« Peintures Robin - Croisade pour l’environnement »
Les peintures Robin ont remporté, pour la quatrième fois, le Prix de l’Environnement de la Fedil. Dont dernièrement avec le produit RobinLoop issu du recyclage de peintures et laques provenant des centres de tri de la SuperDrecksKëscht.
Les peintures Robin ont remporté par la quatrième fois le Prix de l’Environnement de la Fedil. Une première fois en 2002 pour la gamme RobinHyd, une peinture diluable à l’eau, puis en 2013 avec Verdello, une peinture murale à base d’huile végétale, 100% renouvelable et certifiée cradle to cradle, deux ans plus tard avec le produit LuxLin, une lasure pour bois élaborée sur une base d’huile de lin luxembourgeoise et enfin, tout récemment, fin 2021 avec le produit RobinLoop issu du recyclage de peintures et laques provenant des centres de tri de la SuperDrecksKëscht.
À entendre Gérard Zoller, CEO de l’entreprise depuis 2017, mais qui l’a intégrée dès 1986, cette croisade pour l’environnement, que ne renierait pas le chevalier Robin du logo de la marque, est une histoire continue car l’entreprise ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et accélère les recherches dans son laboratoire pour trouver de nouvelles façons de produire des peintures, de plus en plus neutre pour l’environnement.
Revenons rapidement sur l’histoire de l’entreprise. Selon vous, quelles sont les dates clés à retenir ?
Pour moi, il y a principalement deux dates très importantes dans l’histoire de l’entreprise. D’abord sa fondation en 1927. Le site d’Useldange où nous sommes aujourd’hui était occupé depuis 1864 par un moulin à blé et une scierie. En 1924, il a été transformé en atelier de production de peinture, sous l’enseigne Prior, mais cette première usine a été détruite par un incendie. Suite à cela, les Peintures Robin ont été fondées par sept hommes d’affaires qui ont choisi le nom de leur entreprise en référence à l’un des derniers chevaliers du château d’Useldange. Cette référence continue d’être importante pour nous, car nous voulons être dignes de cette image de tradition et de noblesse.
La deuxième date importante est sans aucun doute la construction d’une nouvelle usine, inaugurée en 2007. La précédente usine était devenue obsolète. Or, nous voulions continuer à produire localement et non pas devenir grossistes en peinture, comme d’autres en avaient fait le choix en raison du coût élevé de la main d’œuvre au Luxembourg. Pour compenser ces charges qui pèsent sur la compétitivité de l’entreprise, nous avons adopté une organisation holacratique (l’holacratie consiste à donner le pouvoir de gouvernance à l’organisation elle-même plutôt qu’aux egos de ses membres, ndlr) qui s’avère très efficace et permet de contenir la croissance des effectifs. Nous avons créé des petites cellules indépendantes pour chacun de nos métiers. Celles-ci fonctionnent en autonomie, ce qui fait que les décisions se prennent plus vite et plus efficacement. Nous avons également réduit les fonctions support au minimum nécessaire, car celles-ci sont décentralisées dans les cellules et prises en charge en grande partie par le personnel de terrain. Par exemple, les recrutements et la formation sont assurés directement par les cellules opérationnelles. L’idée est que chacun des 107 employés se sente investi et ait un esprit d’intrapreneur. Cela crée une excellente dynamique dans l’entreprise.
L’histoire récente, c’est la crise sanitaire. Quelles leçons en tirez-vous ? Comment s’est passée votre année 2021 ?
Le fait de servir plusieurs segments de marché nous a beaucoup aidés. Nous fournissons à la fois l’industrie, le secteur automobile, la menuiserie et la construction et nous avons même une activité de travail à façon, c’est-à-dire que nous opérons des mélanges de composants chimiques pour le compte de tiers. Ces différents segments n’ont pas souffert de la même façon ni au même moment, ce qui a été salutaire pour nous. En fin de compte, nous n’avons pas enregistré d’impact négatif sur notre chiffre d’affaires, ni sur notre résultat.
Bien sûr au tout début de la crise, quand tout s’est arrêté, nous avons dû réagir en urgence. Nous avons réuni tous les responsables des cellules dont je parlais tout à l’heure pour réfléchir ensemble. C’est là que l’un d’eux a remonté l’idée d’un ouvrier de fabriquer du gel hydroalcoolique. Nous avons démarré cette production avant même d’avoir obtenu toutes les autorisations, car les machines et les matières-premières étaient disponibles. En temps de crise, il faut penser un peu autrement et ne pas suivre les chemins classiques. Surtout qu’au début, on passe en mode survie. On coupe tous les frais qui ne sont pas absolument nécessaires et on cherche des relais de chiffre d’affaires. Nous avions même envisagé de louer notre flotte de camions à des transporteurs ou à d’autres industriels. Il faut faire preuve d’imagination et c’est aussi en cela qu’une organisation décentralisée est efficace.
