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Circularité des produits : une norme ISO créée au Luxembourg
Depuis début février, une nouvelle norme internationale définit les exigences pour la création de fiches de données de circularité des produits (PCDS). Elle est le fruit d’un long processus entamé en 2020 avec le dépôt de la proposition auprès de l’Organisation internationale de normalisation (ISO), par le ministère de l’Économie luxembourgeois.
Petite entrée en matière pour bien comprendre la norme encadrant le PCDS – Product Circularity Data Sheet, grâce à cette explication de l’ILNAS (Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services) :
« En fournissant les exigences pour élaborer une fiche de circularité produit – Product Circularity Data Sheet (PCDS), cette norme fixe un cadre général afin de favoriser les échanges d’informations de circularité des produits, telles que le taux de recyclabilité ou encore le taux de réparabilité. Elle établit, entre autres, les exigences relatives à l’élaboration d’un PCDS, notamment les déclarations de circularité obligatoires et facultatives à fournir, ainsi que le format de déclaration à utiliser lors de la création d’un modèle de PCDS. Ces aspects ont notamment pour but de favoriser le partage de données de circularité de manière harmonisée. La norme fournit également des recommandations sur la gestion et le partage d’une PCDS. »
Son auteur, Jérôme Petry, Director Circular Economy and Clean Technologies au ministère de l’Économie, détaille ce travail en 3 questions :
Comment s’est déroulée la création de la norme ISO 59040 ?
« En 2019, quand nous avons créé le PCDS en collaboration étroite avec les industries, nous avons dû choisir entre deux directions : celle d’une norme privée, régie par des règles que nous définissions à l’échelle luxembourgeoise ; ou celle d’une norme ouverte et collaborative, reconnue à l’international. Nous avons rapidement opté pour la seconde voie, qui impliquait de facto un rayonnement international pour la norme, et la vérification des informations reprises dans les PCDS par un audit. Ce contrôle garantit la qualité et la véracité des affirmations communiquées.

Deux institutions de normalisation étaient envisageables : ISO, ou son équivalent européen, le CEN (Comité européen de normalisation, NDLR). L’Organisation internationale de normalisation élargissait le champ d’action et était à l’époque aussi la seule à disposer d’un comité technique consacré à l’économie circulaire : le TC 323.
En avril 2021, nous avons déposé un New Work Item Proposal (NWIP) pour formaliser le processus de standardisation.
La demande ayant été initiée par le Luxembourg, il nous revenait d’en assurer le secrétariat. Cette mission a été assurée par l’ILNAS. Pour ma part, j’étais à la fois le convenor du Working Group 5 dédié au PCDS ; et l’éditeur de la norme, avec la responsabilité de garantir la conformité du texte aux directives ISO. Le Chinois Ding Shuang a été nommé co-convenor de ce WG5.
Très régulièrement, des réunions regroupant des acteurs internationaux étaient organisées, soit à distance, soit en présentiel ou en mode hybride, notamment à Luxembourg en 2023 et à Paris en 2024. Trois ans et demi plus tard, en février 2025, la norme est finalement officiellement publiée.
Quels ont été les principaux défis dans ce processus ?
« Un tel travail collaboratif demande une gestion rigoureuse des réunions, avec une coordination entre les différents fuseaux horaires (États-Unis, Europe, Australie, Chine, etc.).
Chaque pays a également ses propres exigences et ses propres réserves. Il n’a donc pas été évident d’obtenir un consensus international, que ce soit sur le contenu des déclarations, ou sur leur caractère obligatoire ou facultatif. Exiger qu’une grande part de déclarations soit obligatoire était pour nous primordial. Des compromis ont été nécessaires pour aboutir à un résultat satisfaisant pour tous les partis.
Quels sont les avantages de la norme ISO 59040, qui donnent au Luxembourg une position stratégique dans son développement ?
« Grâce à cette initiative, le Luxembourg se positionne comme un leader dans la normalisation de l’économie circulaire. Cette norme garantit un cadre harmonisé permettant aux acteurs – PME, industries – de travailler avec des données standardisées et reconnues mondialement. Ce cadre garantit par ailleurs le maintien du secret professionnel, puisque le document reprend une série d’affirmations – ou négations – sans dévoiler les détails de fabrication.
Autre aspect très important à nos yeux : l’accès à la norme ISO, bien que payant, a un coût abordable. Il était essentiel pour nous de ne pas imposer de charges excessives, en particulier pour les PME. »
Le marché évoluant, la norme sera révisée tous les cinq ans. Ce délai permettra également d’observer son évolution, notamment en Europe dans le cadre des passeports digitaux (DPP). La norme ISO intervient comme système de communication de propriétés circulaires d’un produit sur toute sa chaîne de valeur, qui appuie et confirme les informations communiquées dans le passeport digital. Le PCDS est en ce sens un fournisseur d’informations pour les futurs DPP.
Au Luxembourg, le groupement d’intérêt économique Terra Matters a été créé en 2023 pour développer la solution PCDS auprès des PME et industries.
La norme ISO 59040 est disponible sur le site de l’ILNAS.
Marie-Astrid Heyde