Plan d’action pour une forêt saine
L’inventaire phytosanitaire des forêts du Luxembourg réalisé en 2016 montre que l’état de santé de nos forêts reste préoccupant : L’augmentation de la défoliation partielle des arbres observée pour certaines essences, surtout le hêtre, témoigne que plus de 38 % des arbres sont stressés.
La défoliation partielle est un mécanisme des arbres pour réduire leur surface d’échange avec l’environnement, notamment leur perte en eau ou l’absorption d’éléments nocifs, lorsque les conditions de milieu sont défavorables. Une mise en œuvre prolongée de ce mécanisme affaiblit les arbres.
Ce sont surtout la pollution de l’air et les événements extrêmes de plus en plus nombreux résultant des changements climatiques, tels que les périodes de sécheresses ou de sursaturation en eau, qui affectent négativement nos arbres et réduisent leur vitalité.
Les résultats de l’inventaire phytosanitaire des forêts du Luxembourg 2016
L’état de santé des forêts est relevé depuis 1984, par l’Administration de la nature et des forêts, basé sur un réseau national systématique de placettes. Ces relevés réguliers permettent de détecter des changements et d’évaluer les risques. Les informations obtenues deviennent une base primordiale pour des décisions politiques forestières et environnementales.
De mi-juillet à mi-août 2016, 4 experts forestiers ont analysé 1.176 arbres afin de :
- déterminer l’état de feuillage - une feuillaison complète correspond à une valeur de perte de 0 %, celle d’un arbre mort à 100 %,
- observer la coloration des feuilles et aiguilles de la cime des arbres,
- documenter la présence de parasites tels que insectes et champignons,
- définir sur base de ces analyses les classes de dégâts.
Les résultats de 2016 montrent que l’état de santé des forêts reste préoccupant :
- 28,6 % des arbres ne présentent pas de dommages (classe de dégâts 0),
- 33,1 % des arbres sont légèrement endommagés (classe de dégâts 1),
- 38,3 % des arbres sont nettement endommagés, c’est-à-dire des arbres moyennement endommagés, fortement endommagés ou arbres morts (classes de dégâts 2, 3 et 4).
Comme les années précédentes la dégradation diffère d’une espèce à l’autre :
- Hêtre (Buche) : L’état de santé du hêtre s’est aggravé en 2016. Avant tout le pourcentage d’arbres nettement endommagés a augmenté à 64,7 %. Le pourcentage de hêtre légèrement endommagé a diminué de 40,7 % à 25,3 % en 2016. Le pourcentage de hêtres sans dommages a diminué de 12,8 % à 10 %.
- Chêne (Eiche) : L’état des cimes des chênes et des feuillus divers s’est amélioré en 2016. Le pourcentage des chênes et feuillus divers nettement endommagé a diminué de 1,2 point de 35,5 % à 34,3 %. Le pourcentage de cimes légèrement endommagées représente 40 %, ce qui représente une amélioration de 4,4 points par rapport à l’année précédente. Les individus sans dommages représentent 25,7 % (2015 :20,1 %)
- Taillis de chêne : Une amélioration de l’état des cimes dans les taillis de chêne a pu être observée. Le pourcentage de taillis nettement endommagé s’est réduit à 25,6 % (2015 : 27,1 %). Le pourcentage de cimes légèrement endommagé a diminué de 48,6 % à 43,1 %. Le pourcentage de taillis sans dommages a augmenté de 7 points à 31,3 % (2015 : 24,3 %).
- Résineux (Nadelbaum) : Pour les résineux, la situation s’est aggravée en 2016. Le pourcentage d’individus nettement endommagés a diminué quelque peu de 18,8 % à 17,7 %. Par contre le pourcentage des résineux légèrement endommagés a augmenté de 7,3 points à 32,9 %. Le pourcentage des individus sans dommages s’est aggravé à 49,9 % (2015 : 55,6 %).
Le Gouvernement a mis en place un ensemble de mesures pour inverser cette tendance à long terme. L’objectif principal est de limiter la pollution de l’air et d’améliorer la résilience des écosystèmes forestiers, c’est-à-dire leur capacité naturelle à mieux gérer les situations de stress.
Les recherches des dernières années ont montré que les mécanismes de résistance des arbres peuvent être améliorés en augmentant la diversité du milieu forestier et en éliminant les impacts négatifs d’une exploitation inappropriée.
Aktiounsplang fir e gesonde Bësch
Concrètement, le Gouvernement a initié cinq mesures prioritaires dans ce sens.
