Pas logés à la même enseigne !
Une étude démontre l’impact très inégal des politiques sociales et fiscales en matière de logement sur le revenu des ménages. Les propriétaires les plus aisés s’y retrouvent mieux que les locataires moins bien lotis…
« Un grand nombre d’études menées dans différents pays européens montrent que les systèmes de taxation et de mesures sociales ont tendance à favoriser les propriétaires par rapport aux locataires. Qu’en est-il au Luxembourg ? »
C’est une question, posée en préambule à l’étude menée par l’Observatoire de l’Habitat, avec le LISER, sur demande du ministère du Logement, en vue du débat parlementaire sur la fiscalité…
Et la réponse indique que, oui, il y aura du grain à moudre dans ces débats sur les politiques fiscales prévus par la Chambre des députés en 2022 ! Car il est désormais démontré, chiffres édifiants à l’appui, que les mesures fiscales et sociales en matière de logement profitent dans une large mesure aux propriétaires d’abord et, parmi eux, aux propriétaires les plus aisés.
C’est la « neutralité fiscale » qui est en jeu et, derrière, le système d’aides au logement qui est en pleine réforme, dans un pays où l’accès au logement reste problématique pour nombre de citoyens tandis que le boom immobilier continue d’enfler…
De grandes disparités... et un biais aux effets pervers
Le ministre Henri Kox a donc voulu s’appuyer sur une base solide, présentant l’impact de la fiscalité d’une part, des aides sociales de l’autre, sur les revenus des ménages au Luxembourg.
Les résultats sont compilés par l’Observatoire de l’Habitat – Note 30 – et ils soulignent de grandes disparités, selon le niveau de vie des ménages, selon que l’on soit locataire ou propriétaire aussi, les effets cumulatifs n’étant pas absents…
Selon l’Observatoire de l’Habitat, « les propriétaires des deux quintiles (NDLR : l’échantillon des citoyens est divisé en cinq tranches) supérieurs, qui représentent 33% des ménages du Luxembourg, bénéficient de 56% des gains résultant des dispositifs socio-fiscaux actuels liés au logement. Les propriétaires des deux quintiles inférieurs qui représentent 20% des ménages du Luxembourg bénéficient de 18,5% des gains résultant des dispositifs socio-fiscaux actuels ».
La note 30 montrant notamment un avantage fiscal en faveur des propriétaires, il y a un biais qui peut avoir des effets pervers. Par exemple, note le ministre Kox, « en incitant les ménages à surinvestir dans le secteur immobilier, il peut engendrer un effet d’éviction pour les autres types d’investissement et contribuer ainsi à une hausse de la volatilité des prix de l’immobilier ».
Mieux cibler
Le ministre se voit ainsi conforté dans sa stratégie pour « mieux cibler les aides publiques pour la réalisation du droit au logement ».
Rappelons quelques mesures déjà lancées, comme un programme de création de logements abordables publics notamment appuyé sur les lois de financements de grands projets, le Pacte logements 2.0, la création du fonds spécial ou la réforme des Aides au logement avec le projet de loi du logement abordable. « Par la réforme des aides individuelles, nous visons également à renforcer les mesures qui bénéficient aux ménages qui en ont le plus besoin, que ce soit pour les locataires ou pour les accédants à la propriété ».
D’où cette étude qui porte sur l’ensemble des dispositions fiscales et sociales en matière de logement. Elle a évalué les gains moyens (ou les pertes moyennes) de revenus du-e-s aux différentes mesures, selon le niveau de vie et le statut d’occupation des ménages. Cet impact financier a aussi été comparé. Les chercheurs du LISER ont appliqué un modèle de microsimulation en ayant recours aux données fournies par Eurostat, le Statec et différentes administrations luxembourgeoises.
Elle a balayé les aides à la location (logements abordables ou modérés, subvention de loyer), les aides pour les accédants à la propriété et les propriétaires (subvention et bonification d’intérêt, déduction fiscale sur les intérêts d’emprunt pour une résidence principale, Bëllegen Akt, prime d’acquisition ou de construction, TVA logement, exemption fiscale du loyer imputé, l’impôt foncier et la déduction des cotisations à un contrat épargne-logement), les aides pour les investisseurs (frais d’obtention sur les revenus locatifs).
L’offre gagne plus que la demande
Pour les propriétaires, il apparaît notamment que l’impôt foncier a un effet très marginal au Luxembourg étant donné son niveau faible. Que la non-imposition des loyers imputés (soit le revenu fictif obtenu par un propriétaire-occupant pour le service de logement qu’il se rend à lui-même) bénéficie fortement aux ménages les plus aisés, souvent propriétaires de leur résidence principale. Ou encore que les déductions sur les revenus locatifs permettent un gain important pour les ménages plus aisés qui disposent de logement(s) mis en location.
Côté locataires, les moins aisés bénéficient de la subvention de loyer et des logements locatifs subventionnés. Mais la part de ménages bénéficiant de ces logements est très limitée du fait de l’offre restreinte : il est estimé que seulement 2% des logements sont « abordables ».
Alain Ducat
Photo © MLOG : Henri Kox, ministre du Logement, avec Antoine Paccoud, Observatoire de l’habitat/Liser.
Illustrations : Observatoire de l’Habitat/LISER
Résumé de l’étude et chiffres-clés disponibles ici (pdf)