Les secrets d’une présidence innovante
Bâti tout spécialement pour la présidence néerlendaise de l’UE, voué à disparaître en juillet 2016, l’Europagebouw n’en est pas moins un modèle de construction durable.
Pour quelle raison ? Et en quoi la présidence innove-t-elle dans son approche logistique ? Ilse Smits, responsable de projet au Comité d’organisation de la présidence néerlandaise de l’UE (COPNL), dévoile les secrets d’un accueil novateur.
Unité de lieu et d’organisation
Durant la présidence néerlandaise de l’UE, toutes les réunions informelles et administratives sont organisées en un lieu unique, à Amsterdam. La présidence de 2004, le Sommet mondial sur la sécurité nucléaire en 2014 et la Conférence mondiale sur le cyberespace en 2015 ont démontré qu’une organisation centrale des projets permettait de raccourcir et d’améliorer les lignes de communication , indique Ilse Smits. Cela réduit les coûts et clarifie l’approche. Sur la sécurité, par exemple : achat et installation ne sont nécessaires qu’une seule fois.
Amsterdam : l’hospitalité au carré
Si l’Europagebouw s’est implanté à Amsterdam, c’est que s’y trouve déjà le musée de la Marine. Cet édifice représentatif est situé sur le terrain du MEA, propriété de l’État, ce qui permet une réduction des coûts. Le COPNL, lui, se charge de coordonner la logistique, la restauration et la communication des événements organisés. L’État accueille tous les participants aux réunions, depuis les fonctionnaires jusqu’aux ministres, mais il est aussi l’hôte d’Amsterdam , précise Ilse Smits. La municipalité lui apporte autant que possible son assistance tout en s’occupant de l’ordre et de la sécurité. Ce sont des tâches qui nécessitent de bons contacts. Comment assurer l’accompagnement des fonctionnaires étrangers à travers la ville ? Comment limiter les nuisances éventuelles ? Sur ces questions, nous sommes en liaison régulière avec la police.
Présider sobrement, tout en innovant
Dès le départ, les Pays-Bas ont souhaité assurer une présidence à la fois sobre et innovante. Cela implique de faire preuve de créativité dans la recherche de solutions , explique Ilse Smits. C’est ainsi qu’en collaboration avec les ministères, nous essayons de trouver d’autres modes de réunion. Un jeu de rôles nous permettrait-il de mieux comprendre telle situation ? Tel sujet se prête-t-il à un travail en atelier ? Ou correspond-il plutôt à un débat autour d’un scénario ? Ce mode informel de discussion et d’analyse est innovant. Les participants étrangers repartent toujours satisfaits.
Salles de réunion : un jeu de (dé)construction permanent
Cette approche innovante, surtout lorsqu’elle a trait aux différents modes de réunion, pose certains défis en termes d’organisation. Car elle implique le démantèlement, plusieurs fois par semaine, des salles de conférence et des espaces de réunion de l’Europagebouw. La tâche serait impossible sans un appareil comprenant les nombreux produits et services fournis par le COPNL, deux entrepôts de matériel ainsi qu’une équipe chargée d’inventorier les exigences de chaque ministère. Mais il y a aussi les sous-traitants qui répondent à la demande de transformation des locaux en suivant un cahier des charges précis et en respectant des délais serrés. Sans oublier trois responsables d’astreinte assurant à tour de rôle des permanences de 72 heures afin que tout se déroule comme prévu.
Vedettes électriques et appli informative
Les jours de réunion, tous les fonctionnaires arrivent par bateau électrique à l’Europagebouw ou au musée de la Marine. Cela aussi, c’est nouveau , signale Ilse Smits. Une façon idéale de délester la circulation dans Amsterdam et de montrer la ville aux participants sous un autre angle. Nous en sommes actuellement à 750 traversées. Les passagers réagissent avec enthousiasme, surtout par beau temps. Même accueil pour l’application destinée à la presse et aux participants. Elle offre des informations pratiques telles que le calendrier des réunions, les documents utiles, des renseignements sur l’accès au musée de la Marine et à l’Europagebouw, l’agenda des événements annexes, le programme culturel, ainsi qu’un lien vers le site internet de la présidence. Cette appli, qui remplace l’habituel programme papier, est une première pour un pays présidant l’UE.
Un bâtiment durable et démontable
Une fois à l’intérieur de l’Europagebouw, les visiteurs peuvent découvrir d’étonnants détails qui dénotent un souci du développement durable. Le bâtiment, démontable, est doté d’un atrium ouvert sur l’extérieur. C’est une forme qui le rend unique. Il y a également des panneaux solaires sur le toit, des fontaines évitant l’usage de bouteilles d’eau en plastique, des pompes à chaleur permettant de réguler la température des locaux, ainsi que des toilettes sèches pour les hommes. Ces équipements n’ont rien de novateur, mais n’en sont pas moins durables. Même chose pour les œuvres d’art : aucun des portraits n’est encadré. Ce sont de simples affiches collées au mur, qui nous permettent de promouvoir superbement le travail des photographes néerlandais.
Des grands maîtres hollandais au Dutch Design
Ce qui est novateur, en revanche, c’est le choix des cadeaux présentés aux participants. Nous sommes passés des maîtres anciens de la peinture hollandaise au Dutch Design contemporain. Résultat : boîtes à biscuits, nappes, bougeoirs, vases et services à thé relookés à la néerlandaise. C’est inédit et c’est une belle façon de montrer la vitalité du secteur créatif aux Pays-Bas. Le programme culturel témoigne lui aussi d’une approche innovante. Pour beaucoup de présidences, c’est un outil de promotion de leur pays. Cette fois, nous avons choisi d’offrir une plateforme européenne aux jeunes créateurs de toute l’UE. Comment abordent-ils les problèmes européens tels que la question des réfugiés, l’urbanisation et la situation financière ? Quelque cinquante projets culturels issus de presque tous les États-membres proposent des réponses.
Les leçons du présent
Des trois mois écoulés de la présidence, il résulte que l’approche adoptée a permis de réduire les coûts et de faire connaître le talent des Pays-Bas en matière d’organisation, de logistique et de design. Il reste pourtant des choses à améliorer, comme l’a constaté le COPNL. Il s’agit de petits détails auxquels nous n’avions pas pensé. Il est par exemple impossible au tout début du printemps de réaliser une photo de groupe à l’endroit prévu : le soleil, trop bas, provoque des reflets gênants sur le mur d’arrière-plan. Bientôt, la lumière sera plus haute et le problème sera résolu, mais nous en prenons note pour la prochaine fois. La climatisation, elle aussi, représentait un défi. Nous savons désormais qu’il ne faut pas monter le thermostat dans une salle de cent personnes, car elle se réchauffe d’elle-même. Toutes ces choses se sont rééquilibrées durant les trois premiers mois. La dernière leçon émane des occupants indésirables de l’Europagebouw : les fourmis. Elles se faufilent partout. Un problème minuscule, reconnaît Ilse Smits. En tout cas, les pièges à fourmis font des miracles. Si ce n’est pas innovant, c’est du moins efficace.
Un conseil à la Slovaquie
À la lumière de ces faits et des expériences du passé, Ilse Smits et le COPNL ont suffisamment d’indications à transmettre au prochain pays président, la Slovaquie. Notre conseil : commencez à temps, l’essentiel étant de bien communiquer sur l’organisation des processus. En interne et en externe. Quels sont les engagements convenus ? Chacun s’y tient-il ? Le plus important : se donner un objectif commun.
Photo : Europagebouw – espace flickr EU2016 NL
Communiqué de la Présidence néerlandaise de l’UE - http://francais.eu2016.nl