Pourquoi avons-nous peur de ce qui nous est étranger ?
Quels sont les mécanismes qui nous poussent à avoir peur de ce qu’on ne connaît pas ? Le plus souvent, les différences entre les individus ne sont pas perçues comme des atouts et conduisent généralement à la suspicion, au rejet voire à la violence. Pourquoi cela ?
Avant de répondre à cette question, je veux vous faire une révélation : je suis moi-même sujet à ces peurs. Bien que professionnel depuis des années dans le domaine de la Diversité, de l’inclusion et des questions autour du Gender, j’ai moi aussi parfois des idées préconçues sur les personnes.
Assister à un mariage de personnes gays, découvrir que sa grand-mère est une gameuse invétérée de Fortnite, rencontrer un chef de chantier sur un fauteuil roulant ou même une femme voilée pilote de chasse… cela peut être choquant. Pour beaucoup ça l’est. A minima c’est l’étonnement.
Si cela peut vous rassurer, tous les êtres humains sont concernés par la question. Tous. En sciences humaines, nous appelons cela des « unconscious biases ». En français, des préjugés inconscients.
Phénomène bien connu du monde de la Recherche, de récentes études ont cherché à comprendre d’où provenaient ces 175 préjugés cognitifs connus à ce jour. Il s’avère que si nous préjugeons des choses que nous ne connaissons pas c’est avant tout et surtout pour une question de survie. En effet, ces comportements nous permettent essentiellement de traiter des problèmes existentiels insolubles. Je m’explique. La raison principale qui nous pousse vers ces préjugés cognitifs est de faire gagner du temps et de l’énergie à notre cerveau. Préoccupations cérébrales que nous allons regrouper sous 4 catégories.
Problème n°1 : Beaucoup trop d’information à traiter
Il y a tout simplement trop d’informations dans le monde qui nous arrive. Il nous est impossible de traiter/apprécier toutes ces données. Nous n’avons pas d’autre choix que de les filtrer presque toutes. Notre cerveau utilise quelques astuces simples pour faire le tri et garde les infos les plus susceptibles de nous être utiles.
Problème n°2 : Donner du sens à ma vie
Donner du sens à sa vie est un élément clé dans le développement du genre humain. Or le monde contemporain nous paraît confus car nous n’en voyons qu’une infime partie. Nous devons lui donner un sens pour survivre. Et nous le faisons à partir d’un flux réduit d’informations (du fait du problème n°1). Ainsi, nous comblons les lacunes avec des éléments que nous pensons déjà connaître et nous mettons à jour nos modèles mentaux sur notre conception du monde.
Problème n°3 : Nous devons agir vite
Nous sommes limités par le temps et l’information (problèmes 1 et 2), et pourtant nous ne devons pas laisser cela nous paralyser. Si, pour prendre une décision, nous devions récolter de manière exhaustive et avec précision tous les paramètres et toutes les données, le temps consacré à le faire rendrait ces informations déjà caduques, tant le monde est en perpétuel changement. Sans la capacité d’agir rapidement face à l’incertitude, notre espèce aurait sûrement disparu de la surface du globe depuis longtemps. Avec chaque nouvelle information, nous devons faire de notre mieux pour évaluer notre capacité à influer sur la situation, décider en conséquence, simuler l’avenir pour prédire la suite, et agir en fonction de nos nouvelles connaissances.
Problème n°4 : Je ne peux pas me rappeler de tout !
La mémoire de notre cerveau n’est pas d’une capacité infinie. Il y a trop d’informations dans l’univers et nous sommes en mesure de ne conserver que les éléments les plus susceptibles de nous être utiles à l’avenir. Nous devons constamment partir sur des hypothèses ou bien faire des compromis sur ce que nous essayons de retenir et ce que nous oublions. Nous préférons les généralisations aux détails parce qu’elles prennent moins de place dans notre tête. Lorsqu’il y a beaucoup de détails, nous choisissons de conserver quelques éléments marquants et jetons le reste. Ce que nous gardons ici est ce qui est le plus susceptible d’informer nos filtres liés à la surcharge d’informations du problème 1, ainsi que ce qui nous vient à l’esprit pendant les processus mentionnés dans le problème 2 autour du remplissage des informations incomplètes.
Ces 4 problèmes existentiels qui nous poussent vers tous nos préjugés s’auto-renforcent les uns les autres. C’est en cela qu’on les qualifie de préjugés cognitifs.
Un préjugé cognitif c’est quoi ?
C’est une forme d’aveuglement temporaire inhérent à la pensée qui réduit la précision de la pensée et entraîne des conclusions inexactes - et souvent irrationnelles. En clair, ces préjugés nous amènent à considérer des réponses souvent farfelues à des problèmes tout-ce-qu’il-y-a-de-plus-simple. Celles et ceux qui ont participé à mes formations savent très probablement à quoi je fais référence.
C’est là que je vous annonce la bonne nouvelle. Si vous faites l’objet de préjugés cognitifs et qu’il vous arrive d’avoir des positions irrationnelles sur des questions simples, sachez que vous êtes tout ce qu’il y a de plus normal. L’être humain est constitué de la sorte. Au même titre que nous respirons, nous manifestons des préjugés inconscients.
Est-ce que cela veut dire qu’il ne faut rien faire ? Pour réponse je vous partagerai une phrase qu’une grande amie n’a de cesse de se répéter : « évoluer pour toujours tâcher d’être la meilleure version de moi-même ».
Mes 3 conseils pour avancer sur la question
Pour finir, je vous partagerai les 3 actions majeures que je mène sur moi-même au sujet de mes préjugés inconscients.
1- Accepter que je sois biaisé : Étape incontournable à ma liberté, je dois prendre acte que je suis pétri de préjugés inconscients. Cessez de chercher à (vous) prouver que vous n’êtes jamais habité par des préjugés, que cela concerne les autres et pas vous. Vous l’êtes. Je le suis. Alors, plutôt que de se voiler la face, vivons avec cette réalité, acceptons-la et œuvrons à notre propre évolution.
2- Écouter les personnes concernées : L’un de nos préjugés qui nous empêche d’avancer sur la question est que nous croyons savoir ce que vivent les autres. Or il n’en est rien. Ne ratez jamais une occasion de questionner de manière ouverte une personne dite « des minorités ». Dans le respect de sa vie privée évidemment, questionnez-la, demandez-lui de narrer sa condition, la manière dont les individus et les groupes interagissent avec elle, comment elle vit cela. Écoutez, nourrissez-vous de multiples récits et beaucoup de vos voiles se dissiperont comme par magie.
3- S’entraîner : Il existe des coaches sportifs, des maîtres sushis, des profs de chant… Dans toutes ces disciplines et bien d’autres encore, beaucoup ont une pratique assidue de l’exercice. Du moins, toutes celles et ceux qui aspirent à une réelle évolution. Il en est de même pour les préjugés inconscients. Entrainez-vous ! il existe une myriade d’outils en ligne (que je peux vous partager si vous voulez). Ça peut être compliqué pour certains de s’exercer seul ou de se motiver. Ça tombe bien. Des personnes formées et aguerries sur la question peuvent vous accompagner. Il se pourrait même que ce soit moi. Qui sait.
Écrit par Kamel Abid
Pour plus d’informations : www.allagi.lu