Votre entreprise est engagée dans plusieurs démarches vertueuses concernant l’environnement. Pouvez-vous nous dire quelle est l’origine de cet engagement et comment il se concrétise ?
Nous menons en effet depuis plusieurs années une réflexion globale autour d’un projet qui s’appelle transition écologique. Cependant, comme vous l’avez souligné, nous ne sommes pas une jeune entreprise. Nous avons donc tout un historique de process, nous avons notre portefeuille de clients à contenter, notre portefeuille de produits à faire vivre. Tout ne peut donc pas être vertueux du jour au lendemain. Mais nous travaillons, nous avançons, nous trouvons des solutions. Comme je le disais, notre démarche est globale. La culture participative de l’entreprise en fait partie. Nous réfléchissons également à diminuer le nombre de gadgets publicitaires que nous utilisons et à les remplacer par des cadeaux plus durables. Tous ces aspects font partie d’un long chemin auquel il faut faire adhérer tout le monde, notamment les commerciaux quand il s’agit de la politique des objets publicitaires.
Le défi le plus important est l’évolution de notre gamme qui doit devenir compatible avec cette transition, en étant biosourcée et biodégradable. À ce jour, nous avons lancé trois projets. Leur succès a été inégal. Les clients ne sont pas forcément prêts à accepter une qualité et des propriétés différentes pour un même type de produit et les fournisseurs ne proposent pas toujours les composants dont nous aurions besoin, alors que nous dépendons d’eux.
Mais, preuve que la situation évolue, nous avons été approchés par de grands acteurs de la chimie européenne qui nous ont proposé de travailler sur des solutions, car ils ont vu en nous des précurseurs. Comme quoi, on peut faire bouger les choses même en étant une petite entreprise.
En 2021, vous avez lancé la peinture RobinLoop pour laquelle vous avez reçu le Prix environnement de la Fedil, dans la catégorie « produit ». Quel bilan faites-vous de cette opération ? Est-ce rentable ? Allez-vous poursuivre dans cette voie ?
C’est un produit fabriqué à base de restes de peintures collectés par la SuperDrecksKëscht. Nous avons lancé ce projet après avoir réalisé que 1.000 tonnes de restes de peintures sont brûlées chaque année. Pour le moment le projet est encore en phase pilote. Pour qu’il prenne de l’ampleur il faudra y impliquer d’autres acteurs y compris les particuliers qui ont des pots chez eux. Il faut ouvrir ces nouveaux chemins.
Comment créez-vous de nouveaux produits ? Par quoi votre innovation est-elle tirée ? Quelle importance a la R&D dans votre entreprise ?
Nous avons un laboratoire interne où travaillent sept chimistes qui ont notamment pour mission de trouver des solutions écologiques pour sortir du « fossile ». Pour le moment toutes les peintures contiennent des constituants dérivés du pétrole. Nous devons donc trouver des composants naturels de remplacement, principalement à base de plantes. Et ce, sans faire concurrence à l’industrie agroalimentaire qui consomme 65% de la biomasse (lin, soja…) dans l’agriculture, pour l’alimentation des animaux. Nous rêvons d’une filière européenne pour nous approvisionner.
Nous menons des recherches sur le miscanthus (aussi appelée elephant grass, ndlr), qui peut être une alternative intéressante. D’autres essais sont menés actuellement sur des algues ou des coquilles d’huîtres. C’est dans l’ADN de la société d’explorer toutes ces pistes. Notre objectif est d’obtenir une peinture biodégradable et compostable. Évidemment, un tel produit ne pourra pas convenir pour les extérieurs, car elle ne résisterait pas aux intempéries. On peut aussi travailler sur la réduction du nombre de couches nécessaires. Toutes les pistes sont bonnes pour préserver des ressources.
N’est-ce pas particulièrement compliqué d’être vertueux quand on est actif dans la chimie ?
