Micro-forêt, planter aujourd’hui pour demain
Dans une prairie largement ensoleillée intégrant un bassin de récupération des eaux pluviales située à l’arrière de son bâtiment, l’entreprise Streff a déployé une micro-forêt de près de 1000 m2.
Le point de départ de ce projet, réalisé par Vereal par l’entremise du CDEC, est la conscience écologique du directeur de Streff qui souhaite apporter sa contribution à la biodiversité et à la durabilité.
Pourquoi une micro-forêt chez Streff ?
Stefan Chorus, Associate Managing Director de Streff : Streff est une entreprise familiale. Mes frères et moi représentons la quatrième génération, mes enfants, qui nous ont déjà rejoints, sont la cinquième génération, et la relève est assurée par mes petits-enfants !
Vous savez quel est le meilleur moment pour planter un arbre ? C’était il y a 20 ans ! Et, si on ne l’a pas fait à ce moment-là, alors c’est aujourd’hui qu’il faut le faire. C’est surtout pour les générations à venir que nous nous sommes engagés dans un projet écologique, notamment en créant un bassin de rétention des eaux de pluie et un espace vert équipé d’îlots de pique-nique et d’une zone barbecue, dont nos employés peuvent profiter pendant la pause. Nous avons même installé quelques ruches où les abeilles font leur travail en grand nombre !
Je voulais un projet dans la continuité de celui-ci. J’avais déjà entendu parler du concept de micro-forêt et de ses bienfaits sur la biodiversité, alors j’ai cherché des experts pour m’aider à le réaliser.
Je suis convaincu qu’individuellement, on peut déjà faire beaucoup.
« Si chacun plante une arbre tous les ans, cela ne lui coûtera pas très cher, mais le bénéfice collectif sera immense. »
Stefan Chorus, Associate Managing Director de Streff
Quel a été le rôle du CDEC dans ce projet ?
Camille Hermans, bioingénieur et Sustainability and Circular Economy Project Manager au CDEC : L’un des objectifs du groupe est d’aider le secteur de la construction à réduire son empreinte carbone en vue de respecter les réglementations nationales et européennes, notamment le Green Deal, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030.
« À travers des formations et des conférences, nous exposons aux entreprises les solutions qui leur permettront d’y parvenir. Cela peut passer par des matériaux bas carbone, biosourcés ou encore par la végétalisation des toitures, murs et abords des bâtiments. La micro-forêt fait partie de ces solutions, nous avons donc mis en relation les différents acteurs afin de réaliser ce projet ensemble. »
Camille Hermans, bioingénieur et Sustainability and Circular Economy Project Manager au CDEC
Qu’est-ce qu’une micro-forêt ?
Chris Fasbender, architecte chez Vereal : La méthode pour créer une micro-forêt a été développée par un botaniste japonais, Akira Miyawaki, dans les années 70, mais elle a été pensée pour un climat très différent du nôtre, alors je m’écarte toujours un peu du dogme pour adapter mes projets au contexte.
Créer une micro-forêt, c’est avant tout amener de la biodiversité sur un site. Et peu importe le nombre de m2 ! On s’inspire pour cela de ce qui se passe dans une vraie forêt, où les glands du chêne tombent et germent sans se préoccuper de garder une distance de 4 ou 6 m avec leur voisin. Une micro-forêt se caractérise donc par sa densité de plantation : 3 ou 4 très jeunes plants par m2, ce qui est énorme. On laisse ensuite la sélection naturelle opérer : 1.500 à 1.600 végétaux ont été plantés ici, certains prendront de la force, d’autres « lâcheront ».
Un autre point important est de bien couvrir le sol. Dans ce projet, nous l’avons fait avec des copeaux de bois. Plus tard, lorsque les plantes se seront étoffées et que différentes strates de plantations se seront développées, la couverture se fera de manière naturelle. Cela permet de conserver l’humidité dans le sol et d’y favoriser la prolifération d’organismes vivants qui sont indispensables pour le régénérer, le nourrir et permettre aux végétaux de croître.
Stefan Chorus : Il faut savoir qu’il y a plus de bactéries dans une poignée de terre, que d’hommes dans le monde !
Comment les plantes sont-elles sélectionnées ?
Chris Fasbender : Nous analysons le terrain et privilégions les plantations indigènes parce qu’elles sont assez solides pour grandir dans nos régions, ne menacent pas l’écosystème et apportent une grande biodiversité car les plantes, les pollinisateurs et les organismes qui vivent dans le sol évoluent en symbiose. Pour les choisir, nous nous basons sur des listes établies par des associations scientifiques.
Dans cette micro-forêt revisitée, on trouve, entre autres, de la viorne (Viburnum Opulus), du cornouillet (Cornus Alba), du noisetier (Sambucus Nigra) ou encore de l’érable champêtre auxquels s’ajoutent, en lisière, des plants inspirés des forêts nourricières : des groseillers, des framboisiers, des petits pommiers et poiriers.
« Le mélange des espèces garantit la richesse du sol : chacune y prend et y apporte des éléments différents en fonction de ses besoins. »
Chris Fasbender, architecte chez Vereal
Camille Hermans : La diversité des espèces végétales permet également à l’aménagement d’être plus résilient face aux changements environnementaux.
Quels sont les avantages d’une micro-forêt ?
Camille Hermans : Les arbres captent du CO2 via la photosynthèse, donc ils réduisent l’impact carbone. Au niveau des services écosystémiques, ils permettent de lutter contre les inondations car leur feuillage et leur branchage atténuent l’impact des fortes pluies et leur système racinaire assure une meilleure cohésion du sol, donc évite l’érosion. En réfléchissant les rayonnements solaires et en fournissant de l’ombre, ils régulent la température, et l’évapotranspiration rafraîchit l’air ambiant. De plus, de nombreuses études démontrent que la nature est favorable au bien-être.
Stefan Chorus : Lors d’un stage que j’ai fait il y a quelques semaines avec une association canadienne, l’Université dans la nature, dans le cadre du programme B-Corp, nous avons fait une petite excursion lors de laquelle nous avons « expérimenté » la forêt, avec tous nos sens, et nous avons pu ressentir le bien que nous procure la nature. Il est prouvé scientifiquement qu’être en contact avec la nature régule le stress et la tension artérielle.
Combien de temps faut-il pour qu’une micro-forêt comme celle-ci soit mature, qu’elle apporte de l’ombre ?
Chris Fasbender : On commencera à avoir un effet « buissonnant » dans 3 ans environ.
Stefan Chorus : Les bénéfices de cet aménagement ne se feront pas sentir tout de suite. Ils apparaîtront très progressivement, ce qui est complètement contraire à notre rythme de vie actuel. Mais je suis content de voir que la plupart des tiges portent déjà des feuilles. J’espère que cela se développera bien au cours des prochaines années, même si je suis conscient que nous perdrons une partie des végétaux, parce que certains prendront le dessus sur les autres, dépendant de leur capacité. Il est possible aussi qu’une variété ne se plaise pas. Ça va s’autoréguler.
Est-ce qu’il faut prévoir un entretien pour ce type d’aménagement ?
Chris Fasbender : Les trois premières années, il faudra éventuellement donner un petit coup de main aux végétaux en attendant qu’ils soient assez forts pour se développer seuls.
Mélanie Trélat
Photos : Fanny Krackenberger