Menace sur la pollinisation : le côté obscur de la lumière artificielle
Une équipe européenne, dont un chercheur du Centre d’écologie et des sciences de la conservation (CNRS/MNHN/UPMC), démontre pour la première fois les impacts directs et indirects de la lumière artificielle sur la pollinisation des fleurs. Une menace sur les écosystèmes terrestres qui s’ajoute à la perte d’habitat, l’utilisation de pesticides, la propagation de pathogènes et le changement climatique. Leurs résultats ont été publiés le 3 août 2017 dans la revue Nature.
La majorité des espèces végétales est dépendante du monde animal - particulièrement de celui des insectes - pour se reproduire. Le déclin des insectes pollinisateurs à travers le monde impacte significativement la production des cultures et la reproduction des plantes sauvages. L’augmentation rapide de la lumière artificielle nocturne, ou pollution lumineuse, a récemment été proposée comme une nouvelle menace pour les écosystèmes terrestres. Pour la première fois, une équipe européenne, comprenant un chercheur du Centre d’écologie et des sciences de la conservation (CNRS/MNHN/UPMC), montre que la pollution lumineuse perturbe les pollinisateurs nocturnes avec des conséquences négatives pour la reproduction des plantes.
En étudiant 24 heures sur 24 des fleurs de prairies éclairées artificiellement, les chercheurs ont observé une diminution de 62 % des visites de pollinisateurs nocturnes comme les papillons de nuit ou certains coléoptères, par rapport à des prairies sans pollution lumineuse. Plus important encore, cela a entraîné une réduction de 13 % de la production de fruits d’une espèce de plante locale, le Cirse maraîcher, malgré de nombreuses visites de pollinisateurs diurnes comme les bourdons, les abeilles ou les mouches.
Les chercheurs démontrent que les effets en cascade de la pollution lumineuse ne s’arrêtent pas aux plantes et à leur reproduction mais peuvent aussi se propager aux pollinisateurs de jour. La pollution lumineuse réduisant le succès reproducteur de plantes sur lesquelles des pollinisateurs diurnes viennent se nourrir, cela pourrait entraîner à terme une baisse des ressources alimentaires disponibles pour les pollinisateurs diurnes.
Ces résultats proposent de nouvelles perspectives sur le fonctionnement des communautés plantes-pollinisateurs et sur la complémentarité entre pollinisateurs diurnes et nocturnes. Dans tous les pays développés, ces insectes pollinisateurs sont en régression, notamment en milieu rural. Leur raréfaction pourrait bien avoir des impacts considérables sur tous les écosystèmes. Une cohabitation sérieusement menacée par les changements globaux, et, désormais, par la pollution lumineuse.
Communiqué par le CNRS