Photovoltaïque chinois : Bruxelles sanctionne !
La Commission européenne s’est lancée mardi dans un bras de fer avec la Chine dans le secteur du solaire, malgré les réticences de plusieurs Etats de l’UE et les menaces de représailles commerciales de Pékin.
Bruxelles devait annoncer dans l’après-midi l’instauration de sanctions temporaires contre la Chine, a affirmé une source européenne. L’exécutif européen avait jusqu’à mercredi pour prendre cette décision sensible, aux enjeux à la fois commerciaux et politiques.
« On continue à négocier avec les Chinois mais on le fait désormais avec le pistolet chargé », a estimé une source communautaire sous couvert d’anonymat.
25%
La Commission va imposer pendant six mois des taxes sur les importations de panneaux solaires chinois, « par paliers », avec des taux qui devraient être inférieurs à 25% pour commencer, a indiqué cette source. Elle « se réserve la possibilité d’augmenter le taux jusqu’à 47% en moyenne, si les négociations n’avancent pas ».
La décision devrait être prise à 14H00 (12H00 GMT) et sera suivie d’une conférence de presse du commissaire européen chargé du Commerce, Karel De Gucht, selon une source proche des discussions. Elle sera publiée mercredi au Journal officiel de l’Union européenne.
En prenant cette mesure controversée, la Commission veut protéger l’industrie photovoltaïque européenne, dont la survie est menacée par les pratiques de dumping des industriels chinois. Environ 30.000 emplois sont en jeu, selon des chiffres avancés par la Commission.
Plusieurs firmes allemandes (Q-Cells et Solarhybrid) et françaises (Solar France) ont déjà mis la clé sous la porte ou ont été reprises comme la française Photowatts par EDF. Or, le solaire est présenté comme étant l’un des piliers de l’industrie verte créatrice d’emplois dans l’UE.
Alerté par un groupement d’entreprises européennes, Bruxelles a ouvert une enquête sur les pratiques chinoises, qui doit prendre fin en décembre. Mais sans attendre le résultat, elle a souhaité adopter des mesures d’urgence en sanctionnant la Chine via l’instauration de ces taxes.
En rétorsion, Pékin a lancé deux procédures antidumping contre des entreprises européennes et américaines. La dernière en date concerne les importations de perchloréthylène, un produit utilisé comme solvant pour le nettoyage à sec.
Pékin a jusqu’au dernier moment tenté d’infléchir la position de la Commission : le Premier ministre, Li Keqiang, s’est ainsi entretenu lundi soir par téléphone avec le président de la Commission, José Manuel Barroso, selon une source européenne.
Une UE divisée sur la question
Outre les autorités chinoises, la Commission a dû affronter plusieurs Etats membres qui se sont élevés contre l’instauration de ces taxes, en premier lieu l’Allemagne, le premier partenaire européen de la Chine, qui craint des représailles commerciales.
« De notre point de vue, les mesures de sanction ne sont plus nécessaires et c’est pour cela que l’Allemagne a dit non », a expliqué le ministre allemand de l’Economie, Philipp Rösler. Dix-sept autres pays, du même avis que l’Allemagne, ont milité en faveur d’une solution négociée entre Bruxelles et Pékin.
En réponse, M. De Gucht a plusieurs fois insisté sur la nécessité pour Bruxelles de conserver son indépendance pour les décisions sur des droits anti-dumping. « C’est le rôle de la Commission européenne de résister aux pressions extérieures et de prendre en compte le tableau dans son ensemble », a-t-il justifié.
A ce stade, l’avis des Etats membres n’était que consultatif, mais à la fin de l’année, ce sont eux qui devront décider si les mesure deviennent permanentes.
Le risque de voir la Commission désavouée est donc important. « M. De Gucht risque la Bérézina en fin d’année s’il ne parvient pas à obtenir une majorité qualifiée » des Etats pour imposer des taxes permanentes, a résumé le coprésident des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit.
Texte et photo AFP