Penser les matériaux de leur production à leur réutilisation
Recycler les matériaux de construction est un défi de plus en plus complexe pour les centres de tri et de traitement des déchets.
Depuis 1994, sur son site de Sanem, ECOTEC trie, extrait les matériaux recyclables et se charge de leur pré-traitement dans le but de leur donner une nouvelle vie, soit en les transformant en nouvelles matières premières secondaires, soit en les revalorisant thermiquement pour produire de la chaleur et de l’électricité. Entre 2016 et 2018, le taux de valorisation est passé de 90 % à 95 %.
En raison des évolutions dans les matériaux utilisés sur les chantiers, le centre de tri est confronté à des challenges de taille. « Ce que les producteurs cherchent actuellement, c’est à mettre des produits rapidement sur le marché en faisant des économies budgétaires sur l’utilisation des matériaux, tout en augmentant les performances d’isolation thermique.
Il est important de mentionner que le coût des matières premières est en constante augmentation. Cela dit, les conditions de leur futur recyclage ne sont pour la plupart du temps pas pris en compte… Par exemple, nous avons reçu depuis peu des chutes de production - donc des produits qui sont actuellement utilisés sur les chantiers de construction -, qui sont réalisées en matériaux composites. On y trouve du bois, de la laine de verre, du polystyrène expansé graphité.
Qu’allons-nous pouvoir faire de ces matières ? Les séparer est presque impossible, car elles sont collées. Par conséquent, il est très difficile de récupérer le bois et le polystyrène pour la valorisation matière ou la valorisation thermique. De plus, il est impossible d’aller en décharge avec la laine minérale car le taux de matière organique est trop élevé », explique David Bousrez, directeur d’ECOTEC. Ces casse-têtes représentent son quotidien.
Autre questionnement sur ces produits de plus en plus répandus sur le marché : a-t-on effectué suffisamment de tests pour s’assurer qu’ils n’auront pas d’impact sur la santé et l’environnement ? « Il y a quelques décennies, on ne savait pas que les plaques ondulées, ardoises artificielles, etc. amiantées contenaient des fibres pouvant causer le cancer de la plèvre (mésothéliome) », ajoute le directeur. « Les déchets qui ne sont pas dangereux aujourd’hui, peuvent le devenir. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y a pas d’autre solution que d’aller en enfouissement avec ces déchets dangereux. »
Certains produits sont plus facilement recyclables, tels que les châssis de fenêtre en PVC : le PVC va être broyé, nettoyé, regranulé et puis revendu. Toutefois la couche recyclée sera insérée à l’intérieur du châssis car il très difficile avec un produit recyclé de garantir la même résistance aux UV que les matériaux vierges mélangés à certains adjuvants. Il sera difficile d’aller plus loin dans le recyclage en maintenant un bon niveau de qualité du châssis. « Recycler à l’infini n’est pas évident », confirme M. Bousrez.
Que faire pour valoriser cycliquement les matériaux ? Revenir aux anciennes techniques n’est sans doute pas la solution : « les matériaux utilisés dans des bâtiments qui ont plus de 50 ans étaient très faciles à séparer et à revaloriser, mais ces habitations étaient très énergivores »
Légiférer au niveau national peut être envisagé, mais le Luxembourg se retrouve face à un marché mondial sur lequel il n’a pas d’influence, et les prix des matières premières secondaires ont fortement chuté ces derniers temps.
ECOTEC cherche constamment de nouvelles voies de recyclage, en gardant à l’esprit que les coûts sont généralement très élevés et que les investissements doivent être rentables.
Le responsable du centre de pré-traitement est bien entendu très ouvert à l’éco-conception et à l’économie circulaire de manière générale. Reste qu’il n’est pas évident de rassembler tous les acteurs autour de la table, ni de trouver les bons produits qui pourront être recyclés à l’infini.
« Pour moi, le but est de recycler au maximum, ou de trouver des procédés pour revenir à la ressource initiale. Il faudrait pouvoir revenir par des procédés thermochimiques à des molécules simples qui serviraient de base pour produire des nouveaux matériaux vierges. Tout cela passe par des projets de recherche que l’Union européenne développe à plusieurs niveaux, mais cela prend du temps », conclut David Bousrez.
Marie-Astrid Heyde
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