Pour faire face aux déchets, le plan B’OM réduit leur volume
Et si on prenait le problème des déchets à rebours des approches techniques portées par les pouvoirs publics ? C’est l’objet de l’alternative citoyenne zéro déchet, qui a fait ses preuves ailleurs dans le monde.
L’association Zero Waste France dessine, avec son plan B’OM , les contours que prendrait une telle politique.
Opposition locale au projet d’hyper-incinérateur à Échillais (Charente-Maritime) , abandon définitif du projet d’usine de méthanisation à Romainville , blocage des sites d’enfouissement de déchets en Corse ... Ces événements récents posent une seule et même question : quelle politique de gestion des déchets mettre en place pour demain ?
Tous les projets cités répondent par une approche technique : incinérateurs, tri mécano-biologiques, mégadécharges… À grand renfort de nouvelles technologies, invoquées pour résoudre les problèmes posés par un volume de déchets toujours aussi important – bien que l’ Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) constate une « stabilisation des déchets produits » . En France, le traitement des déchets représente le premier poste de dépense publique en matière d’environnement – 15,7 milliards d’euros – et il est géré à plus de 90 % par le secteur privé, « avec de juteux bénéfices » , comme le rappelaient récemment des responsables du Front de gauche dans une tribune publiée par Bastamag .
Penser en amont la question du déchet
La contestation citoyenne aux choix des pouvoirs publics propose, à chaque fois, un même mot d’ordre : l’alternative zéro déchet. L’enjeu est simple : penser en amont la question du déchet. « Le zéro déchet est fondé sur un changement de paradigme favorisant la réduction à la source et la collecte séparée des biodéchets » , explique Flore Berlingen, directrice de l’association Zero Waste France. Une démarche déjà à l’œuvre ailleurs dans le monde : si San Francisco fait référence depuis plusieurs années , d’autres municipalités ont emboîté le pas, comme en Italie. Avec des résultats surprenants : à Trévise, il n’y aurait plus que 53 kg d’ordures ménagères résiduelles (OMR) collectées par an et par habitant , là où un habitant français en produit en moyenne 354 kilos …
Comment alors se lancer dans la voie du « zéro déchet » aujourd’hui, en France ? L’association Zero Waste France a mené une étude spécifique, publiée il y a quelques semaines, qui donne de premières pistes d’action très concrètes. . Le plan B’OM, pour « baisse des ordures ménagères » , se veut ainsi une « alternative citoyenne zéro déchet à la reconstruction de l’incinérateur Ivry-ParisXIII ».
« La marge de manœuvre est colossale »
Ce projet, très contesté depuis plusieurs années et estimé à un coût avoisinant les deux milliards d’euros, illustre les vifs débats sur l’orientation des politiques de déchets : « Garder un incinérateur, c’est décourager la réduction des déchets et le recyclage pour de nombreuses années » , explique de Anne Connan, coprésidente du collectif 3R (réduire, réutiliser, recycler) qui réunit une dizaine d’associations. À l’appui de leur contestation, les associations environnementales citent un chiffre éloquent : seuls 42 % des poubelles qui arrivent sur le site actuel de l’incinérateur auraient fait l’objet d’un tri préalable.
L’incinérateur d’Ivry, en banlieue parisienne.
« La marge de manœuvre est colossale, estime Flore Berlingen. Le meilleur moyen de démontrer l’inutilité de l’incinérateur, c’est encore de réduire le volume des déchets qui s’y destinent. » Pour cela, le plan B’OM s’appuie en premier lieu sur la gestion des biodéchets, ces détritus d’origine végétales ou animales, dont « la loi de transition énergétique rend obligatoire la collecte d’ici à 2025 » , rappelle Antoinette Guhl, adjointe à la mairie de Paris en charge de l’économie circulaire et porteuse du Livre blanc du Grand Paris, qui fait la part belle à cet enjeu .
Présenté ce jeudi soir lors d’une réunion publique à Ivry-sur-Seine , le plan B’OM insiste sur le double levier de gestion de ces biodéchets : l’action individuelle, d’abord, par une « gestion de proximité » fondée, par exemple, sur un compostage domestique, en pied d’immeuble ou de quartier, l’action publique, ensuite, par la collecte séparée – rendue donc obligatoire à partir de 2025. À horizon 2023, l’association a fait le calcul : « Il est possible de détourner 310.000 tonnes/an de biodéchets de la poubelle des OMR (la poubelle dite “mélangée”) » , à raison de 32 kg/hab/an de biodéchets collectés séparément par le service public et de 7 kg/hab/an grâce au compostage de proximité. Auxquels, il faut ajouter la réduction du gaspillage alimentaire, évaluée à 14 kg/hab/an.
Le grand chantier du papier et du carton
L’autre grand chantier du plan B’OM , c’est le papier-carton. « Dans les poubelles ‘’non-triées’’ de Paris, on trouve beaucoup plus de carton qu’ailleurs en France », souligne Flore Berlingen. En misant sur une politique de prévention et un meilleur système de collecte – comme à Toulouse, où il existe une collecte spécifique pour le carton dans les zones commerciales, par exemple – Zero Waste France prévoit de réduire de près de 215.000 tonnes le volume de papier et de carton aujourd’hui traité par incinération ou par mise en décharge.
Au total, avec 12 mesures ambitieuses, dont une opération « zéro déchet au bureau » ou la relance de l’application du « Stop-pub » , le plan B’OM espère diminuer de plus de 700.000 tonnes les OMRà horizon 2020.
Et ce n’est pas un hasard si le plan B’OM remet autant le citoyen au cœur de l’enjeu social, politique et écologique de la question des déchets, à quelques semaines de la COP 21 . Car, comme le rappelle Flore Berlingen , « quand on évite un déchet, on évite autant de CO2 qu’il ne faudra pour le traiter ensuite, mais aussi tout le CO2 qu’il n’a fallu pour le produire ou tout le CO2qu’il faudrait pour le remplacer ».
Source : www.reporterre.net