Mieux valoriser et protéger nos forêts
Le ministère du Développement Durable et des Infrastructures analyse l’état des lieux des forêts et du secteur forestier au Grand-Duché de Luxembourg et lance le projet de l’élaboration d’un nouveau Code Forestier
Quelques chiffres remarquables
Nos forêts remplissent beaucoup de fonctions des plus importantes. Elles :
– sont le plus grand réservoir de biodiversité du pays
– protègent les sols qui filtrent notre eau potable : 14.300 ha de forêts sont situés au niveau d’une zone de protection d’eau
– sont des filtres à air géants : 50 tonnes de poussière sont captés par ha et par an
– nous font respirer : elles produisent de 15 [feuillus] à 30 [résineux] tonnes d’oxygène par ha et par an
– luttent contre l’érosion et régulent le débit des eaux courantes : 30% des forêts luxembourgeoises sont situés en pente et protègent ainsi le sol, tout en permettant une meilleure infiltration de l’eau
– constituent un grand réservoir de carbone : leur volume de stockage de C02 correspond à 7 ans d’émissions de C02
– accueillent les visiteurs qui éprouvent un besoin de se ressourcer : 99 % des forêts sont accessible à la récréation
– offrent des emplois en zones rurales : 650 personnes travaillent dans le secteur
– produisent un matériau renouvelable grâce à l’énergie solaire, soit chaque année en moyenne 900.000 m3 de bois, dont 2/3 sont récoltés
– sont un musée en plein air : environ 9.000 objets relevant du patrimoine historique sont recensés, d’autres sont ensevelis sous terre et sont encore inconnus
– produisent des services écosystémiques, hors fourniture de bois, d’une valeur estimée au bas mot à 30 millions d’euros par année (évaluation monétarisée des services non-marchands rendus par la forêt par l’étude Robert Costanza pour forêts de la zone tempérée : 277 $/ha/an, soit 350 EUR/ha/an actualisés)
Il faut aussi savoir que :
– l’intégralité de la forêt publique luxembourgeoise est inventoriée, 88 % de sa surface est gérée suivant un plan de gestion pluriannuel
– environ 65 % des forêts sont protégés en tant que biotopes suivant l’article 17 de la loi sur la conservation de la nature
– environ 4.800 ha de forêts sont classés en réserve naturelle : réserves forestières intégrales : 1.257 ha, réserves forestières : 29 ha, forêts situées dans d’autres réserves naturelles : 3.500 ha
Les enjeux
Les forêts luxembourgeoises ne sont pas sans problèmes :
– La forêt luxembourgeoise est en général trop âgée : 9.500 ha de hêtraies ont dépassé l’âge optimal de récolte
– d’où une augmentation considérable des risques phytosanitaires
– par contre, ces forêts âgées présentent une grande valeur écologique et présentent une biodiversité particulière liée aux bois sénescents et bois morts.
– Nos forêts sont souvent fractionnées par des voies de communication et l’urbanisation, et les propriétés forestières sont souvent éparpillées, ce qui les rend plus fragiles
– La forêt luxembourgeoise est sous-exploitée.
– Nos forêts souffrent des impacts liées aux activités humaines (pollution de l’air, changement climatique…) : leur état de santé s’est constamment détérioré les 30 dernières années, touchant toutes les essences forestières ; l’état de la santé des forêts est suivi en permanence ; les résultats du dernier inventaire phytosanitaire sont disponibles
L’état de santé des forêts - Inventaire phytosanitaire 2015
L’état de santé des forêts est relevé depuis 1984 par l’Administration de la nature et des forêts sur un réseau systématique de placettes d’observation. Ces relevés réguliers permettent de détecter des changements et d’évaluer les risques. Les informations obtenues deviennent une base primordiale pour des décisions politiques forestières et environnementales.
De mi-juillet à mi-août 2015, 5 experts forestiers ont analysé 1.200 arbres afin de :
– déterminer l’état du feuillage - une feuillaison complète correspond à une valeur de perte de 0 %, celle d’un arbre mort à 100 %,
– observer la décoloration des feuilles et aiguilles de la cime des arbres,
– documenter la présence de parasites tels qu’insectes et champignons,
-définir sur base de ces analyses les classes de dégâts.
Les résultats de 2015 montrent que l’état de santé des forêts s’est stabilisé sur un mauvais niveau :
– 30 % des arbres ne présentent pas de dommages (classe de dégâts 0),
– 36,5 % des arbres sont légèrement endommagés (classe de dégâts 1),
– 32,9 % des arbres sont nettement endommagés (arbres moyennement endommagés, fortement endommagés ou arbres morts - classes de dégâts 2, 3 et 4).
