affaire Batho peut-elle porter un coup mortel à l’accord électoral passé par EELV avec les socialistes avant la victoire de François Hollande en mai 2012, moins d’un an des élections locales de mars 2014 ?
Minoritaires, les écologistes ont davantage besoin de cet accord que leurs partenaires socialistes, qui disposent encore d’une petite majorité absolue à l’Assemblée nationale pour le vote des lois.
L’accord a déjà survécu à d’autres tensions. La prédécesseur de Delphine Batho à l’Ecologie, la socialiste Nicole Bricq, avait déjà dû quitter son ministère, dès juin 2012, pour s’être opposée à des forages pétroliers au large de la Guyane. Ce qu’avaient dénoncé des voix écolos.
En octobre, les écologistes avaient aussi voté majoritairement contre le Pacte européen de stabilité budgétaire et plusieurs de leurs responsables ont exprimé leur inquiétude devant la politique de rigueur budgétaire.
Les écologistes s’opposent aussi frontalement au Premier ministre Jean-Marc Ayrault en manifestant contre son projet d’aéroport dans sa ville de Nantes (ouest).
Hasard du calendrier ? A Nantes, les militants d’EELV ont annoncé mardi soir qu’ils conduiraient une liste autonome face au Parti socialiste aux élections municipales de 2014, pour la première fois depuis 1995.
Photo : Delphine Batho, désormais ex-ministre de l’Ecologie et Philippe Martin, son successeur, lors de la passation de pouvoirs, mercredi 3 juillet 2013. ©THOMAS SAMSON / AFP / Texte AFP