« Manger vrai »
Pour bien se nourrir, Dr Nadia Terki ne voit qu’une solution : le retour au vrai.
Dr Nadia Terki s’est spécialisée en immuno-allergologie et en nutrition à l’issue de son cursus de médecine générale. Elle a rapidement développé un intérêt pour les allergies, les intolérances alimentaires et la nutrition et les a étudiées à Genève, Londres, Bruxelles et Paris. Actuellement installée au Gesondheets Zentrum (Zithaklinik), elle est également coauteur de « N’acceptez plus n’importe quoi dans votre assiette », livre nourri de résultats d’études cliniques sérieuses qui donne une foison de conseils pour une alimentation saine et goûteuse. Infogreen est allé à sa rencontre (partie II).
Dr Terki, comment faut-il se comporter face à ces indications qui semblent bien alarmistes ? (voir partie I)
Il faut avant tout rester serein. L’important est de prendre conscience, puis d’introduire petit à petit de nouvelles habitudes. Il ne faut jamais tout changer du jour au lendemain.
Le premier changement à adopter, c’est de manger vrai. Acheter l’aliment tel qu’il est, éviter ce qui est préparé, arriver à s’organiser pour préparer rapidement des plats. Les légumineuses (haricots blancs, lentilles, pois chiches, etc.), qui sont très bonnes pour la santé, sont très lentes à cuire, mais si je pense ce soir à ce que je vais manger demain, cela prend une minute de les faire tremper, et puis je les oublie (astuce : les personnes qui souffrent de flatulences peuvent ajouter un peu de bicarbonate de soude dans l’eau et une cuisson sans couvercle). Le lendemain matin, je jette l’eau de trempage, je les cuis, c’est prêt pour le soir. C’est la même chose pour les céréales : il faut éviter les riz précuits à cuisson rapide car ils augmentent énormément l’indice glycémique.
Est-ce que manger bio est la solution ?
On voit que partout dans le monde, les sols sont en train de s’épuiser. Il y a une érosion des sols liée à la production intensive d’insecticides et pesticides, à l’épandage, au déclin de la biodiversité et à la surproduction. Dans certaines régions du monde, la disparition des terres arables pourrait être irréversible. On sait que le constat est dramatique et que l’humanité est menacée. Il y a une réelle urgence écologique et une nécessité absolue à agir. Tous ensemble, nous devons prendre nos responsabilités par des petits gestes quotidiens, comme le colibri.
Alors oui, c’est important de manger bio. Lorsqu’on prend une substance seule qui n’est pas toxique, cette dernière peut le devenir au contact d’autres substances, par bioaccumulation. Une pomme conventionnelle reçoit de 35 à 43 traitements par année : fongicide, insecticide, herbicide, régulateur de croissance. Alors imaginez sur l’ensemble des aliments que vous mangez chaque jour… Les études démontrent que les résidus des pesticides sont susceptibles d’être cancérigènes. Ce sont en plus des perturbateurs endocriniens : on a remarqué une baisse de la fertilité chez les hommes, et l’urgence est du côté des enfants. Leur développement peut être perturbé par ces résidus, dès le fœtus.
Le Pr. Charles Sultan est à la fois pédiatre et endocrinologue - il a reçu un prix mondial dans son domaine -, il demande l’interdiction pure et simple des insecticides et pesticides qui contaminent l’homme à travers l’eau, l’air et les animaux. Il tire la sonnette d’alarme au nom de la survie de l’espèce. Il a constaté, notamment, des malformations génitales chez les garçons et une puberté précoce chez les filles (7-8 ans) avec toutes les conséquences psychologiques que cela implique également. Il pense qu’il y a une possible transmission transgénérationnelle : l’impact va donc s’observer sur plusieurs générations. En Europe, on remarque que certains pays autorisent des insecticides ou pesticides qui sont interdits dans d’autres pays. Mais le libre-échange à travers l’Europe rend inévitable la présence de ces produits néfastes dans tous les pays concernés.
Ensuite, pour le bio aussi, il faut éviter les emballages. Les plastiques sont des contaminants. Il y a également de plus en plus d’aliments préparés avec des conservateurs autorisés tels que des nitrites, des épaississants, des liants, néfastes pour notre santé. Il faut prendre l’aliment vrai, et l’acheter en vrac plutôt qu’emballé.
Mieux vaut également choisir les aliments de saison, cueillis à maturité. Nous ne connaissons pas la date de cueillette d’une pomme, même bio, qui vient de l’autre bout de la planète, ni son empreinte carbone. À son arrivée, que reste-t-il comme vitamines et minéraux ? Sans doute pas grand-chose. D’autant plus l’on sait en plus que les sols se sont appauvris et que les exigences de haut rendement réduisent les nutriments au mètre carré.
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Marie-Astrid Heyde
Dossier du mois Infogreen « De la Terre à l’assiette »