Comme les années précédentes la dégradation diffère toutefois d’une espèce à une autre :
– Hêtre : L’état de santé du hêtre s’est stabilisé sur un mauvais niveau. Bien que le pourcentage de hêtres nettement endommagés se soit amélioré de 2,8 points, une détérioration dans la catégorie des hêtres légèrement endommagés a pu être constatée. Cependant une diminution de hêtres sans dommages de 14,9 % à 12,8 % a été observée.
– Chêne : L’état des cimes des chênes s’est légèrement aggravé en 2015. Avant tout le pourcentage d’arbres légèrement endommagés a augmenté de 7,1 points par rapport à l’inventaire précédent. Le pourcentage de chênes sans dommages a diminué de 26,4 % à 20,1 %. Le pourcentage de chêne nettement endommagés est resté à peu près constant.
– Taillis de chêne : Une amélioration de l’état des cimes chez les taillis de chêne a pu être observée. Le pourcentage de taillis sans dommages a diminué de 31,9 % à 24,3 % (situation 2015). Dans la classe de dégâts 2 une amélioration de 11,8 points a été constatée. Le pourcentage d’individus nettement endommagés s’est légèrement amélioré.
– Résineux : Pour les résineux, l’état de santé reste relativement stable. Le pourcentage d’individus nettement endommagés a augmenté de 1,4 point, de 17,4 % à 18,8 % (situation 2015). Dans la classe de dégâts 2 des résineux légèrement endommagés une diminution de 1,3 point a été observée. Le pourcentage des individus sans dommages est resté presque stable.
Conclusions et mesures
Il faut continuer à gérer durablement les forêts luxembourgeoises pour qu’elles puissent continuer à assurer leurs fonctions et fournir les services écosystémiques pour le bien-être de la population. Cette nécessité de gestion durable est renforcée par le changement climatique qui exige des forêts résilientes.
Dans cette optique, le MDDI poursuit ses projets visant à améliorer la protection et la gestion durable des forêts, de même que la valorisation des produits et des services des forêts. Cela concerne :
– l’application d’une sylviculture proche de la nature et la poursuite de l’effort de régénération ;
– la conversion de certaines forêts régulières en forêts mélangées et structurées ;
– l’élaboration et l’implémentation sur le terrain de plans d’actions espèces rares et habitats protégés ;
– la mise en place de réserves forestières naturelles, d’îlots de vieillissement, maintien d’un nombre suffisant d’arbres bio ;
– la mise à disposition d’un nouveau système d’aides financières de l’Etat, notamment des aides en faveur de la biodiversité en forêt ;
– l’étude pour une meilleure valorisation locale et régionale du bois, ainsi que le respect de la cascade d’utilisation du bois.
Le MDDI a également initié un processus de révision de la législation nationale se rapportant à la forêt. Ce projet est nécessaire en raison de dispositions en partie très anciennes (17-19e siècles) et parfois contraires aux résolutions internationales signées par le Luxembourg, en raison des nouveaux défis liés aux changements climatiques et à la suite d’une pression croissante sur la forêt, ses biens et ses services.
Le but de cette initiative est de créer un vrai Code forestier, constituant un cadre légal moderne et innovant pour les défis actuels et futurs de la forêt et du secteur forestier, et réunissant sous une forme cohérente toutes les dispositions en relation avec la protection et la gestion durable des forêts. Ainsi, la législation sur la forêt devient plus transparente et plus facilement accessible.
Les réunions organisées dans le cadre du Programme forestier national (PFN) entre les partenaires du secteur ont permis de dégager des opinions constructives et déjà bien élaborées. Quelques exemples de points qui ont fait l’objet d’un consensus :
– La vision globale est que la gestion durable des forêts, y compris sa protection, vise la fourniture équilibrée de biens et de services écosystémiques pour la société.
– La couverture forestière nationale doit être maintenue.
– L’équilibre entre le gibier et la forêt doit être assuré.
– Les objectifs et les plans pour les forêts publiques doivent être élaborés en étroite concertation et collaboration avec tous les propriétaires.
– L’utilisation de pesticides en forêt doit être interdite, mais peut être autorisée en cas de nécessité absolue caractérisée par l’intérêt général, respectivement par la santé publique.
– Le propriétaire forestier devrait bénéficier d’un soutien de l’Etat pour la fourniture de services écosystémiques, y compris l’accomplissement de fonctions spéciales de protection dans l’intérêt général.
Afin de faire progresser le travail d’élaboration du Code forestier, le MDDI a demandé à la Chambre des Députés de bien vouloir apporter des éléments d’orientation au projet dans le cadre d’un débat de consultation.
Source : ministère du Développement Durable et des Infrastructures