Notre volonté d’avancer sur un chemin vertueux est lié à notre réflexion éthique, mais pas seulement. La dimension économique est aussi présente, car nous sommes conscients que les consommateurs ne voudront bientôt plus que des produits naturels, moins toxiques, aussi bien pour eux que pour l’environnement. À cela s’ajoute un volet législatif, à mesure que le green deal européen va entrer en vigueur avec des lois contraignantes. Les trois aspects mis ensemble, philosophique, économique et législatif, nous obligent à avancer. Nous sommes aussi poussés par les jeunes qui veulent de plus en plus travailler dans des environnements attentifs à ces préoccupations.
Mais la grande question est celle de la croissance nourrie par toujours plus de consommation. J’ai l’impression que c’est l’éléphant dans la salle, que personne ne veut voir ! Les solutions techniques que l’on peut trouver ne suffisent plus. Il faut un changement profond de paradigme.
Est-ce que la solution ‘product as a service’ existe dans votre secteur ?
Pas encore chez nous, mais nous observons des évolutions intéressantes. L’industrie automobile par exemple, n’achète plus la peinture au litre mais au mètre carré de carrosserie couvert. Les fabricants de peinture sont donc incités à imaginer des produits plus performants, qui couvrent plus de surface avec moins de matière, pour un prix de revient plus intéressant.
Dans un tout autre domaine, une solution à laquelle nous avons pensé pour le Luxembourg serait de mettre en partage, au sein d’un quartier, les lasures que tout le monde utilise pour repeindre régulièrement son abri de jardin. Nous pourrions fournir la matière mais le système de partage devrait être organisé par les communes par exemple.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre activité ?
La principale difficulté c’est notre taille. L’Europe n’est pas faite pour les PME. Les directives européennes sont dictées par les multinationales. La transposition de ces directives devrait toujours avoir deux niveaux, dont un allégé ou retardé pour les petites sociétés, ou être assorties de mesures d’aides. Chez Robin, une personne travaille à plein temps rien que sur les directives européennes, pour s’assurer que nous sommes conformes. Cela représente une charge importante et un certain handicap pour notre compétitivité.
Une autre difficulté est la recherche de talents et ce point devient vraiment épineux avec l’écart qui se creuse entre la rémunération que nous pouvons offrir et celle qui est pratiquée dans le secteur public.
Un autre souci, en partie lié au précédent, est que des employés qui gagnent plus que le salaire minimum ne peuvent pas se loger au Luxembourg. Or, nous aimons bien faire travailler les personnes de notre région pour qu’elles puissent s’identifier à notre ancrage local.
Que mettez-vous en place pour retenir les talents ?
Il me tient à cœur que l’entreprise ait un visage très humain. Je ne souhaite pas que les gens mettent un masque pour venir travailler, un masque au sens figuré bien-sûr. Je veux qu’ils viennent avec leur humeur du jour et qu’ils se sentent à l’aise et écoutés, y compris dans les mauvais jours. Les faiblesses font partie de la vie. L’une de mes plus belles récompenses est d’avoir récemment entendu l’un des nouveaux commerciaux dire que cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas senti aussi bien dans une entreprise.
Une autre chose que nous avons instauré est le droit à la critique, y compris envers moi. C’est important que l’insatisfaction puisse s’exprimer.
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Notre grand projet du moment est le lancement d’une gamme qui s’adresse aux particuliers et qui répond à la tendance du Do it yourself. Pour cela, nous avons mis au point un produit facile d’application et nous avons adopté un branding attractif sur des packagings dont la taille est adaptée aux besoins des consommateurs. Les emballages en métal sont entièrement recyclables. Et pour promouvoir cette gamme, nous ouvrons un Flagship store à Leudelange, conçu comme un lieu d’inspiration, ouvert au public mais aussi aux architectes, décorateurs… Nous allons y proposer des animations et des formations sur l’accord des couleurs par exemple.
Une fois que ce projet sera sur les rails, nous allons aussi repenser les emballages des produits BtoB qui vont rester en plastique mais pourront être fabriqués en matière recyclée.
L’important est de toujours rester optimistes et d’anticiper en permanence. C’est pour cela qu’à plus long termes nous nous intéressons à l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, la réalité virtuelle ou encore le big data. Nous réfléchissons sans attendre à ce que toutes ces nouvelles technologies pourraient signifier pour notre secteur. Pour rester créatif, il est important de se ménager des pauses, de prendre du recul par rapport au quotidien et de réfléchir. Je fais cela au moins deux fois par an.
Actualité de notre partenaire la Chambre de Commerce du Luxembourg
TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize et Peintures Robin (10)
Pour plus d’informations : www.robin.lu
Légende photo : Gérard Zoller, CEO, Peintures Robin