Lutte plus intense contre la déforestation

Lutte plus intense contre la déforestation

Chaque minute, nous perdons des forêts à un rythme équivalent à 27 terrains de football. La déforestation et la dégradation des forêts sont des facteurs importants du réchauffement climatique et de la perte de la biodiversité. Fairtrade et le député européen, Christophe Hansen, saluent la nouvelle loi européenne pour enrayer ces phénomènes.

L’Union Européenne représente près de 10 % de la déforestation mondiale via la consommation de certains produits. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 10 millions d’hectares de forêts sont toujours perdus chaque année en moyenne.

Ce triste constat pourrait bientôt être enrayé grâce à un accord politique trouvé au niveau européen sur un nouveau règlement établissant des règles afin de réduire la contribution de l’UE à la déforestation et la dégradation des forêts dans le monde. Ce règlement garantira aux consommateurs de l’UE que leurs produits achetés ne sont pas associés à la déforestation.

« C’est évidemment une bonne nouvelle pour notre planète », souligne Jean-Louis Zeien, président de l’ONG Fairtrade Lëtzebuerg. « La loi s’applique aux bétail, cacao, café, huile de palme, soja, bois et l’hévéa. Mais également également certains produits dérivés comme le cuir, le chocolat, le beurre de cacao, les meubles, le charbon de bois, les produits en papier imprimé et un certain nombre de dérivés de l’huile de palme. C’est un pas en avant vers une résolution de la double crise de la biodiversité et du changement climatique. »

En vertu du règlement, l’importation et l’exportation de l’un de ces produits associés à des terres déboisées après le 31 décembre 2020 seront interdites dans l’UE. Les entreprises qui exportent les produits ou qui les importent devront appliquer un devoir de diligence afin de s’assurer que leurs produits ne sont pas associés à ces pratiques nuisibles pour la nature. Les déclarations de « Due Diligence » qui devront être délivrées par les entreprises lors de l’importation des produits agiront comme l’équivalent d’un « passeport d’entrée » sur le marché européen. En cas de violation du nouveau règlement, il est prévu une série d’options de sanctions possibles, pouvant inclure des amendes, la confiscation des produits, la confiscation des revenus et/ou la disqualification des processus d’approvisionnement.

Chaque pays membre devra nommer l’autorité nationale compétente pour effectuer les contrôles.

Avancement et lacunes

Pour s’attaquer au problème complexe de la déforestation, et notamment à ses causes profondes, il faut toutefois que la législation européenne accorde une plus grande attention aux acteurs concernés. Les petits producteurs sont des éléments clés de certaines des chaînes d’approvisionnement qui seront couvertes par le règlement de l’UE et constituent l’épine dorsale de l’économie de nombreux pays partenaires.

Par exemple, il est estimé que jusqu’à 90 % de la production mondiale de cacao dépend d’environ 5 millions de producteurs et que 73 % de la production mondiale de café est assurée par 12 millions de producteurs de moins de 5 hectares. Leurs réalités doivent être prises en compte.

Les petits producteurs seront confrontés à des exigences accrues en matière de durabilité pour conserver l’accès aux marchés européens alors qu’ils ne bénéficient actuellement d’aucun soutien financier ni d’incitations économiques appropriées pour répondre à ces exigences.

« Avec les images satellites, on peut définir très précisément les parcelles d’exploitation », souligne le député Christophe Hansen. « Quant au fait de séparer les produits qui n’ont pas causé de déforestation des autres, c’est aussi un défi, mais c’est faisable. On a déjà des chaînes d’approvisionnement séparées pour des produits sans OGM. » Une action qui aura une répercussion sur les prix en magasin. « Ça me paraît inévitable, mais on ne peut pas lutter gratuitement contre le réchauffement. »

Pour garantir une transition équitable vers des pratiques agricoles durables et exemptes de déforestation, il faut pouvoir garantir les moyens de subsistance des producteurs et des communautés locales. En septembre dernier, par l’adoption de son rapport, le Parlement européen avait fait un grand pas dans cette direction en renforçant la proposition législative de la Commission de plusieurs manières.

« Aujourd’hui, nous regrettons de constater que certains de ces éléments n’ont pas trouvé leur place dans le texte final du règlement », précise Jean-Louis Zeien. « Parmi eux, il y avait une obligation claire pour les entreprises de soutenir la mise en conformité des producteurs en déployant des efforts raisonnables pour s’assurer qu’un prix équitable leur est payé afin de permettre un revenu vital et de lutter efficacement contre la pauvreté en tant qu’une des causes sous-jacentes de la déforestation. C’est très regrettable, car dans les secteurs où la majorité de la production repose sur des petits producteurs comme le cacao et le café, l’augmentation des revenus devrait en réalité être considérée comme une condition préalable aux changements structurels nécessaires. Cela permettrait aux agriculteurs de sortir de la pauvreté et d’investir dans des pratiques agricoles plus durables, qui respectent les limites planétaires. »

Si les petits producteurs ne sont pas en mesure de couvrir les coûts de production et manquent d’épargne pour des investissements supplémentaires sur leurs terres, la transition vers un secteur agricole résilient et sans déforestation risque d’être hors de portée. Tant que cet angle mort ne sera pas rectifié, les petits producteurs se verront piégés dans des réalités économiques où l’expansion de leurs terres par la déforestation et la dégradation des forêts est la seule solution économiquement viable qui reste à leur disposition pour assurer leurs moyens de subsistance.

« Nous appelons les décideurs politiques à considérer, dans les prochaines législations et notamment lors de l’élaboration de la directive « Corporate sustainability due diligence », le revenu vital et les pratiques d’achats des entreprises comme des pièces essentielles du puzzle pour que les changements structurels nécessaires aient lieu. »

Conformément aux demandes du mouvement Fairtrade et de ses partenaires, le texte final convenu engage la Commission européenne à élaborer un cadre stratégique global de l’UE sur l’engagement avec les pays producteurs. Il s’agit d’un élément clé pour inverser l’approche descendante adoptée jusqu’à présent dans la manière dont la proposition a été élaborée et communiquée aux pays producteurs. « Nous ne devons pas considérer ce texte comme un résultat final, mais plutôt comme un point de départ pour travailler conjointement avec les pays producteurs afin de relever de manière inclusive le défi commun de la déforestation », ponctue Jean-Louis Zeien.

Sébastien Yernaux
Photos : ©Infogreen / ©Fairtrade

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Publié le mardi 31 janvier 2023
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