Propositions du gouvernement sur le climat : analyse de la chambre de commerce
La Chambre de Commerce rend publics ses récentes contributions et commentaires en lien avec les initiatives du gouvernement sur le Climat.
D’une part, elle répond à la consultation publique lancée par le gouvernement à propos du Plan National intégré en matière d’Energie et de Climat (PNEC) qui contient un ensemble de mesures pour atteindre les objectifs climatiques du pays, à propos desquelles il convenait de se prononcer avant le 29 mars 2020 ; d’autre part, la Chambre de Commerce émet son avis sur le projet de loi climat (n°7508) qui fixe le nouveau cadre en matière de politique climatique nationale. Ces deux prises de position sont largement complémentaires.
Dans sa réaction à propos du PNEC, la Chambre de Commerce s’est attachée à identifier les mesures dont elle se félicite expressément et les mesures plus critiquables et celles qui lui inspirent certains doutes. Par ailleurs, la Chambre émet quelques recommandations complémentaires.
Les mesures qui sont saluées
Il convient de citer celles qui tiennent compte de la situation spécifique des PME en proposant des dispositifs simplifiés, même si ce type de mesures aurait pu être développé encore davantage.
Beaucoup de mesures concernant le secteur des transports sont à saluer. Parmi elles, la Chambre de Commerce accueille favorablement la promotion d’une mobilité et de circuits logistiques faisant une plus grande place à la multimodalité. Les investissements envisagés dans certaines nouvelles technologies et infrastructures alternatives, comme par exemple les camions à hydrogène, sont bienvenus. La promotion des biocarburants de 2e génération et la poursuite du programme Lean & Green pour le secteur du transport logistique sont deux initiatives applaudies.
Dans le secteur de la construction, les bonnes initiatives sont également nombreuses : l’établissement de cadastres thermique et solaire ; l’assouplissement des conditions d’octroi de prêts à taux zéro pour la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels, pour que plus de ménages puissent y avoir accès ; ou encore l’analyse des potentiels de réduction de consommation énergétique des bâtiments, pour encourager la mise en œuvre des travaux les plus efficaces.
La Chambre de Commerce souligne encore la pertinence de la création d’un fonds de financement spécifique de de-risking pour l’efficacité énergétique, permettant aux entreprises de faire des investissements dans des mesures pro-environnement, notamment d’énergies renouvelables.
Enfin, un dernier satisfecit concerne la force de proposition des auteurs du projet de PNEC en ce qui concerne la coopération internationale.
Les mesures qui appellent à la vigilance
Ces mesures nécessiteraient des précisions ou des compléments pour devenir convaincantes. Il en est ainsi de la hausse des droits d’accise sur le carburant qui ignore les conséquences néfastes sur les coûts supportés par certains professionnels pour lesquels un remboursement pourrait être envisagé sous une forme ou sous une autre. Le PNEC n’apparaît pas suffisamment volontariste au chapitre des budgets mobilité alloués par les employeurs à leurs salariés.
D’autres mesures, sans être critiquables, présentent certaines faiblesses. Parmi elles, l’approvisionnement en biomasse limité à la Grande Région qui exclut, sans raison, certaines régions productrices tout aussi proches ; l’élargissement de l’obligation des audits énergétiques ne s’accompagnant pas de mesures de soutien ou d’aides financières ; l’objectif d’un taux de rénovation annuel des bâtiments de 3% par an alors que le secteur souffre déjà d’un manque de main-d’œuvre qualifiée.
Les recommandations de la Chambre de Commerce
La Chambre de Commerce complète sa réponse à la consultation publique en émettant quelques recommandations complémentaires dont voici quelques exemples :
- Introduction de la notion de panier durable pour le calcul de l’Indice des Prix à la consommation sous-jacent au système d’indexation automatique, excluant notamment les énergies fossiles (carburants, mazout, gaz), les produits nocifs pour la santé (alcool, tabac) et les taxes introduites sous le principe de pollueur-payeur, tout en soutenant financièrement les ménages aux revenus les plus modestes. Cette recommandation fait par ailleurs l’objet d’une publication Actualité & tendances à paraître tout prochainement.
- Réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) basées sur une analyse factuelle et rigoureuse, afin d’identifier les mesures économiquement attractives et techniquement faisables pour chaque secteur, prenant en compte les meilleures techniques disponibles .
- Comptabilisation des économies d’énergie générées par le secteur du transport (de marchandise) dans le cadre de mesures spécifiques des économies d’énergies, car le secteur du transport en est actuellement exclu.
- Intégration de critères de sélectivité sociale dans le nouveau régime PRIMe House prévu pour 2021, pour que les ménages modestes puissent y accéder plus facilement.
- Proposition de davantage de mesures destinées à l’industrie pour que celle-ci puisse investir dans des technologies plus propres et moins émettrices de CO2.
- Chiffrage de l’impact réel des mesures du PNEC sur les finances publiques.
Lire l’intégralité de l’analyse du PNEC par la Chambre de Commerce, cliquez ici
Avis de la Chambre de Commerce sur le projet de loi Climat
Dans son avis sur le projet de loi Climat, la Chambre de Commerce, qui souscrit pleinement aux objectifs de l’Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique, se prononce en faveur des mesures qui soutiennent et encouragent les entreprises dans leur processus de transition environnementale et se montre plus réservée à l’encontre de certaines mesures qui pourraient pénaliser les entreprises et l’économie du Luxembourg.
Par ailleurs la Chambre de Commerce regrette que le règlement grand-ducal précisant les objectifs climatiques sectoriels n’ait pas été soumis à son avis de manière concomitante au présent avis sur la loi climat et elle invite les pouvoirs publics à considérer, secteur par secteur, ce qui sera économiquement attractif et techniquement faisable. Elle invite notamment le gouvernement à considérer l’apport historique de certains secteurs jugés aujourd’hui polluants mais qui restent des piliers importants de l’économie luxembourgeoise.
En ce qui concerne les émissions de GES, la Chambre de Commerce estime que seules les mesures visant une réduction réelle des émissions, notamment en encourageant les entreprises concernées à investir dans des technologies propres, sont efficaces. En effet les mesures qui consistent à pénaliser ces entreprises sur un territoire sont contre-productives car elles ont bien souvent pour conséquence la simple délocalisation des sources d’émission sur d’autres territoires moins regardants et la perte de certaines activités pour notre économie locale, tout en n’améliorant pas le bilan net à l’échelle du monde.
Sur l’annonce de la création d’une taxe carbone, dont les modalités précises ne sont pas encore disponibles, la Chambre de Commerce met en garde sur une utilisation de cet outil sans discernement. En effet, une application unilatérale de cette taxe créerait une nouvelle charge, potentiellement élevée pour les entreprises les plus émettrices qui sont celles qui auront besoin de mobiliser leurs moyens pour investir dans des infrastructures et des technologies plus durables.
D’autres sujets abordés par le projet de loi font l’objet d’un commentaire de la chambre patronale et notamment la neutralité technologique , la fuite de carbone , l’introduction d’un prix minimal du carbone, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières , le Fonds climat et énergie et le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de GES.
Enfin, le projet de loi prévoit la création de 3 organes de gouvernance climatique, le comité de coordination interministériel climat, la plateforme pour l’action climat et la transition énergétique, et l’Observatoire de la politique climatique. La Chambre de Commerce demande que les entreprises et les secteurs visés par le projet de loi soient fortement représentés dans ces nouvelles instances, de même qu’au comité d’accompagnement permanent pour les projets d’investissement financés par le Fonds climat et énergie et faisant l’objet d’une loi spéciale autorisant la participation financière de l’État, créé par le projet de loi.
L’avis de la Chambre de Commerce peut être consulté ici
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