1. Un nouveau Code forestier pour une gestion durable
Le nouveau Code forestier est en cours d’élaboration et va entériner le principe du maintien de la surface forestière afin de sécuriser les nombreux services et fonctions rendus par les forêts (récréation, filtration de l’air de l’eau, fixation de carbone, protection des sols, production de bois…).
Il va poser les bases d’une gestion durable des forêts au sens large et d’une sylviculture proche de la nature pour les forêts publiques. Des pratiques préjudiciables à la vitalité du milieu forestier seront interdites, telles que l’utilisation de pesticides et d’engrais, de même que la récolte d’arbres entiers (racines et feuillage compris) ce qui appauvrit le sol forestier. D’autres pratiques seront limitées, telles que la coupe rase, qui engendre une destruction brutale du climat forestier qui met ensuite plusieurs dizaines d’années à se reconstruire.
Dans ce contexte, il est à noter que le Luxembourg vient de recevoir le renouvellement de la certification FSC pour l’ensemble des forêts publiques.
2. Des aides plus ciblées pour un plus écologique
Le 22 mai 2017, un nouveau règlement grand-ducal d’aides financières pour soutenir les propriétaires forestiers qui améliorent la biodiversité et la fourniture d’autres services dans leurs forêts, va entrer en vigueur.
Il s’agit notamment de mesures qui protègent le sol, assise nourricière des arbres, telles que le débardage au cheval ou le téléphérage, ou de mesures qui augmentent la diversité des arbres par la plantation de mélanges d’essences. En effet, les arbres des forêts d’essences mélangées montrent une résistance accrue au stress grâce à des synergies d’utilisation du milieu naturel.
Les mesures soutenues sont regroupées autour de quatre grands axes :
- la protection et le renforcement des écosystèmes forestiers ;
- l’amélioration des services écosystémiques rendus par les forêts ;
- l’amélioration des infrastructures forestières ;
- l’amélioration du transfert des connaissances en matière de gestion et d’écologie forestière.
3. Des forêts publiques proches de la nature
Dans le cadre de sa mission de gestion des forêts publiques, soit presque 50 % des forêts du pays, le Gouvernement soutient la mise en place d’une sylviculture qui vise directement le renforcement de la résistance des arbres au stress. Le concept général est celui d’une sylviculture proche de la nature qui réduit les interventions humaines au strict minimum en faisant usage des mécanismes naturels.
C’est le cas notamment du recours à la régénération naturelle sur des longues périodes, afin de préserver au maximum la grande diversité génétique des arbres, mécanisme de défense et d’adaptation naturelles au changement par la sélection. Cette dynamique est encore renforcée par le maintien d’îlots de vieillissement à hauteur de 10 % de la surface des peuplements forestiers en phase de régénération, mesure qui a aussi un impact positif sur la biodiversité des autres organismes naturels vivant en forêt (insectes, oiseaux, chauffes-souris, …).
4. Des densités de gibier adaptées
La pression du gibier sur le milieu forestier peut compromettre les efforts d’une sylviculture proche de la nature, étant donné que les grands prédateurs naturels, tels que le loup ou le lynx ont disparu au Luxembourg depuis plus de 150 ans. En effet, l’abroutissement (Wildverbiss) de la régénération naturelle par le gibier, principalement le chevreuil et le cerf, peut réduire substantiellement la diversité des essences et en cela la capacité future de la forêt à s’adapter aux changements climatiques.
C’est pourquoi, le Gouvernement a mis en place dans le cadre de la nouvelle loi sur la chasse le mécanisme des « Plans de Tir » pour garantir des densités de gibier adaptées aux capacités naturelles des forêts. La définition des seuils des plans de tir est notamment orientée par un réseau d’enclos de référence mis en place et contrôlés par l’Administration de la nature et des forêts.
5. Une politique de mobilité durable
Les mesures mises en place au niveau de la gestion des forêts ne peuvent pas à elles seules contrecarrer les effets négatifs sur les forêts. Le dopage des arbres par des taux de plus en plus élevés de CO2 et d’azote atmosphérique ont un effet négatif important sur les arbres et engendrent des déséquilibres nutritionnels qui réduisent leur vitalité.
Il convient donc de remédier aux sources des pollutions engendrées par les activités humaines, c’est-à-dire principalement la pollution de l’air. Dans cette optique, le Gouvernement encourage le développement d’infrastructures à faible consommation d’énergie, donc à faibles émissions de polluants, de même qu’un parc automobile électrique moins polluant. Ces mesures sont accompagnées d’avantages fiscaux appropriés.
Source : Ministère du Développement durable et des Infrastructures – Service Environnement